Bientôt à table

On y mange très très bien : les tables du mois !

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Par Sophie Moens

Le critique gastronomique Michel Verlinden n’y déroge pas, chaque mois, au micro de Bientôt à table – RTBF. be, il nous invite à découvrir quelques pépites découvertes au fil de ses déambulations gourmandes. En ce début du printemps, il a croqué et craqué pour trois tables à découvrir de toute urgence !

 

Aster

Le pari est ambitieux : implanter une expérience gastronomique de haut vol à deux pas du Canal.

Il vient d’être relevé avec brio par un duo composé d’un sommelier, Ydris Gryson, et d’un chef d’origine vietnamienne, Túbo Logier. Le premier vient d’Ypres, le second de Gistel. Ce tandem s’est rencontré à In de Wulf (Dranouter), le restaurant de Kobe Desramaults, chef emblématique d’une nouvelle modernité culinaire. Gryson et Logier ont donc été biberonnés à l’excellence. Les deux copains ont ensuite voyagé pour se construire un style propre – ainsi de Túbo passé par P.Franco à Londres ou 4850 à Amsterdam.

C’est à Bruxelles qu’ils se sont retrouvés pour ouvrir Aster – du nom d’une plante vigoureuse poussant sur des sols peu favorables. Sobre et décoincé, le décor aligne deux pièces en quasi-enfilade dans un environnement de briques nues, de poêle à bois et de chape de béton montant à l’assaut des murs. Au centre de chacune d’elles, une confortable table haute – l’adresse fait place à maximum 25 couverts. En vitrine, la cuisine tient de l’échoppe street-food asiatique avec sa flamme nue et ses carcasses de poissons suspendues au-dessus des braises. Ce fumage est essentiel aux fonds qui structurent des plats pesco-végétariens.

Logier a fait le choix d’un menu unique 6 ou 7 services à 68 euros. Cher ? Cérébral ? Si un tel montant est certes significatif, l’amateur ne le regrette pas une seconde car Aster surprend en permanence, en revisitant les textures et les associations, sans jamais perdre en densité et en intensité. Ce soir-là, des mises en bouche aux desserts, c’était parfait. On a appris que même une racine d’ail des ours se découvre gourmande en raison d’un subtil braisage. Les rapprochements de goûts enchantent, qu’il s’agisse de maquereau et de miso à la châtaigne, de roussette et de radis noir, de barbue et de puntarelle. Les coups de cœur ? Sans hésiter, une création sobrement intitulée " blette, noix, lait battu " qui évoque les feuilles de vigne méditerranéennes ou ce dessert crémeux à base de kombu et de pomme terre. Pour 38 euros supplémentaires, Gryson assure un pairing idéal à coups de cidre, blanc minéral et autre rouge calibré à la perfection.

202, rue Antoine Dansaert, à 1000 Bruxelles. www.aster.brussels Ouvert du vendredi au lundi, de 18h30 à 20h15.

Bagù

Avec son apaisant plancher et son salon ponctué d’un papier à tapisser crypto-fauve, Bagù plante une atmosphère détendue : une vingtaine de couverts qui échappent à la fureur du monde.

Mention pour cette petite table, la 7, propice au strabisme divergeant.

De l’œil droit, on tient à l’œil une terrasse qui promet les beaux jours face aux hauteurs bourgeonnantes de Thuin. Du gauche, on ne lâche pas Steven Mirelli – talent à la stature imposante dont l’aisance et la concentration disent un chef-poisson heureux dans ses eaux gastronomiques – œuvrant en toute transparence derrière le passe. L’orfèvre envoie sa première assiette, sa version du vitello tonnato. Posée sur la table, elle évoque un jardin ponctué de pétales de bleuets. C’est beau et ça sent bon, l’homme ayant râpé de la bergamote sicilienne sur la composition.

L’intensité du plat épate en raison d’une sauce concentrée renforcée par de la bottarga de thon. A nos yeux, les grains de grenade n’apportent rien à l’ensemble. Dispensables, ils n’entachent pas pour autant une création très bien sentie. Tout aussi minutieux, le plat perpétue la bonne vibe. Il s’agit de deux tronçons de lotte meunière servis avec de l’artichaut légèrement brûlé, de la purée de panais, de la carotte, de l’asperge, de la pomme de terre et un jeune oignon. Les cuissons sont d’autant plus idéales qu’un jus au fumet de poisson et à l’ail des ours se tient à disposition pour arroser le tout selon son envie. Peut-être amateur de peinture, Mirelli distille des petites notes de couleur, betterave intense, qui n’auraient pas déplu à Jackson Pollock. Et puisque les bonnes nouvelles n’arrivent jamais seules, la carte des vins ravit l’amateur grâce à la présence de domaines et vignerons tels qu’Alessandro Viola, Daumas Gassac ou encore Bodegas Viñátigo.

14, avenue de Ragnies, à 6540 Thuin. Tél. : 0498 48 68 07. Ouvert de 18h30 à 22h30, ainsi que le vendredi, de 12h à 14h30. Fermé le dimanche, lundi et mardi. Menus à 45 et 60 euros.

Enishi by Toshiro

Après avoir longtemps évolué dans l’ombre de San Degeimbre, Toshiro Fuji vole désormais de ses propres ailes.

Dans la bataille gastronomique opposant Tokyo à Kyoto, les premiers fustigeant les seconds pour des appétences jugées trop subtiles, c’est dans le camp de l’ancienne capitale que l’on rangerait Toshiro.

Il le prouve avec un lunch en 3 services (45 euros) à la justesse absolue. Tout ici est calé au millimètre près. C’est vrai également du décor, pas spectaculaire pour un sou, qui installe dans un confort sobre. L’œil enregistre la présence de bois clair, de pierre bleue, de bois brûlé, ainsi qu’une délicate paroi évoquant l’architecture traditionnelle japonaise. Rien n’est gratuit, chaque élément contribue discrètement à favoriser le face-à-face entre le convive et l’assiette.

Dès l’entrée, on est ému par le canard proposé sous forme de terrine et de tranches. L’assiette longiligne évoque un paysage ponctué de saveurs marquées : betterave, prune umeboshi et chou rouge. On applaudit des deux mains les proportions, notamment de protéines, qui ne saturent pas le palais.

En plat, le lieu jaune se délecte d’un miso blanc au yuzu. Le mariage est délicat et gourmand. En accompagnement, une tombée de légumes, carotte et épinards, surplombe une brandade réalisée avec la chair du poisson.

Le dessert, quant à lui, associe chocolat blanc sans lourdeur, un vrai nuage, et gamme d’agrumes sur fond de crumble. Les notes de bergamote de citron intense remontent au palais comme des souvenirs d’enfance. Un service bienveillant et une carte de vins courte mais parfaitement balancée – Domaine Pignier, Elisabeth Rücker… – achèvent de faire de cette adresse un rendez-vous incontournable en Brabant wallon.

64, chaussée de Bruxelles, à 1410 Waterloo. Tél. : 02 673 03 81. www.enishi.be Ouvert de 19h à 21h, ainsi que le jeudi et le vendredi, de 12h à 14h. Fermé le dimanche et le lundi.

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