"Je m’en souviendrai à vie": Esteban Abadie revient à Toulon après sa première sélection chez les Bleus

Esteban Abadie est en pleine bourre. Titulaire indiscutable du RCT (et de retour ce samedi contre Montpellier), le troisième ligne empile les bonnes prestations. Au point d’avoir honoré sa première sélection avec l’équipe de France pendant le Tournoi, contre l’Italie. Un moment qu’il raconte avec émotion.

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Florian Dalmasso Publié le 23/03/2024 à 08:00, mis à jour le 23/03/2024 à 08:00
Titulaire cet après-midi sur l’aile de la troisième ligne, Esteban Abadie a goûté à sa première cape face à l’Italie durant le Tournoi. Une juste récompense pour ce travailleur acharné qui s’est déjà imposé comme l’un des leaders du groupe toulonnais. Photo Florian Escoffier

Sept semaines qu’Esteban Abadie n’avait pas pu poser sereinement ses bagages à Toulon. Ou au Pradet, plutôt. Sept semaines que le flanker enchaînait les allers-retours entre le groupe France, pour le Tournoi, et son club, englué dans une période compliquée. Pas facile à gérer pour le bonhomme qui, arrivé à l’intersaison en provenance de Brive, s’est déjà imposé comme l’un des leaders du vestiaire toulonnais. Sa première cape face à l’Italie, son Tournoi, la situation du RCT, la pression sur la rade, sa personnalité... le néo-international de 26 ans a accepté de se livrer. Et comme toujours, c’est avec le sourire.

Pendant le Six nations, vous avez multiplié les allers-retours entre le XV de France et Toulon. Comment gère-t-on une période comme celle-ci?

Physiquement, c’est vrai que c’est dur parce que tu es un peu entre les deux. Quand le club était en vacances, j’étais en équipe de France et inversement. Je n’ai pas trop coupé. Après, je n’ai pas beaucoup joué avec les Bleus donc j’ai pu me régénérer sur certaines phases. Mais c’était une super expérience. Je n’en tire que du positif.

Vous étiez un petit nouveau dans le groupe France. Comment vous êtes-vous intégré? Quelle principale différence avez-vous notée entre la sélection et le club?

C’est un groupe vraiment ouvert. Les gars m’ont très bien accueilli. J’ai retrouvé des mecs avec qui je jouais en espoirs au Racing ou avec qui j’ai commencé le rugby. Je pense à Antoine Gibert ou Georges-Henri Colombe. Il y avait aussi tous les mecs de Toulon donc c’était vraiment cool. Après, la principale différence, c’est que les journées sont plus longues. Comme on est sur place, il y a énormément de réunions, d’analyses, beaucoup de statistiques sur les phases de jeu. Il faut les ingurgiter.

Sur ces sept semaines entre club et sélection, comment gère-t-on son énergie? Doit-on s’économiser à certains moments?

Dès qu’on est sur le terrain, que ce soit en match ou à l’entraînement, on doit se donner à 100%. Je récupère sur mes journées off ou quand on se déplace. Sinon, non, il ne faut pas se gérer. L’opportunité de jouer peut ne se présenter qu’une seule fois alors il faut la saisir. J’ai eu la chance de fêter ma première cape contre l’Italie et j’étais très content. Ça n’a pas payé par la suite [Il n’a plus rejoué durant le Tournoi, Ndlr] mais j’ai essayé de mettre tout ce qui était possible de mon côté.

Justement, revenons-en à votre première sélection. Que se passe-t-il dans votre tête, sur le bord de la touche, lorsque vous allez enfin entrer en jeu?

(Il sourit) Je m’étais donné l’échauffement et les hymnes pour laisser passer les émotions et profiter de ce moment-là. Une fois le match démarré, j’étais sur le banc et je me suis vraiment focalisé sur la rencontre. J’ai un peu coupé tout ce qu’il y avait autour. J’ai pu profiter avec ma famille, mes amis et le reste de l’équipe après.

Vous évoquez les hymnes. Était-ce un moment si particulier?

Ce sont des moments où tu penses à toutes les galères que tu as pu avoir avant, tout le chemin que tu as pu parcourir. Le fait d’avoir sa famille et ses proches en tribunes, de partager ça avec eux, c’est exceptionnel. Il y a un peu tout qui se mélange à cet instant. Pour une première Marseillaise en plus, c’est sûr que je m’en souviendrai à vie.

Pendant le Tournoi, quels contacts avez-vous gardés avec le club, avec le staff?

J’avais Pierre au téléphone toutes les semaines. Déjà pour savoir si j’étais gardé dans le groupe France ou si j’étais relâché. Tout le monde a fait les efforts pour que ça se passe du mieux possible entre le club et la sélection. De mon côté, j’ai essayé de rester à fond, impliqué et de tout donner.

