Ghislain Quetel, est l’un des historiens spécialistes de la Seconde Guerre mondiale. Celui qui habite à Équeurdreville-Hainneville (Cherbourg-en-Cotentin, Manche), partage son savoir.
Actu : Comment êtes-vous devenu un spécialiste de la Résistance en Normandie ?
Ghislain Quetel : C'est très simple : mon papa est l'un des trois fondateurs d'un groupe FTPF, sans adhésion politique, dans le Calvados à Touques-Deauville. Retraité, depuis 16 ans, je parcours la Normandie et recueille des témoignages de résistants, de leurs conjoints, enfants et amis. J'ai ainsi publié un livre, aujourd'hui épuisé, « Résistance et Libération en pays d'Auge, et de Cherbourg à Pont-Audemer jusqu'à Amiens » et dispensé plus de 100 conférences gratuites dans 13 départements.
Quelle est votre vision de la Résistance en Normandie ?
G.Q. : La Résistance normande se caractérise par cinq types d'actions : le renseignement pour aider les Alliés à préparer et réussir le débarquement, l'assistance aux aviateurs abattus, la planque des réfractaires du STO (Service du travail obligatoire), des « sabotages intelligents » qui n'entraînent pas de représailles ou de prises d'otages, et seulement après le 5 juin 44, des sabotages et actions armées. Le grand historien de la Résistance, Olivier Wieviorka, a écrit « la violence n'est pas une valeur de la Résistance ». En Normandie, une Résistance de renseignement, utile aux Alliés, ne peut être comparée aux actions armées des maquis du Limousin, du Vercors ou du Morbihan. Cela explique le faible prestige de la Résistance normande qui agissait en toute discrétion. Au péril de leurs vies, de nombreux patriotes ont dressé, puis mis à jour chaque semaine, les plans des fortifications du mur de l'Atlantique entre Avranches-Cherbourg et Le Havre, précisant les effectifs des troupes allemandes, les positions des pièces d'artillerie et autres artifices de défense du littoral. Les rapports et les plans étaient acheminés à Caen et à Paris et envoyés aux services secrets à Londres par transmissions cryptées, liaisons terrestres ou aériennes.
Et dans le Cotentin ?
G.Q. : Plusieurs figures de notre département se sont illustrées : Jacques Bertin de la Hautière de Saint-Germain-de-Tournebut, pseudo Moulines, devient le chef du réseau de renseignement OCM-Centurie de la Manche et plus tard des 14 départements de l'ouest. Yves Gresselin et Étienne Lecarpentier lui succéderont à la tête du réseau OCM qui compte 125 agents dans la Manche en 1943 et plus de 300 à la Libération. Depuis Equeurdreville, André Defrance et son épouse Juliette implantent des FTP entre Cherbourg et le sud du département, Paul Talhuau, avant de mourir en déportation, a dirigé la branche de renseignement cherbourgeoise du réseau franco-belge Delbo-Phénix, l'abbé Louis Gosselin a reçu le titre de « Juste parmi les nations » pour avoir délivré de faux certificats de baptême à des juifs et caché des réfractaires à Cherbourg, les frères Jurczyszyn de Gatteville-phare ont été fusillés après des attentats. D'autres patriotes avec leur tragique histoire mériteraient d'être cités.
Propos recueillis par Étienne DEVAILLY
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