Métropole de Montpellier : Stratégie Zéro déchet et filière CSR, le temps des débats et des doutes

Pour faire le choix d'une filière CSR, la Métropole de Montpellier mène une mission d'informations auprès des élus. Un débat contradictoire s'est également tenu à La Carmagnole.

Le traitement des déchets, un enjeu majeur à relever au plus vite pour la Métropole de Montpellier
Désormais au pied du mur, la Métropole de Montpellier doit prendre une décision quant à la gestion des déchets. (©CN / Métropolitain)
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Depuis un mois, la gestion des déchets est questionnée dans la Métropole de Montpellier avec l’option avancée de développer une filière CSR (Combustible Solide de Récupération). Au-delà de la crise politique, les élus auront à se prononcer le 2 avril lors du prochain conseil sur ce choix aussi complexe qu’important. Après avoir été poussée à reporter le vote de la délibération de la délégation de service public (DSP) d’Ametyst, la collectivité procède pendant un mois à une mission d’informations afin de répondre aux doutes des élus de la métropole quant aux enjeux écologiques et économiques. Et ils sont nombreux…

Le contexte

Lorsque le sujet de la gestion des déchets s’est invité durant le débat d’orientation budgétaire lors du précédent conseil de métropole, plusieurs maires n’avaient pas manqué d’exprimer un besoin d’informations quant à cette filière CSR mise sur la table. Cette première audition déroulée le 1er mars, filmée et rendue publique, a été l’occasion de rentrer un peu plus concrètement dans le sujet. « Ces temps seront importants pour bien connaître les tenants et les aboutissants d’une décision majeure pour le territoire sur comment nous faisons pour la suite car nous sommes aujourd’hui dans une impasse très dangereuse » a souligné Michaël Delafosse. En guise d’introduction, le président de la Métropole a rappelé le contexte : « Depuis 2019 et la fermeture du casier de Castries, nous nous retrouvons dans une situation très compliquée. Nous sommes la seule Métropole de France à ne pas avoir de solution propre à ses déchets ».

Si la stratégie Zéro déchets n’a pas été déroulée de la manière dont le souhaitait son concepteur et porteur François Vasquez, depuis démis de ses délégations après ses prises de paroles contre la filière CSR, plusieurs mesures ont été lancées comme les adaptations de la collecte, l’implantation de composteurs et de conteneurs à verre ou encore la fin de la collecte des zones d’activité économique à partir du 18 mars, l’implantation de ressourceries… Reste que la Métropole de Montpellier continue d’expédier ses déchets via 4 500 camions qui parcourent plus de 800 000 km par an pour se rendre dans des sites de décharges ou incinérateurs de la région. 110 000 tonnes de déchets par an sont ainsi exportés pour un coût prévisionnel en 2024 de 27M€ soit une estimation de se surcoût depuis 2019 de 67,4M€.

L’analyse du cabinet d’ingénierie et de conseil

Première intervenante de cette audition, Catherine Marquet, directrice de projet de la  société d’ingénierie et de conseil en environnement Antea Group qui a donc porté son expertise sur le traitement et la valorisation des déchets de la Métropole de Montpellier. Revenant sur la filière actuelle d’Ametyst, elle pointe « un des aspects critiques » avec l’interdiction à partir de 2026-2027 de la production et la valorisation de compost OMR dont 36 000 tonnes y sont produits par an et si elle est maintenue en l’état entrainera donc « du refus en plus à traiter ». En découle la problématique de l’exportation de ces déchets issus des déchets… à laquelle s’ajoute également l’évolution de la taxe générale sur les activités polluantes et le coût des exutoires, les obligations du SRADDET, le plan régional définissant les orientations de la gestion des déchets, qui, suivant les objectifs européens et nationaux, impose une diminution des tonnages dans les décharges et de la capacité d’accueil dans les incinérateurs. « On aura plus de refus à traiter avec le compost OMR et en même temps il y aura moins d’acceptation sur les exutoires » pointe-t-elle en prévoyant une augmentation du coût des exportations entre 2 et 3M€..

