Interview de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, à "RMC" le 27 février 2006, sur la crise de la filière volaille avec l'arrêt des exportations vers certains pays en raison de la grippe aviaire, sur le développement de "l'agritourisme" et les difficultés de certains viticulteurs.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

J.-J. Bourdin - Un à un, les pays étrangers n'importent plus de volailles françaises. S'il n'y a aucun risque, pourquoi est-ce que ces pays n'importent plus de volailles françaises ?
D. Bussereau - Parce que ce sont des règles automatiques : quand un pays n'est plus complètement indemne, les autres pays automatiquement, déclenchent ce type de règles. Je donne un exemple par l'absurde : le ministre japonais de l'Agriculture était présent ici, il était avec moi et le président de la République samedi matin. Nous l'avons rencontré, le président de la République lui a parlé. Il n'empêche qu'il a arrêté. Pourquoi ? Parce que la règle est automatique au Japon : quand il n'y a plus de présomption de bêtes d'être indemnes, on arrête.
J.-J. Bourdin - Le Japon qui n'importe plus de foie gras, pourquoi ? Cela paraît ridicule !
D. Bussereau - Parce que c'est la règle de ce pays-là, je n'ai pas à porter de jugement. Ceci étant, quand je regarde la carte du monde, il y a des pays qui ont immédiatement déclenché des barrières sanitaires, d'autres ne l'ont pas fait. Nous nous mettons au travail, quand je sortirai de votre studio, je verrai tous les attachés agricoles dans nos ambassades dans le monde entier, pour que, justement, ils fassent un travail auprès des autorités sanitaires pour bien expliquer la situation chez nous. Mais nous allons avoir ce sujet, pendant quelques semaines, c'est évident. C'est d'ailleurs pour cela que nous allons aider les industries exportatrices.
[Eugène Schaeffer (phon)...]
J.-J. Bourdin - La grande distribution, joue-t-elle le jeu ? Parce que j'ai beaucoup d'auditeurs qui m'ont appelé en me disant que dans les rayons de la grande distribution, on ne trouve plus de volaille ou de moins en moins... Vous lancez un appel aux grandes surfaces pour qu'elles jouent le jeu ?
[Eugène Schaeffer...]
D. Bussereau : Il faut jouer le jeu. J'ai réuni la semaine dernière l'ensemble de la filière, les producteurs, les abattoirs, les industriels, etc. et la grande distribution qui nous a indiqué qu'elle allait jouer le jeu, qu'elle allait faire des opérations de promotion, qu'elle allait mettre en avant la viande... Peut-être y a-t-il quelques responsables de-ci de-là qui ne le font pas. Dans cette affaire, on s'en tirera au plan économique, comme d'ailleurs au plan vétérinaire, que si tout le monde travaille ensemble. La collaboration entre les éleveurs et les pouvoirs publics pour l'instant est exemplaire. Il faut qu'elle le soit également avec les industriels, il faut qu'elle le soit avec la distribution et nos concitoyens. C'est vrai que manger du poulet aujourd'hui, c'est un geste citoyen. C'est peut-être un grand mot que de dire cela, mais cela aide une partie de nos compatriotes qui sont en difficulté.
J.-J. Bourdin - Et continuez à en manger pour soutenir la filière avicole qui en a besoin, ils ont besoin de vous !
D. Bussereau - Le président de la République en a mangé deux fois dans la matinée de samedi. On ne va pas refaire Henri IV - la poule au pot, deux fois, le matin et le soir. Mais plus on ne mange, mieux cela vaut.
J.-J. Bourdin - Dites-moi, J. Brugère-Picoux, vous voulez rétablir certaines vérités ou contrevérités qui ont été dites à propos de la transmission. Par exemple, entre animaux domestiques. Qu'est-ce que vous pouvez dire sur le chat ? Certains ont dit que le chat était vulnérable ?
[J. Brugère-Picoux...]
J.-J. Bourdin - J. Brugère-Picoux a rétabli certaines vérités qu'elle avait envie de dire. Je rappelle qu'elle publie "Grippe aviaire : les bonnes questions, les mauvaises réponses". Mais parlons des agriculteurs aussi. Un agriculteur de Haute-Garonne me dit que le problème des agriculteurs, c'est qu'ils passent leur temps à remplir des imprimés. Et j'ai, parmi nos invités, Mathieu Estadieu (phon) qui est paysan. Vous dites, Mathieu, que le problème est qu'on ne fait plus que de l'administratif maintenant quand on est agriculteur... D. Bussereau, pourquoi tant d'administratif ? Il y a beaucoup d'agriculteurs le disent ?
