Le 18 février 1977, à Lagos au Nigeria, un millier de soldats prennent d'assaut la république de Kalakuta, une sorte d'enceinte fortifiée dans laquelle vivent le musicien Fela Kuti et ses proches. L'assaut est d'une terrible violence : les soldats violent et mutilent les habitants, ils brûlent les bâtiments et défenestrent même la mère de Fela, Funmilayo Ransome-Kuti.
Fela a fonctionné sans le parrainage du milieu des affaires, des partis politiques ou des dirigeants traditionnels, qui se seraient tous attendus à ce qu'il leur rende la pareille avec des chansons louant leurs produits, leurs politiques, leur sagesse ou leurs familles. Chaque chef d'orchestre nigérian de l'époque a reçu un tel parrainage ou y aspirait. Fela n'en voulait rien.
La musique comme arme
Après son retour au Nigéria en 1970 après une visite de dix mois aux États-Unis, où sa petite amie américaine Sandra Izsadore lui avait fait découvrir les idées de Malcolm X, Angela Davis, Frantz Fanon et d'autres penseurs révolutionnaires, il entreprit d'utiliser sa musique comme une "arme" (son mot) contre l'exploitation du peuple nigérian par une puissante élite militaire/commerciale. Bien plus qu'un musicien de légende, Fela Kuti, défenseur du panafricanisme, s'est attaqué à travers son art aux effets de la colonisation et à toutes les corruptions qui gangrènent son continent.