Catherine Marquet a par ailleurs salué « la feuille de route Zéro déchet, assez ambitieuse qui permettra de réduire les tonnages ce qui est primordial et fondamental » et exclut la possibilité de faire basculer Ametyst vers de la valorisation énergétique. « Le plan déchet et les orientations du STRADETT ne permettent pas de créer une nouvelle installation de valorisation énergétique sur le territoire et nous n’aurions pas la possibilité non plus de pouvoir traiter l’ensemble des tonnages de la métropole sur d’autres installations existantes du fait de la réduction des tonnages planifiée sur la région ». Sa conclusion est donc que « la seule source de traitement alternative à examiner serait la mise en place d’une chaudière CSR qui permettrait de réduire de façon conséquente les refus actuels ».

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Elle préconise ainsi de « réorienter le process actuel d’Ametyst qui ne correspond plus ni au cadre réglementaire ni au meilleur technique économique et viable pour l’avenir ». Avec l’objectif d’accroitre la valorisation énergétique des déchets en produisant du biogaz ou de la chaleur à partir de CSR, Catherine Marquet a mis en avant « la synergie entre le traitement des déchets et le déploiement du réseau de chaleur sur la métropole ». Sur le process même, la proposition faite est « d’inclure d’autres déchets pour optimiser l’installation de cette filière CSR qui serait valorisée sur le site ». Des déchets en plus qui proviendraient des encombrants des déchèteries et des refus du centre de tri Déméter. Les déchets préalablement triés et préparés sous forme de granulats CSR sont ensuite envoyés dans une chaudière à 20MW de puissance soit 45 000t de CSR consommés sur l’année. « L’objectif est d’avoir un abaissement fort des refus produits par l’installation. On arriverait à 55 000 t par an par rapport aux 110 000 t actuelles » prévoit Catherine Marquet.

Quant aux seuils d’émissions des chaudières CSR, la directrice de projet a insisté sur « une réglementation européenne assez restrictive. En comparaison avec les chaudières biomasses, ce sont les normes les plus sévères pour la filière CSR ». Ainsi, sur les polluants contenus dans les fumées émises à la cheminée, elle précise que les valeurs concernant le projet CSR seront celles de l’arrêté du 12 janvier 2021 soit les mêmes que celles de la combustion des boues à la station d’assainissement Maera, de l’Unité de Valorisation Énergétique (UVE) de Sète et de l’UVE de Lunel-Viel qui s’en impose des plus contraignantes.

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L’appel à projets de l’ADEME

Autre intervenant de l’audition, Pierre Vignaud, référent CSR à l’ADEME, a d’abord apporté quelques éléments de contexte plus général. « La notion de CSR apparaît avec la loi de transition pour la croissance verte d’août 2015 dont un des objectifs majeurs et de réduire de 50% la quantité de déchets enfouis. Le CSR est un des moyens parmi d’autres pour atteindre cet objectif. Un objectif renforcé par la loi AGEC (Anti-gaspillage pour une économie circulaire) de 2020 qui a donné des éléments d’objectifs encore plus rigoureux ». Et de bien préciser que « au niveau national on ne tiendra pas les moins 50% entre 2010 et 2025. L’ambition était trop importante mais il faut le voir comme une ligne d’horizon, un objectif de long terme particulièrement ambitieux à atteindre ».

L’Agence de l’environnement a lancé en 2016 un appel à projets Énergies – SCR avec comme objectifs en 2025 1GW de puissance installée et 1,5Mt valorisés. Dix-huit projets sont actuellement accompagnés pour un total de 211M€ avec à ce jour 650MW installées et 1,2Mt valorisés. Avec un bémol lancé comme une précaution. « On peut s’étonner et je l’entends que sur 18 projets que deux sont en fonctionnement. Cela dit les difficultés à monter ces projets, il faut plusieurs années, voire une dizaine d’années. D’autant que dans les années passées, les fluctuations du coût de l’énergie fossile ont été brutale et ont causé beaucoup de retard dans l’avancement opérationnel de ces projets ».

Le périmètre de l’appel à projets a été revu en 2023 pour, comme l’explique Pierre Vignaud, « se concentrer sur l’unité de combustion par oxydation. C’est une chaudière dans lequel on brûle du déchet. Tout ce qui est technique de pyrolisation ou avec des entrées d’air moins importantes sont exclues » et ce afin de « travailler sur une combustion classique en excès d’air. Avec l’oxydation, on a un composé organique et on en sort du dioxyde de carbone et de l’eau avec d’autres éléments indésirables en proportion mineure ». Et d’insister qu’il ne s’agit pas d’accompagner « des techniques innovantes mais uniquement des techniques industrielles robustes éprouvées du point de vue de la combustion ».