D. Bussereau - Les agriculteurs ont complètement raison. Je dis souvent qu'ils payent un impôt supplémentaire par rapport aux autres Français, qui est l'impôt paperasse. Il y a cela, parce que l'Europe, naturellement, en face de ses aides, a mis des procédures de contrôle ; il y a cela aussi parce que la France qui est un pays où l'on adore administrer, a rajouté ses propres procédures aux procédures européennes. Je viens de lancer, je profite de votre antenne, une grande campagne de simplification, mais pas dans le langage : je demande aux agriculteurs de me faire part eux-mêmes dans leur vie quotidienne, de tout ce que l'on pourrait supprimer. Des publicités qui sont passées dans l'ensemble de la presse quotidienne et régionales, dans toute la presse agricole, avec un site Internet que l'on peut retrouver sur le ministère de l'Agriculture, avec une adresse. Tout ce que les agriculteurs vont nous signaler comme étant inutile, compliqué, redondant, ne servant à rien, je m'engage à les supprimer et si on le fait pas, leur expliquer pourquoi, parce que nous aurons un empêchement dans la législation européenne. On peut, à mon avis, enlever une grande partie des procédures actuelles ou, en tout cas, les rendre plus compréhensibles pour beaucoup d'agriculteurs. On va le faire avec l'aide des agriculteurs.
[J. Brugère-Picoux...]
Question de P. Galzin, agriculteur en Lozère : M. Le ministre, j'espère, j'ose espérer que vous connaissez le réseau "Bienvenue à la Ferme" ?
D. Bussereau - Vous savez qu'il existe aussi dans mon département, en Charente-Maritime, ce réseau, donc, je le connais bien.
Philippe Galzin, agriculteur en Lozère : Le tourisme à la ferme ? et donc la vente directe - constituent indéniablement un secteur d'avenir, appelé à se développer dans les années qui viennent... Je voudrais savoir quel type de mesures concrètes envisagez-vous pour faciliter le développement de "l'agritourisme" en France ?
J.-J. Bourdin : C'est quoi l'agritourisme, concrètement ? On reçoit des touristes à la ferme, on leur vend des produits ? C'est ça "l'agritourisme" ?
D. Bussereau - Quand vous allez en Autriche, qui est le pays qui assure aujourd'hui la présidence de l'Union européenne, chaque exploitation est sur un petit bouquin avec sa photo, et chaque exploitation a des chambres d'hôtes. En France, dans les régions touristiques, cela s'est considérablement développé, on en a besoin, et en plus c'est vrai que c'est ressource supplémentaire des agriculteurs. Les mesures, elles existent - je ne vais pas les passer à l'antenne - dans la loi sur les territoires ruraux en particulier. Nous avons mis des mesures pour simplifier les choses en matière d' "agritourisme" et des mesures fiscales en termes d'emplois, significatives. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, un agriculteur, si on diminue sa charge par l'utilisation, par exemple, des biocarburants, des huiles naturelles pour qu'il puisse produire son énergie, s'il dégage suffisamment de valeur ajoutée, par son travail et par les prix de ce qu'il vend, et si en plus il peut rajouter une valeur ajoutée par l'accueil, comme le fait Philippe, dans le cadre de ce réseau, c'est quelque chose que nous devons absolument souligner, et développer.
P. Galzin, agriculteur en Lozère : On attend depuis très longtemps l'apparition du décret "produits fermiers", qui était prévu dans la loi d'orientation agricole. Quand est-ce qu'il va sortir ? Parce que c'est un peu l'Arlésienne...
D. Bussereau - La loi d'orientation agricole, mais laquelle ? La mienne ou celle de M. Glavany ?
P. Galzin, agriculteur en Lozère : Celle de M. Glavany, mais cela a été repris dans la vôtre.
D. Bussereau - Celle que j'ai présentée, qui a été votée par le Parlement, elle est parue au Journal Officiel le 6 janvier. J'ai pris l'engagement, devant les parlementaires, que tous les textes d'application seraient sortis avant l'été. Donc, réponse, Philippe, ce texte - je vais vérifier en quittant l'antenne de RMC - je vous le propose avant l'été prochain.
J.-J. Bourdin : Eh bien, voilà, avant l'été prochain, c'est un engagement du ministre de l'Agriculture.