Pour en revenir au Top 14, avant la réception de Montpellier, le RCT pointe à la 8e place. On parle beaucoup de système de jeu. Est-ce la seule raison de cette mauvaise série?

Je ne vais pas parler du système parce que ce n’est pas mon rôle. Il y a un entraîneur qui est fait pour ça et les trois-quarts en parleront beaucoup mieux. Se concentrer uniquement sur le système de jeu, c’est une connerie. Ce sont nous, les joueurs, qui sommes sur le terrain pour l’appliquer. Si chacun, individuellement, on est à notre meilleur niveau, système ou pas, on a l’effectif pour gagner les matches. On doit se remettre en question et être à notre meilleur niveau individuellement. Ça passera que par là. Le retour de Baptiste [Serin] va apporter un leadership hyper important pour nous. Il va redonner du cadre derrière. Mais si on se pose 3.000 questions, on va droit dans le mur.

La confiance se perd-elle aussi vite? Au point de tomber dans une telle spirale?

Le rugby est un sport collectif qui marche à la confiance. Sur cette mauvaise série, on s’aperçoit aussi qu’on avait moins de leaders. On a perdu Baptiste [Serin] sur blessure, on a eu Charles [Ollivon] avec les Bleus, des joueurs qui faisaient les allers-retours… Et en plus de ça, c’est une saison particulière, tout le monde le sait. C’est une année de Mondial. Cette période, c’est un tout. Ici à Toulon, aussi, il y a beaucoup d’extra-sportif. Que ce soit avec la presse, avec les supporters… Ce sont des choses qui se rajoutent. Forcément qu’on est triste et que ça fait chier de perdre. Il y a des joueurs qui arrivent à mieux gérer émotionnellement ces passages, d’autres moins. C’est pour ça qu’il faut retrouver rapidement de la confiance.

Cette pression, vous l’aviez connue à Brive en jouant le maintien. Avec un public exigeant. Est-elle différente à Toulon? Plus pesante?

Franchement, ça ne me pèse pas du tout. Justement, j’ai vécu des moments vraiment compliqués à Brive où j’ai joué le maintien pendant quatre ans. Quand tu joues le maintien, tu joues un peu ta vie. Si tu descends, c’est celle de ta famille, celle d’une ville qui change. Comme ici, le public était hyper investi, connaisseur. Je comprends la colère des supporters. Ils ont envie de voir leur équipe gagner. Nous aussi on a envie de gagner. C’est normal d’être frustré. Je partage ça.

Vous n’êtes arrivé qu’à l’intersaison et vous vous êtes déjà imposé comme l’un des leaders du groupe. Comment est Esteban Abadie dans un vestiaire?

Je suis moi-même. Je suis hyper content d’être à Toulon, de faire du rugby. Je prends la parole quand je sens que c’est le bon moment pour le faire. J’essaye d’être un leader quand je dois l’être. Ces derniers temps, j’ai acquis pas mal de confiance et d’expérience donc j’essaye de transmettre ce que je peux. Je sais aussi rester à ma place quand il le faut et m’imposer quand c’est nécessaire.

Êtes-vous le même dans le vestiaire de l’équipe de France?

Non. Je pense avant tout que pour peser dans un vestiaire, il faut prouver les choses sur le terrain. Par exemple à Toulon, j’ai pris de la confiance petit à petit et c’est venu naturellement parce que j’ai eu la chance de jouer tous les week-ends, d’enchaîner, de faire des bons matches… C’est là aussi que tu crées des liens avec les mecs. Ça ne se fait pas en un match. Il y a des leaders là-haut, tu les respectes, tu respectes cette hiérarchie et doucement, tu te fais ta place. Mais ça passe avant tout par le terrain.

Vous nous aviez confié, à votre arrivée, avoir senti que c’était le bon moment pour vous de quitter Brive pour tenter l’expérience plus haut. À Toulon, vous êtes devenu un titulaire indiscutable, un international… le plan se passe-t-il comme prévu?

(Il sourit) Il y a encore du travail. Je suis parti du Racing à l’époque parce que je n’avais pas de temps de jeu et je n’arrivais pas à franchir ce cap du Top 14. J’avais beaucoup de concurrence à mon poste et je suis allé à Brive dans cette optique. J’en ai chié, j’ai commencé par deux ans à être un peu 24e tous les week-ends et ça a fini par payer. L’année dernière, malheureusement, on est descendu et je sentais que c’était le moment pour essayer de retourner au plus haut niveau. J’ai fait le choix de Toulon et je pense que c’était le meilleur pour moi. Individuellement, tout se passe bien. J’ai touché l’équipe de France du bout du doigt. Après, je sais que j’en suis encore loin. J’ai joué 20 minutes contre l’Italie mais c’était une expérience dingue. J’espère que j’aurai la chance d’y retourner. Je vais tout faire pour. En attendant, je pense qu’on a une grosse mission avec Toulon. On doit se qualifier pour les phases finales.

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