Cet appel à projets ne concerne que la chaudière CSR excluant ainsi de cette aide le réseau de chaleur, qui lui peut être abondé par la Région, ainsi que le centre de préparation de CSR, qui lui n’en dispose pas. Pierre Vignaud insistant sur ce dernier point. « Et pourtant, c’est un nœud important du projet. La qualité du combustible va dépendre de la technique qui sera mise en œuvre dans ce centre de préparation de CSR. Ce centre essaye de mettre de l’homogénéité dans l’hétérogénéité. Le déchet qui rentre est forcément hétérogène et à la fin ce qui nous intéresse pour piloter une installation de combustion c’est d’avoir quelque chose d’homogène ».

Un besoin en énergie pour l’ADEME

Pierre Vignaud a par ailleurs bien insisté. « Ce qui fonde un projet de CSR, c’est un besoin en énergie. Il ne faut pas se dire que l’on a 45 000 t de déchets sur les bras, que l’on ne sait pas quoi en faire et donc on fait un projet CSR. Il faut partir d’un besoin de tant de gigawatt heure d’énergie et le CSR serait un des moyens pour y pourvoir comme le serait une chaudière fuel ou charbon. Mais, en fin de compte, pourquoi ne pas faire d’un problème une opportunité et de répondre au besoin énergétique qui fonde le projet avec un combustible alternatif. C’est l’énergie qui fait le projet et c’est l’esprit de la réglementation et aussi de notre appel à projet ».

C’est pourquoi l’ADEME ne soutient que « les installations de cogénération c’est à dire qui produit à la fois de l’électricité et de la chaleur. Et l’ordre compte, en premier de l’électricité et en second de la chaleur » et d’appuyer : « Il doit s’agir d’installations de haut rendement c’est à dire qui mettent l’accent sur la production électrique et les chiffres qu’a fourni la Métropole de Montpellier devront être améliorées car 9GWh ne seront pas suffisant pour rentrer dans le cadre de l’appel à projet ».

De plus, Pierre Vignaud a pévenu les élus que « faire le choix du CSR à la place d’un combustible fossile induit des complexités techniques, des surcouts financiers et une kyrielle de conséquences. C’est plus facile de faire du combustible fossile. Dans cette chaudière CSR, il y aura des surcoût pour la préparation du combustible, pour la chaudière en elle-même et sur le traitement des fumées ». Si la Métropole de Montpellier répond à la plupart des critères de l’appel à projets de l’ADEME, le référent CSR a conclu : « La logique vous l’avez bien compris c’est Énergie, énergie, énergie. J’ai un besoin énergétique c’est le premier point. Et deuxième point majeur, le CSR n’est qu’un moyen parmi d’autres pour contribuer à la réduction de l’enfouissement ».

Des risques pour la santé ?

À ces deux interventions, qui d’une certaine manière préfigurent le projet de la Métropole de Montpellier, les élus n’ont pas manqué de réagir et notamment les élus écologiques. Florence Brau, maire de Prades-le-Lez et vice-présidente à la métropole déléguée à la Santé notamment, a questionné sur la nature des matériaux, et notamment les encombrants, utilisés dans les CSR ou encore quant aux potentiels risques sur la santé. « Ce n’est pas parce qu’il y a des normes qu’il y a zéro risque. Quelles garanties peut-on avoir ? ». Elle pointe également : « La chaleur produite alimenterait les Grisettes uniquement quelques mois dans l’année. Nous n’avons pas de coût total du CSR et de la filière, je m’interroge si ce coût est bien proportionné à son utilisation ? ». D’autant que « les CSR en activité ou qui devraient l’être sont destinés à des filières et pas à du chauffage urbain. Le modèle prévu ici a-t-il été testé et adapté ? ».