[Deuxième partie]
J.-J. Bourdin - Nous avons comme invité aussi, ici au salon de l'agriculture, Jérôme Despey qui est viticulteur à Saint-Geniès-des-Mourgues, ce n'est pas très loin de Montpellier. Il est président de la Coopérative des Côtes de Montpellier, J. Despey bonjour... Vous avez 36 ans, 20 hectares de vignes et vous avez perdu 50 % de votre chiffre d'affaires. Aujourd'hui, un hectare de vignes vous coûte 18 à 20.000 francs de production, c'est fou ça.
J. Despey : Oui, tout à fait, c'est dur.
J.-J. Bourdin - 2.500 euros, 3.000 euros.
J. Despey : 2.500 à 3.000 euros. Je perds à peu près 500 euros en ce moment par hectare, j'ai 20 hectares.
J.-J. Bourdin - Alors comment faites-vous pour vivre ?
J. Despey : On veut passer le cap difficile, on veut y croire. Nul ne peut ignorer les efforts qui ont été faits au niveau viticole en restructurations : on a arraché les vieux cépages, on a mis des nouveaux cépages, on a voulu s'adapter au marché, donc on y croit. On a fait énormément d'efforts de qualité, et je dis au ministre, on ne pourra pas continuer, moi je ne pourrai pas être viticulteur en 2007 si on continue à perdre autant d'argent.
J.-J. Bourdin - Alors D. Bussereau, qu'est-ce que vous dites aux viticulteurs ?
D. Bussereau - Jérôme nous a parlé du Languedoc-Roussillon, là où il travaille. C'est un vignoble qui est en crise, tous les vignobles français ne sont pas en crise, heureusement, mais dans le Languedoc-Roussillon la crise est plus dure qu'ailleurs. Elle est d'autant plus injuste que les viticulteurs de cette région, depuis des années, ont fait des efforts de qualité, de restructuration très importants...
J.-J. Bourdin - Oui, ils ont arraché les cépages sans intérêt.
D. Bussereau - Ils ont arraché, ils ont fait de la qualité, il suffisait de voir VINEXPO la qualité des productions présentées par le Languedoc-Roussillon l'année dernière à Bordeaux. C'est un vignoble qui a de l'avenir. Le seul souci que nous ayons, il est clair : les Français consomment la moitié de ce que nous produisons, l'autre moitié est exportée. Avant, on était tout seul à l'exportation, aujourd'hui sont arrivés des gens qui font de la qualité, et surtout beaucoup de quantité - les Chiliens, les Argentins, les Australiens, les Américains, demain les Chinois. Donc il faut que nous reprenions pied sur ces marchés, où nous avons perdu des parts de marché, et il faut également que nous organisions notre offre. Jérôme préside une coopérative, il le sait bien ; dans le Languedoc-Roussillon, il y a 300 coopératives. Une grande marque française qui possède une marque de vin en Australie, produit chaque année 48 millions de bouteilles, et nous, nous sommes en face, 300 coopérateurs dans le Languedoc-Roussillon sur des créneaux équivalents. Donc, il faut que nous aidions...
J.-J. Bourdin - Mais alors comment ?
D. Bussereau - Nous allons l'aider, le Premier ministre a pris un engagement très ferme vis-à-vis de la profession, il a reçu les professionnels, dont Jérôme d'ailleurs à Matignon il y a quelques mois. Nous allons présenter un plan à la fin du mois de mars ou au début du mois d'avril...Nous allons reprendre une gestion par bassin. Par exemple, monsieur Frêche, je ne suis pas d'accord avec lui quand il tient des propos assez effroyables...
J.-J. Bourdin - Il qualifie les Harkis de sous-hommes.
D. Bussereau - ...Mais quand il vient d'aider sa région en disant ? Faisons un vin Sud de France pour donner une image ?, sur ce point il a raison, et les viticulteurs ont raison de rentrer dans cette affaire...
J.-J. Bourdin - Alors qu'est-ce que vous allez faire fin mars ?
D. Bussereau - Nous allons sortir de nouveaux moyens pour réorganiser le vignoble, permettre la restructuration, en particulier du monde coopératif, et mieux organiser nos réseaux...
J.-J. Bourdin - Mais c'est-à-dire ?
D. Bussereau - C'est-à-dire que nous allons mettre des moyens financiers pour améliorer la capacité de nos entreprises à exporter...
J.-J. Bourdin - Vous allez aider les viticulteurs à exporter ? Des aides à l'exportation ?
