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Société

Face à la dette, la France doit innover et renoncer aux dogmes mondialistes

CHRONIQUE. Face au déficit des comptes publics de l’année 2023, qui dépasse l’objectif du gouvernement à 5,5% du PIB, la majorité est en quête de nouvelles recettes. La France doit se démondialiser et mener une vaste politique de relocalisation des activités économiques, affirme Paul Melun.

Paul Melun , Mis à jour le
Bruno Le Maire et Emmanuel Macron.
Bruno Le Maire et Emmanuel Macron. © ABACA

Comme un éternel recommencement, le débat sur la dette publique s’en va et revient dans le paysage français comme l’écume sur le sable. Tantôt menace existentielle, tantôt problème secondaire, l’épineuse question de nos dépenses publiques et du risque de faillite de l’État qui en découle effraie puis se fait oublier. Déjà en 2007, François Fillon annonçait dans une intervention prémonitoire qu’il était « à la tête d’un État en faillite ».

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Souvent pointé du doigt, le modèle de l’État-providence est mis en cause comme la source de nos maux. Les politiques sociales généreuses de la France seraient à l’origine de la situation financière délétère de notre pays. C’est en tout cas ce que semble croire Gabriel Attal, qui a déclaré hier au 20h de TF1 vouloir réformer l’assurance-chômage. Cette mesure apparaît en son esprit comme un vecteur important de réduction du déficit.

L’endettement français est à près de 50 % étranger

Le constat est effectivement préoccupant. Depuis plusieurs années, la France dépense bien plus qu’elle ne produit. Le budget de l’État est ainsi comblé par de l’emprunt, ce qui a pour conséquence une dette publique colossale, qui dépasse aujourd’hui les trois mille milliards d’euros, soit 113 % du PIB national (la richesse que nous créons collectivement). Aujourd'hui, cette dette est bien plus coûteuse qu’auparavant compte tenu de la hausse des taux d’intérêts.

Contrairement à une idée reçue, l’endettement massif de la France n’est pas une exception. Les États-Unis sont endettés à plus de 123 % de leur PIB tandis que le Japon l’est à 255 %. La véritable différence avec ces deux grandes puissances économiques est la composition de la dette. L’endettement français est à près de 50 % étranger, ce qui est loin d’être le cas pour les Américains ou les Japonais. À la différence de ces deux États, la France a donc un réel problème de souveraineté économique car elle dépend largement d’investisseurs étrangers, ce qui fragilise son économie.

Pour lutter contre l’endettement, le gouvernement peut ainsi actionner plusieurs leviers distincts. Soit agir sur la production pour générer de la croissance et réduire l’endettement, soit agir sur les dépenses publiques en les réduisant, soit prélever davantage et augmenter ses recettes. L’augmentation des impôts semble complexe dans le contexte social actuel et le président l’exclut, il reste donc les deux premières options.

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Sous la pression des marchés, et pour montrer la bonne volonté de l’État, Bercy souhaite « faire des économies » selon la formule consacrée. La baisse des dépenses sociales risque ainsi d’être l’outil privilégié par l’État. Outre l’aspect injuste d’une telle mesure dans un contexte d’inflation, qui pèse déjà durement sur les ménages, ce chemin pourrait in fine s’avérer contre-productif. Par le passé, la baisse des dépenses publiques a pu engendrer une baisse de la croissance en provoquant notamment un recul de la consommation.

Comme souvent en France, et les derniers gouvernements n’ont pas échappé à la règle, on croit lutter contre la dette par des mesures sectorielles de baisse des dépenses. La suppression de postes de fonctionnaires ou la réduction des prestations sociales sont ainsi mises en œuvre comme des mesures de bonne gestion, or cela est bien insuffisant pour faire une politique économique d’ensemble.

Renouer avec une lecture gaulliste de l’économie

Pour demeurer puissante dans un monde incertain, la France a besoin de soignants, de policiers ou d’enseignants ainsi que d’une société qui ne sombre pas dans la pauvreté. Ce n’est donc pas les dépenses sociales ou les services publics que l’État devrait cibler, au risque de nuire à la croissance. Si le problème de l’endettement est réel, il suppose une action économique cohérente, reposant sur la production, l’organisation de l’État et la protection des frontières.

Sur la production, la France doit se démondialiser et mener une vaste politique de relocalisation des activités économiques. La fin de la tertiarisation doit être organisée et les métiers manuels revalorisés. Sur l’organisation de l’État, des économies doivent être réalisées et le mille-feuille administratif français considérablement allégé, à commencer par les collectivités territoriales – en sanctuarisant l’échelon communal. Sur la protection des frontières, la France doit s’inspirer du Danemark et donner des limites nationales à son État providence. Un modèle social généreux ne peut fonctionner que dans un cadre restreint.

Il s’agirait en somme de renouer avec une lecture gaulliste de l’économie, loin des postures européistes et mondialistes en vogue dans les cénacles du pouvoir, à Paris comme à Bruxelles. Si la rationalisation de la dépense publique est un objectif cohérent, elle ne doit pas se faire au détriment des intérêts fondamentaux de la Nation.

Construire une politique économique digne de ce nom est un exercice complexe, qui nécessite une lecture fine de l’histoire de la France et de sa culture. Calquer nos mesures économiques sur l’injonction des marchés financiers ou les dogmes mondialistes nous conduira non seulement à la ruine financière, mais, pire encore, au déclin global. Dans le domaine économique aussi, la France doit innover.

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