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Intelligence artificielle
ÉTHIQUE

CHRONIQUE. Attribuer le prix Nobel à une IA qui aurait fait de grandes découvertes ?

Pourquoi ne donnerait-on pas le prix Nobel ou la médaille Fields à un programme d'intelligence artificielle qui aurait grandement contribué à l'avancement des sciences ou effectué une œuvre remarquable ?

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L'océanographe Klaus Hasselmann montre la médaille du prix Nobel de physique 2021 qu'il vient de recevoir.

Stefanie Loos / POOL / AFP
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CHRONIQUE. Attribuer le prix Nobel à une IA qui aurait fait de grandes découvertes ?
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Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir - La Recherche n°925, daté mars 2024.

En 1972, Nicholas Negroponte, un tout jeune professeur d'architecture au MIT, aux États-Unis (il avait à peine 29 ans) qui se passionnait pour l'utilisation de l'intelligence artificielle, fit un canular : il envoya à des personnalités politiques, à des journalistes et à des prix Nobel une lettre pour leur demander ce qu'ils pensaient de l'attribution du prix Nobel à une machine qui aurait fait de grandes découvertes. À l'époque, bien peu répondirent à cette question vue comme fantaisiste et quelque peu saugrenue.

Une question d'actualité

Cinquante ans plus tard, en 2022, la foire annuelle du Colorado (États-Unis) décerna le premier prix de son concours des beaux-arts à un tableau au titre français, "Théâtre d'opéra spatial", réalisé au moyen du programme Midjourney qui recourt à des techniques d'intelligence artificielle.

Dès lors, la question posée il y a un peu plus d'un demi-siècle par Nicholas Negroponte devient brûlante : pourquoi ne donnerait-on pas le prix Nobel ou la médaille Fields à un programme d'intelligence artificielle qui aurait grandement contribué à l'avancement des sciences ou effectué une œuvre remarquable, par exemple écrit un cycle romanesque ?

L'utilisation répandue de l'article indéfini dans l'expression "des IA" suscite le doute

Certains rétorqueront que la médaille Fields récompense un mathématicien de moins de 40 ans et qu'il est difficile d'évaluer l'âge d'une machine, encore que cela puisse faire débat. Quant au prix Nobel, on l'attribue à des personnes ayant apporté le plus grand bénéfice à l'humanité, par leurs inventions, leurs œuvres ou leurs travaux en faveur de la paix. D'aucuns dénieront le statut de personne aux machines. Toutefois, l'utilisation répandue de l'article indéfini dans l'expression "des IA" suscite le doute.

Et, si l'on accepte l'idée de décerner le prix Nobel à une machine, pourquoi ne la distinguerait-on pas de la Légion d'honneur si elle avait rendu des services éminents à la nation, par exemple si elle avait contribué à déjouer des attentats terroristes ? Et, dans cette éventualité, ne faudrait-il pas aussi envisager de la lui retirer au cas où elle se montrerait indigne ? Mais, là, peut-être serait-il trop tard…

Par Jean-Gabriel Ganascia, professeur à Sorbonne Université, à Paris, chercheur en intelligence artificielle au LIP6 (Sorbonne Université, CNRS), ex-président du comité d'éthique du CNRS. Dernier ouvrage publié : "Servitudes virtuelles", Seuil, 2022.

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