D. Bussereau - Nous allons leur permettre, à celles et ceux qui dans un coin de la profession sont les organisateurs des systèmes d'exportation, de mieux exporter. Je vais prendre un exemple très simple, le Thalys, qui est le TGV - on fête le 25ème anniversaire aujourd'hui du TGV en France, qui nous emmène à Bruxelles - qui m'emmène quasiment chaque semaine à Bruxelles, propose deux vins : un Côte du Rhône et un vin chilien. J'observe les voyageurs, ils prennent le vin chilien, pourquoi ? Parce que le vin chilien, d'abord ils ne le connaissent pas, il y a un petit aspect curiosité, ensuite la bouteille a une belle étiquette colorée, ils ont l'impression que c'est un très grand vin. Alors que le Côte du Rhône ils connaissent, ils l'apprécient mais ils le connaissent, donc ils se tournent vers le chilien. Ce ne sont pas des comportements normaux, sauf si nous sommes capables de faire la même chose en matière d'étiquette, de packaging, de marketing du vin, etc...., Et c'est là où nous devons aider les viticulteurs, en particulier ceux du Languedoc-Roussillon.
J. Despey : Là où je crois que c'est vraiment indispensable - et le ministre a raison - sur le fait qu'il faut qu'on reprenne notre compétitivité à l'export. On l'a perdu. Je le dis aussi parce qu'on a, en Europe comme en France, beaucoup de complexités - ça a été dit tout à l'heure par un jeune agriculteur - sur un plan réglementaire par rapport à d'autres pays des nouveaux mondes, comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande qui ont des pratiques commerciales...
J.-J. Bourdin - Avec des vignobles qui appartiennent souvent à des Français dans ces pays, il ne faut pas oublier de le rappeler...
J. Despey : Avec des vignobles français et pas les mêmes règles, et pas les mêmes règles...
J.-J. Bourdin - Et pas les mêmes règles, et qui en profitent...
J. Despey : Moi je suis aussi producteur des vins de Pays d'Oc. Aujourd'hui, il y a un débat sur l'aromatisation, sur les copeaux et sur le boisement. Aujourd'hui, quand il y a un producteur australien qui arrive sur le marché européen, je ne peux pas être compétitif parce que j'en suis au stade de l'expérimentation, que lui arrive sur le marché, il prend le marché parce qu'il a boisé ses vins avec effectivement des copeaux, ça a duré 2 mois. Moi je ne peux pas le faire, je remplis 24 pages de dossiers pour pouvoir expérimenter mes copeaux, je ne peux pas lutter. Il faut reprendre l'initiative, je demande au ministre de faire tout en sorte pour nous simplifier aussi ces démarches à l'export...
J.-J. Bourdin - Il va y avoir de marqué aussi sur les bouteilles ? attention, danger pour les femmes enceintes ?... ça fait du mal ça non ? D. Bussereau, qu'est-ce que...
D. Bussereau - Nous avons mis en place, comme le souhaitait le Premier ministre, un Conseil de la modération qui va comprendre pour moitié des représentants du monde de la santé - trois tiers plus exactement le monde de la santé - le monde de la communication, les agences de publicité, etc. et un troisième tiers le monde viticole. Et il n'y aura plus désormais de campagne de quelque nature que ce soit, qui n'ait pas auparavant été examinée dans un esprit de dialogue par ce Conseil de la modération qui est mis en place depuis quelques jours.
J.-J. Bourdin - Mathieu Estadieu (phon), je rappelle que vous êtes paysan en Haute-Garonne, éleveur de bovins de race gasconne. Mathieu, je regardais l'enquête qui a ??té réalisée auprès de 8.000 agriculteurs. Très intéressant. Je lis, vous allez réagir et D. Bussereau va réagir aussi : "58 % des agriculteurs se sont installés par passion pour ce métier". Vous vous êtes installé par passion, vous êtes agriculteur par passion vous ?
M. Estadieu : Tout à fait, agriculteur par passion.
J.-J. Bourdin - Alors je regarde, 40 % des agriculteurs disent travailler entre 55 et 70 heures par semaine. Vous travaillez combien d'heures par semaine vous ?
M. Estadieu : Par semaine, je pense qu'on n'est pas loin du compte, autour de 70 heures. C'est vrai que c'est quotidien, mais du moment qu'on l'aime, je veux dire on ne les voit pas passer. Mais c'est vrai que c'est contraignant, c'est 365 jours par an...
J.-J. Bourdin - Pas de vacances ?
