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 DOSSIER 
Mars 2006

Les fraudes du professeur Hwang

Du statut de héros national, le professeur Hwang est passé en quelques semaines à celui d'imposteur, déclanchant un scandale immense dans son pays et dans le milieu scientifique. Il faut dire qu'il s'était attaché à un sujet sensible : le clonage...
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Hwang Woo-Suk : un des plus grands spécialistes au monde du clonage ; un "scientifique de très haute volée", "intelligent", selon ses confrères ; mais plus que ça : un héros national. Présenté partout comme le prochain lauréat du prix Nobel, Hwang bénéficiait d'un statut à part dans son pays : le gouvernement finançait ses recherches à hauteur de 500 000 euros par an, et la compagnie aérienne nationale lui donnait même gratuitement des billets à vie.

Photo : DR
Une réussite sans précédent
Vétérinaire d'origine, Hwang est d'abord le père de Snoopy, le premier chien cloné (un lévrier afghan). Cette naissance constitue à elle-seule une prouesse : les mammifères sont très difficiles à cloner. Mais ce sont deux articles publiés dans Science en 2004 et 2005 qui vont asseoir sa réputation de pape mondial du clonage : Hwang y présente onze lignées de cellules souches obtenus à partir d'embryons humains. Un espoir immense pour la recherche médicale, car ces cellules souches sont susceptibles d'être utilisées pour guérir des paralysies ou des maladies dégénératives.
 
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Des manquements éthiques
Sa descente aux enfers va pourtant bientôt commencer. Premier acte : le 10 novembre 2005, Roh-II-Sung, un des co-signataires de l'article, reconnaît avoir payé les ovules de 18 donneuses. Ce n'était alors pas illégal (la loi coréenne a été modifiée depuis), mais éthiquement douteux. Deux semaines plus tard, Hwang reconnaissait pourtant les faits, et devait déposer sa démission.

Des résultats truqués
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Début décembre, un courriel anonyme sur le forum du Centre d'information sur la recherche biologique de Corée du Sud fait remarquer que les résultats des tests ADN des cellules souches "collent" trop parfaitement aux cellules d'origine. Lors d'une conférence de presse, Hwang admet certaines "erreurs" sur les illustrations des 11 lignées de cellules souches. Dans la foulée, Roh-II-Sung affirme sur NBC, la télévision sud-coréenne, que le deuxième article a été truqué : il n'y a jamais eu 11 mais seulement 5 lignées de cellules souches. Hwang présente ses excuses, mais continue à clamer son innocence sur cette dernière affaire : il nie avoir été au courant de ces trucages.

Un scandale national
L'affaire s'emballe : le magazine Science retire ses deux articles en accord avec les auteurs (le premier a été cosigné par 15 personnes et le second par 25), l'Etat retire immédiatement son soutien financier au laboratoire, et deux enquêtes sont lancées (une par la justice coréenne et une par l'université de Séoul) contre Hwang. Le Ministre de la Santé coréen démissionne, et l'opposition réclame le remboursement de tous les fonds publics alloués aux recherches de Hwang (40 millions de dollars au total).

Dans le pays, l'incompréhension et la honte dominent : les coréens ont le sentiment d'avoir été trahis. Quelques-uns continuent pourtant de lui faire confiance : un Comité de soutien pour sa réhabilitation a été créé.

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Des doutes sur l'auteur des fraudes
Difficile de savoir ce qui s'est vraiment passé. Hwang a-t-t-il perdu la raison ? "Le clonage, c'est le triangle des Bermudes de la rationalité scientifique" explique Axel Kahn, un des plus grand généticiens français ; "il rend fou tous les gens qui y touchent". A-t-il subi une trop forte pression des médias ? A-t-il été poussé par un besoin de reconnaissance ? Et d'ailleurs, a-t-il lui-même falsifié ses résultats ?

Gérald Schatten, un chercheur américain co-signataire du premier article, a pris ses distances et a monté son propre laboratoire dès le mois de novembre. Il a même déposé un brevet à son nom aux Etats-Unis. Or un des chercheurs impliqué dans la fraude se retrouve aujourd'hui… dans son laboratoire. Bref, l'affaire n'est pas terminée, mais ce qui est sûr, c'est qu'elle constitue un coup dur pour la recherche embryonnaire. En France en particulier, les scientifiques attendent toujours une loi autorisant le clonage thérapeutique.

En savoir plus : le site consacré à l'affaire du magazine Science

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 Céline Deluzarche, L'InternauteScience
 
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