Toi, aussi, mon fils !

Mon fils, aujourd’hui dix-huit ans, avait commis ce poème («texte en vers ou en prose rythmée», selon Le Robert) quand il allait sur ses seize ans. Un texte sans intelligence artificielle, avec l’émotion brute, la passion sans concession, les mots sans complaisance de son âge. Et c’est heureux.

 À part imprimer un tempo, je n’ai pas dénaturé son premier jet, félicité d’un 19/20. Je lui accorde l’indulgence d’un père, la même dont on me gratifia quand j’avais son âge et qu’on croyait détecter «un talent». 

Jury paradoxal qui n’a jamais été capable de versifier, même si j’ai en mémoire des rimes mémorables :

Ao ny tsantan’ny andro taloha,
sy ny hiran’ny fahazazako,
no milevina ka tsy mifoha,
na hiverina, mba hitondra ako
(Jean-Joseph Rabearivelo)

Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots
(Alfred de Musset)

Exercice toujours délicat du père qui dévoile son fils. Fierté irrépressible, alors que les malentendus sont légion, quand bien même nous aurions tous aimé trouver les mots de Rudyard Kipling. Il y eut Oedipe, Ramavolahy, Césariot... À Brutus, l’assassin de Jules César, on prêtait à la fois un père légitime, un père adoptif, deux beaux-pères...et un père naturel supposé, sinon un père spirituel, en la personne de César lui-même qui, après le vingt-quatrième et dernier coup de couteau dans l’hémicycle du Sénat, aurait eu ces mots passés à la postérité : «Tu quoque mi fili», «toi, aussi, mon fils»...

Lui aussi, mon fils et celui de sa maman, parlait de crime environnemental. Et il me semble opportun d’y donner plus large audience, alors que la saison des reboisements s’achève à peine sur les dernières averses qu’on espère jusqu’en avril.

Le titre en est donc «Déforestation chérie» qu’il faut traduire «Chère, trop chère, déforestation» :

Ces flammes qui dansèrent dans nos yeux,
(quel) malheureux spectacle, affreux.
Cette valse médusée, refrain d’un culte perpétré 
par des ignorants se croyant savants. 
Nos forêts, elles, ne seront plus comme avant.
De notre flore extraordinaire, nous ramasserons la poussière.
Madagascar, dans un miroir, ne se reconnaîtrait plus
Île qui contemplerait la figure d’un âge déchu,
son vert éclatant ayant viré (au rouge) sang. 
Je vous parle déjà d’un temps
que seuls nos ancêtres auront connu.

La pluie commence à se raréfier, 
dans ce cauchemar où nous sommes piégés.
Sécheresse, tristesse, aridité :
vision maussade que ce crime nous aura laissée.


Du jardin verdoyant,
que cendres balayées par le vent.
Et nos enfants,
vivront-ils dans un paysage lunaire,
un monde minéral, de pierre ?


Puisque, pour ce peuple non éduqué,
à cette nation sous-développée,
brûler les forêts est ipséité,
je m’en vais en quête de sens,
Dans ma tête, préserver nos essences.


Sombrer du vert à cette grise atmosphère,
j’essaie de noyer ma peine en me perdant dans ce vers.
Sud, Nord, Est, Ouest, toutes latitudes et qu’importe longitudes
Un seul mot : solitude. 


Nasolo-Valiavo Andriamihaja

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne