Cinq ans de prison pour avoir contraint son demi-frère adolescent à voler

L’accusé, un Roumain de 41 ans, a été reconnu coupable de « traite d’être humain ». Il a également écopé d’une interdiction définitive du territoire français.

L'adolescent risquait d'être frappé s'il ne ramenait pas un butin suffisant. (illustration) LP / Olivier Arandel
L'adolescent risquait d'être frappé s'il ne ramenait pas un butin suffisant. (illustration) LP / Olivier Arandel

    Il risquait d’être frappé si son butin était insuffisant. Un Roumain de 41 ans a été condamné vendredi à Paris à cinq ans d’emprisonnement pour avoir contraint son demi-frère adolescent à voler, à l’issue d’un procès qui a éclairé le fonctionnement « clanique » d’une partie de la communauté Rom, selon les mots du parquet.

    Ce dossier est celui d’un « huis clos clanique », de l’ « enfermement suivi d’une tentative d’émancipation » de la part de la victime, aujourd’hui âgée de presque 19 ans, a commenté devant la Cour criminelle départementale l’avocate générale Sylvie Kachaner.



    L’accusé, Marius I., a également écopé d’une interdiction définitive du territoire français après avoir été déclaré coupable de « traite d’être humain », ce qu’il contestait. Son demi-frère l’accusait de l’avoir obligé à se consacrer toute la journée au vol. La cour n’a cependant pas retenu les violences qui lui étaient imputées.

    Jamais scolarisé

    La victime, Adrian (prénom modifié), par ailleurs incarcérée pour vols, accuse des mêmes faits leur père, âgé de 59 ans. Ce dernier est en Roumanie et fait l’objet d’un mandat de recherche. Déjà condamné en 2019 pour des faits similaires concernant une de ses belles-filles, il devait initialement être jugé en son absence au côté de Marius I. Mais pour des raisons de procédure, son procès a été renvoyé à une date ultérieure, devant une cour d’assises.

    Selon le récit d’Adrian, les faits ont commencé lorsqu’il avait 12 ans. Six jours sur sept – le mardi étant son seul « jour de repos » –, il devait quitter son campement le matin et risquait d’être frappé si son butin était insuffisant.

    L’audience a été marquée par les incohérences et contradictions du jeune homme qui a livré des versions différentes sur certains détails. Adrian, illettré, n’a jamais été scolarisé. Entre 14 et 16 ans, il était « malheureux, dénutri, frappé, contraint de voler » : sa parole présente certes des « faiblesses et des fragilités » mais elle ne doit pas être remise en cause, a plaidé son avocate, Me Marie Millasseau.

    Phénomène d’ « emprise »

    Pour Guillaume Lardanchet, président de l’association « Hors la rue », qui vient en aide aux mineurs étrangers en danger, ce dossier relève d’un phénomène d’« emprise » en vigueur dans une partie de la communauté Rom, originaire d’une même région roumaine.

    Les adultes concernés contraignent leurs enfants à voler pour rembourser des dettes contractées notamment à l’occasion de mariages, a-t-il expliqué. De tels mécanismes ne sont toutefois pas propres aux Roms et ne concernent qu’une « minorité » de cette communauté, a insisté le responsable associatif.

    « Nous ne sommes pas là pour jeter la lumière sur un phénomène, mais pour décider de la culpabilité d’un homme », s’était agacé l’avocat de l’accusé, Me Paul Faucon, qui a plaidé l’acquittement. Pour lui, Adrian « ment tout le temps » : ses déclarations, d’une « fragilité vertigineuse », conduisent à un dossier de « bric et de broc ». « Nous réfléchissons à faire appel », a-t-il réagi.

    De son côté, Adrian est « satisfait d’avoir été reconnu dans son statut de victime », a commenté Me Millasseau. Il ne s’agissait pas, selon elle, de « faire un exemple », mais ce verdict doit « encourager » d’autres victimes.