Insistant sur le tri poussé dans la préparation des CSR, Catherine Marquet détaille : « On a des traitements de fumée aussi poussés que pour de l’incinération mais ce sont des fumées un peu moins polluantes du fait de la préparation préalable des déchets. On parle de CSR et pas d’OMR brut ». Elle a de plus effectivement indiqué que sur les 18 projets soutenus par l’ADEME de CSR adossé à un réseau de chaleur urbain ne concernent que Paris Est (120MW) et SGIDURS (19,9MW) en n’étant pas encore opérationnels, et que Trifyl (8,5 MW), où se sont rendus les élus de la Métropole, « n’est pas du réseau de chaleur car il n’y avait pas de besoin mais on réutilise la chaleur en interne sur le processus de méthanisation ce qui est un peu comparable à ce qui pourrait être imaginé à Ametyst ». Michaël Delafosse a indiqué que le maire de Laval, qui utilise une technique mixte avec une réseau de chaleur couplé avec de la valorisation par séchage de fourrage, s’exprimera en visioconférence lors d’une prochaine audition.

Sur le réseau de chaleur

Celia Serrano, déléguée à la Sensibilisation, réduction des déchets, revient à la charge et interroge : « Est-ce que l’on a vraiment besoin d’un réseau de chaleur CSR, la filière bois et photovoltaïques ne suffiraient-ils pas ? » et de demander des précisions sur les déchets brûlés et des détails sur différents critères notamment quant au surcoût évoqué et la part de production de chaleur utilisée pour Ametyst au-delà de l’extension du réseau de chaleur des Grisettes.

« Les CSR ont vraiment une vocation énergétique » insiste Catherine Marquet avant de compléter : « Cela veut dire que dans les déchets qui vont servir à produire du CSR se sont des refus essentiellement de la granulométrie des OMR : bois, plastique, couche, textile sanitaire… qui ont un intérêt pour être valorisés de manière énergétique. On sort les incombustibles et les plastiques chlorées pour ne pas produire de dioxyde. On élimine les métaux, ferrailles et verre ».

Actuellement, Ametyst produit 34 GWh répartis entre 21GWh en électricité vendu sur le réseau EDF et 13 GWh en chaleur dont 3-4 KW servent au principe de méthanisation et 9 GWh pour le réseau de chaleur des Grisettes. Avec une diminution des tonnages en OMR et une augmentation des tonnages en biodéchets, le projet prévoit « une même quantité d’énergie au prorata des tonnages » selon Catherine Marquet : « La chaudière CSR elle-même produira 57 GWh en plus avec une part valorisée en électricité vendue sur le réseau EDF et une part thermique de chaleur de l’ordre d’une vingtaine de GWh vendu au réseau de chaleur des Grisettes qui montera en puissance en intégrant de nouveaux consommateurs et des interconnections qui vont se déployer ».

L’importance de l’atelier de préparation

Revenant sur l’importance du traitement des déchets qui composeront le granulat CSR, Pierre Vignaud a bien appuyé : « Un des objectifs de l’atelier de préparation CSR est d’obtenir un CSR avec un taux de cendre le plus petit possible, il faut donc réduire la part d’incombustible. Pour les plus performants, le taux de cendre est de 3 à 6%, pour un incinérateur d’ordures ménagères quand il marche bien c’est 25%. Pour les résidus d’épuration des fumées, il y en aura mais moins, et iront à la décharge de déchets dangereux de Bellegarde où vont tous les REFIOM (résidus d’épuration des fumées d’incinération des ordures ménagères) de la région ».

Le référent CSR a par ailleurs précisé que l’appel à projets de l’ADEME se concentrait exclusivement sur les fours et non les ateliers de préparation. « Il s’agit de coûts sans commune mesure. On aidé par le passé des ateliers de CSR, c’est entre 3 et 5M€ ». Le montant évoqué pour le projet de four CSR de la Métropole avoisinerait les 90M€ que l’ADEME pourrait soutenir dans le cadre de son appel à projets à hauteur de 30%.

Ametyst, le mauvais choix du passé

D’une autre nuance que les Verts précédents, Manu Reynaud c’est montré plus critique que d’habitude à l’égard de la majorité. « Au départ c’est la politique Zéro déchet et là, c’est vrai qu’en terme de présentation, on a plutôt l’impression, et c’est une appréhension, qu’il ne s’agit pas d’une alternative mais plutôt d’une inflexion », une manière de dire que le débat ne doit pas être « pour ou contre le CSR, c’est d’abord la politique Zéro déchet » et de regretter : « Je suis un peu gêné réellement qu’il n’y ait pas de scénarios alternatifs sur les process industriels car je retiens de cette présentation que nous n’avons pas le choix. En politique nous avons le choix et rien ne nous oblige industriellement à avoir des choix spécifiques ».