M. Estadieu : Pas de vacances ou très peu. Il faut s'organiser avec des voisins. On a un service de remplacement quand même, qui nous permet aussi de pouvoir partir en vacances. Mais on part une semaine, 10 jours grand maximum.
J.-J. Bourdin - Plus d'un tiers des agriculteurs français gagne moins de 6.000 euros. 6.000 euros par an ! Je regardais ce chiffre.
M. Estadieu : Oui, oui, c'est vrai.
J.-J. Bourdin - Combien gagnez-vous par exemple, Mathieu ?
M. Estadieu : En moyenne, je dois être aux alentours de 1.100, 1.200 euros par mois, pour 70 heures par semaine.
J.-J. Bourdin - 1.100, 1.200 euros par mois, pour 70 heures par semaine. Je regardais encore cette enquête, elle est très intéressante : pour 48 % des agriculteurs, l'Europe est un obstacle et une menace. Pour vous aussi ?
M. Estadieu : Une menace peut-être au niveau des marchés par rapport à ma filière bovine, un obstacle non. Je pense que si on veut vivre de notre métier maintenant en tant qu'agriculteur bovins, si nous n'avons pas les subventions et les primes qui sont versées par l'Europe, je pense qu'on pourrait tous plier boutique. C'est primordial pour qu'on survive nous sur les exportations.
J.-J. Bourdin - Alors je regarde aussi : les agriculteurs sont de plus en plus diplômés. Qu'est-ce qu'il y a encore cette enquête ? C'est vraiment très intéressant, sur l'environnement les mentalités sont en train de changer.
M. Estadieu : Tout à fait. Je suis dans un secteur en plus de montagne. C'est primordial : si vous voulez avoir du monde qui vient, notamment essayer de faire un peu de vente à la ferme, il faut que le touriste arrive, que ce soit propre, net, qu'il ait envie de revenir, de voir qu'on n'est pas là que pour produire, on aime nos animaux... C'est un tout. Et je rigole un peu, mais enfin il y a dix ans, j'ai entendu dire que les agriculteurs sont des fonctionnaires - ils ne seraient pas aux 35 heures maintenant - du fait qu'ils sont subventionnés, qu'ils touchent des aides. Mais quelque part, oui, on est des gestionnaires de l'espace rural. En gros c'est ça. Il ne faut pas se leurrer : on produit trop, on a mis en place des quotas au niveau des vaches laitières, et on a mis en place le gel au niveau des céréales. Donc il faut jouer la carte sur le tourisme je pense, et essayer d'attirer le touriste chez nous.
J.-J. Bourdin - Un mot : vous ne vous réjouissez pas des problèmes rencontrés par la filière avicole. Franchement, est-ce que vous vendez plus de viande en ce moment ?
M. Estadieu : Non, c'est vrai, il ne faut pas se réjouir du problème des uns...
J.-J. Bourdin - Il paraît que les prix de la viande de veau ont augmenté ! Vous ne l'avez pas vu vous ?
M. Estadieu : Non, mais on est quand même au courant. Mais le problème, c'est cyclique. Il y a une filière qui est en mal à chaque fois. Nous on a été touché par la vache folle, ensuite il y a la grippe aviaire pour les poulets... Il y a aussi tout ce qu'il y a au niveau du porc. Il y a eu la tremblante du mouton. Donc à chaque fois, c'est une filière qui chute, et c'est vrai que l'essor est bon aussi pour les autres.
J.-J. Bourdin - Un mot D. Bussereau sur ce que vous venez d'entendre ?
D. Bussereau - Ce que dit Mathieu montre que pour être éleveur, il faut être passionné. Pour être éleveur, encore un tout petit peu plus passionné...
J.-J. Bourdin - On ne devient pas riche, à part quand on produit des céréales et qu'on a 600 hectares...
D. Bussereau - Mais je voudrais dire à Mathieu qu'il va pouvoir prendre plus de vacances, il le mérite d'ailleurs en fonction de ce qu'il vient de nous dire... Dans la loi d'orientation agricole, on a financé une mesure pour permettre aux éleveurs de partir en congé, et je pense que c'est une mesure de solidarité nationale. Ca fait rigoler un peu les gens des villes. On dit ? le Gouvernement paie des vacances aux éleveurs ?, qu'ils aillent chaque matin à 5 heures ou à 5 heures et demi le soir, et ils verront que ce ne sont pas des vacances payées aux éleveurs, mais un devoir de solidarité.
J.-J. Bourdin - Merci D. Bussereau, d'être venu nous voir...
source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 27 février 2006