L’écologiste interpelle par ailleurs directement Pierre Vignaud : « On est d’accord que l’ADEME promeut le CSR et va financer ce CSR ? Est-ce qu’il y a vingt ans, elle n’avait pas promu la méthanisation ?  Je voudrais quand même savoir sur quoi on s’engage ». Et Michaël Delafosse de commenter : « Il y a un traumatisme à Montpellier. Ametyst a été un très mauvais choix ». Loin de se défausser, Pierre Vignaud explique : « En 2005, l’ADEME n’a aidé que la ligne de méthanisation de biodéchets collectés sélectivement. Notre aide n’a porté que sur ce volet là. En 2005, comme maintenant, il n’y a pas pléthores de techniques alternatives pour éliminer les déchets d’une commune de 400 000 habitants : on enfouit tout, on essaye de méthaniser ou d’incinérer… Il y a des choix politiques qui ont été faits et en tant qu’établissement public nous n’avons pas à les commenter. On a aidé la ligne de méthanisation de biodéchets collectés sélectivement car à l’ADEME nous avons toujours pensé que c’était une voie d’avenir. Les récentes évolutions réglementaires qui renforcent drastiquement la qualité des compost nous donnent raison ». Autrement dit : pour que Ametyst soit efficiente, fallait-il encore que la Métropole de Montpellier s’en servir correctement.

Le volet financier encore flou

Dans un autre registre, Jean-Pierre Rico a sorti la calculatrice. Prenant les 146 000 t de refus soit 44% des entrants sur un total de 260 000 tonnes de déchets, le maire de Pérols met en perspective les prospections à 56 000 t de refus correspondant à 111 000 tonnes d’entrants, et souhaite avoir des explications sur cette diminution. « Cela sous-entend qu’il y a plus de 140 000 tonnes de déchets qui disparaitraient dans les six ans qui viennent » observe-t-il et de réclamer un business plan global. « Ce qui est important c’est le coût qui est porté par nos concitoyens. Si on divise par deux le nombre de tonnage et que la TEOM n’augmente pas, cela veut dire que nous avons deux fois plus de moyens pour traiter les déchets que nous aurions dans cinq ou six ans » conclut-il.

Toujours sur le plan financier, la maire de Murviel-lès-Montpellier Isabelle Touzard met en avant « cette nouvelle façon d’entrevoir les DSP où l’on rémunère, que ce soit pour la collecte ou le traitement, l’opérateur à la tonne évitée. La clé de beaucoup de chose est là. On a beaucoup entendu qu’il y avait un modèle économique derrière ces gros outils industriels qui faisaient que plus il y avait de volume plus c’était intéressant. Il faut arriver à une DSP où on conjugue une baisse tendancielle forte des déchets et un modèle économique qui tourne ». Vice présidente déléguée à l’énergie, elle questionne : « Quel est le prix du KWh de l’énergie de la chaleur produite d’une chaudière CSR par rapport au prix du KWh bois qui est la principale source de nos réseaux de chaleur ou au biogaz ? ». Michaël Delafosse a indiqué que les points financiers seront abordés dans une prochaine audition.

Étendre le réseau de chaleur

Le débat sur la filière CSR étant avant cette audition axé sur la question de la réduction des déchets, Michaël Delafosse oriente son propos sur le volet énergie souligné par l’ADEME.  « On a délibéré l’extension du réseau de chaleur Sud, nous faisons le réseau de chaleur Nord au bois, nous aurons une petite réseau de chaleur avec Maera sur 9 000 logements à Lattes. Il y a des projets urbains aux Grisettes, Restanque, MIN et l’Hôtel de Ville qui n’a pas été connecté, et c’est une erreur majeure, à un réseau de chaleur. Nous arrivons grâce à Énergie Sud à connecter des copropriétés privées comme au Mas Drevon. Le but est d’étendre le réseau de chaleur et d’espérer avoir un prix moins élevé pour ces habitants. C’est un des enjeux ». Le président de la Métropole en profite pour, sur la forme, poser une question à l’ADEME suite à des propos tenus lors du précédent conseil : « Si une métropole développe un CSR, est-ce que, au jour d’aujourd’hui, la réglementation nous soumet-elle à la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ? ».

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Pierre Vignaud apporte les éléments : « La TGAP porte sur deux champs principaux : le stockage d’enfouissement de déchets et l’incinération de déchets. Le CSR n’est pas soumis à la TGAP. La TGAP enfouissement est sans commune mesure que la TGAP incinération car la logique du législateur et du fiscaliste est de dire que l’on module la TGAP en fonction de la hiérarchisation. C’est la hiérarchisation qui conduit toute la logique de la politique nationale y compris d’un point de vue fiscal ». Une TGAP à laquelle n’échappera toutefois pas la collectivité pour ces déchets exportés.

Un Insoumis pragmatique

S’il a interrogé quant à la possibilité de fournir du CSR aux cimentiers de la région, le maire de Grabels René Revol a surtout tranché par son intervention. Jugeant que « le débat sur les déchets n’a jamais eu lieu dans la Métropole. Je me félicite de cette discussion et que l’on prenne le temps d’aborder les arguments et que l’on évite les formules chocs comme « chaudière à plastique » qui prouve une méconnaissance totale du sujet et constitue un blocage au débat », le vice-président délégué à la Gestion raisonnée, écologique et solidaire de l’eau et de l’assainissement ne se montre ainsi pas opposé à la filière CSR. Une position pragmatique que l’élu insoumis a par ailleurs détaillé sur son blog avec des « pistes de réflexion pour en sortir par le haut » évoquant notamment « une régie publique de l’énergie ».

Un pragmatisme commun à Michaël Delafosse qui inclut la filière CSR dans la stratégie Zéro déchet. En prévenant tout de même. « Ce n’est pas la solution miracle. Cela s’inscrit dans une stratégie de réduction des déchets qui est fondamentale mais on sait qu’il restera de l’incompréhensible et in fine encore un peu qui doit partir. Le but n’est pas de faire quelque chose de contre intuitif par rapport à la stratégie de réduction, c’est de bien calibrer par rapport au besoin d’énergie et de prendre ce qui reste pour éviter d’être en situation d’export ». D’ici le conseil de métropole du 2 avril, la mission d’informations se poursuivra avec dans les prochains jours une audition du préfet de l’Hérault François-Xavier Lauch sur le cadre réglementaire, des chercheurs du CHU de Montpellier pour aborder les questions de santé ou encore en visioconférence avec le maire de Laval pour présenter le réseau de chaleur urbain mis en place sur sa commune et des visites de terrain. De quoi permettre aux élus, et bien au-delà les habitants de la métropole de Montpellier, de se faire un avis éclairé sur la question.

François Vasquez face à Chistian Assaf à La Carmagnole

La Carmagnole avait fait salle comble mardi soir pour un débat sur le traitement des déchets et cette filière CSR opposant les élus écologistes François Vasquez et Célia Serrano au vice-président Christian Assaf représentant la Métropole de Montpellier. Autant dire que la mission n'a pas été facile pour ce dernier devant un auditoire opposé au Parti Socialiste.

CSR et stratégie Zéro déchet, compatibles ?

Ce qu'a d'ailleurs salué François Vasquez qui, en s'amusant quelque peu, a tenu à "Remercier Christian car ce n'est pas son sujet et je ne sais pas ce que tu viens faire dans cette galère". L'ancien responsable de la stratégie Zéro déchet n'a pas manqué de la détailler et défendre et appuyant la trahison politique à son encontre. "Si la politique Zéro déchet n'a pas été mise en place, je me demande ce que tu fais avec nous depuis trois ans" ironise Christian Assaf énumérant plusieurs mesures prise dans la Métropole. Partageant le constat écologique, économique et social de la gestion des déchets, le socialiste interroge : "Est-ce que nous devons continuer à exporter nos merdes aux autres qui doivent les traiter ?" et de pointer le coeur du problème : "Tu opposes la politique Zéro déchet avec l'installation d'un CSR et c'est une forfaiture intellectuelle (...) Je dis même que si nous voulons que le CSR fonctionne, il faut une politique Zéro déchet performante". Prenant à témoin le passé, François Vasquez rappela : "L'ADEME, service de l'État, avait dit on est pour Ametyst pour la partie bio qui n'a jamais marché. Là, on nous fait le même coup. Je vous affirme que c'est antinomique avec la stratégie Zéro déchet".

Celia Serrano a souligné "l'engagement citoyen et les manques de moyens que l'on a à la Métropole". Déléguée à la sensibilisation de la réduction des déchets, elle regrette que le volet prévention et sensibilisation soit délaissé avec un service interne jugé insatisfaisant tout comme les écomessagers : "On n'en a une dizaine. Certains sont bien mais ce sont des gens qui ne sont pas accompagnés et n'ont rien à faire là. Les chefs partent de burn-out en burn-out. Il y a un sujet sur la formation. On a demandé un escadron de services civiques, d'étudiants... pour aller dans les campus, les commerces avec les scolaires". Et de synthétiser : "On n'a pas les moyens de mettre en place cette politique. On bataille à trouver des moyens humains et financiers".

Appelant à généraliser sa stratégie au bassin de population de Sète et Lunel pour mutualiser les deux incinérateurs, François Vasquez dénonce avec la filière CSR "une solution qui n'est pas adaptée au territoire mais au business des industriels", Christian Assaf lui rétorqua : "Je persiste à penser que tu as une vision égotique du sujet mais également une vision néo-libérale". Deux paradigmes irréconciliables où la défiance politique n'arrange rien.

"Didier Raoult de l'écologie"

Le 2 avril, le conseil de métropole devra se prononcer quant à la DSP Ametyst. "On va faire un choix d'orientation et une fois que le train fou sera lancé on ne s'arrêtera plus ou une fois arrivé en gare à 200 km/h" juge François Vasquez, ce a quoi rétorqué Christian Assaf : "Tu peux jouer les professeur Raoult de l'écologie, à faire peur aux gens, cela ne m'intéresse pas". De quoi provoquer quelques huées de la salle et le commentaire ironique de Boris Chenaud à la modération :"Je pensais que Didier Raoult était plus aimé que ça".

"Aujourd'hui, de considérer que tout passe par la politique Zéro déchet, c'est criminel. Tous les problèmes de pollution que vous soulevez existent et son exportés. Une politique Zéro déchet dans une métropole de 500 000 habitants sans exutoire et sans traitement, cela n'existe pas" défend Christian Assaf. Contrairement à ce qui a été présenté lors de l'audition, François Vasquez annonce que "l'on va brûler des plastiques, des produits chimiques, des PVC, des pneus, des déchets d'activité économique". Le socialiste lui oppose : "C'est faux et cela ne pollue ni plus ni moins qu'une chaufferie à bois". Un argument rejeté par François Vasquez. "Il faut croire les évangiles selon les industriels" et d'asséner : "Si je n'avais pas monté la voix, le projet aurait été voté en février, personne n'y voyait rien et dans un an pendant l'été on aurait voté le prestataire pour quinze ans. Personne n'aurait été informé si un homme seul ne s'était pas érigé contre le système". De quoi provoquer quelques rires y compris dans son camp. "J'étais en dessous de la vérité quand je parlais de Raoult" ironisa Christian Assaf.

Quelles conséquences politiques ?

Parmi les interventions de la salle, le président de l'association des riverains Garosud a alerté : "Tous les citoyens de Montpellier habitent près d'Ametyst. Elle est à 3,5 km de la place de la Comédie et 6,5 km du zoo. Tout Montpellier est à moins de 10km d'Ametyst. En 2008, on nous avait dit qu'il y aurait zéro nuisance. J'habite à 200m, je les vis. Ceux qui disent qu'il n'y pas de nuisance sont des autistes ou des menteurs". Évoquant les odeurs et la recrudescence de mouches, il s'inquiète quant aux effets sur la santé : "Est-ce que Montpellier, si demain il y avait un CSR, ne serait pas a seule ville de France à avoir un CSR en ville ?" et de dénoncer "Il y a un scandale démocratique car les riverains et les citoyens qui subissent les nuisances ne sont absolument pas associés aux choix".

Avec toute son expérience du jeu politique, Francis Viguier a, sans le cacher, rappelé les élus écologistes à leurs responsabilités. "Quels seront les conséquences politiques de ce débat ? J'ai entendu des mots très forts. Il y aura un premier vote et un autre très important sur le budget qui signifie l'appartenance à une majorité. Je lirai avec intérêt ce qui est décidé et s'il y a des enjeux aussi forts ou des attitudes ?". Rendez-vous le 2 avril.

Revoir l’audition du 1er mars sur youtube.com et le débat à La Carmagnole sur youtube.com.

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