A une note de trois lignes sur Gorki parue dans l'article de notre collaborateur André Pierre : " Comment fut décidée l'insurrection qui devait amener Lénine au pouvoir " (le Monde, 9 novembre), M. Claude Frioux, agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure, a répondu par un long article dont nous ne pouvons citer ici que quelques extraits.
André Pierre ayant écrit à propos du conflit qui opposa Gorki à la direction du parti communiste russe : " Depuis longtemps on fait le silence à Moscou sur cette attitude de Gorki pendant les premiers mois de la dictature bolcheviste ", M. Frioux déclare :
" J'ai eu l'occasion à de multiples reprises de rencontrer dans des publications soviétiques très largement diffusées et les plus diversement datées des comptes rendus substantiels de cet épisode qui par là même ne me semble constituer de secret pour personne en U.R.S.S. "
M. Frioux cite plusieurs textes tirés d'ouvrages parus à Moscou en 1951 et en 1954 et conclut :
" Je conviens que l'attitude de Gorki est présentée dans ces textes d'un point de vue orienté et critique, mais la matérialité des faits est exposée avec une netteté qu'il est difficile de mettre en cause et qui ne présente pas le ralliement de Gorki au régime soviétique sous un jour aussi factice et automatique que M. André Pierre le laisse clairement entendre. En aucun cas on ne peut appeler cela " faire silence sur cette attitude de Gorki pendant les premiers mois de la dictature bolcheviste ".
[Je reconnais volontiers que ma note trop brève sur Gorki a pu faire croire qu'on avait fait totalement le silence à Moscou sur l'altitude de l'écrivain au lendemain de l'insurrection victorieuse des bolcheviks. M. Frioux met les choses au point, tout en ajoutant que dans les textes qu'il cite l'attitude de Gorki est présentée " d'un point de vue orienté et critique ". Mais j'irai plus loin que lui. Ce que je reproche essentiellement au parti communiste russe c'est de condamner l'attitude d'un homme sans citer les textes incriminés sans permettre au public de se faire une opinion personnelle sur le conflit qui l'a opposé à tel ou tel moment au parti. M. Frioux doit savoir que Gorki prit le chemin de l'exil en 1921, et que c'est à Berlin, et non à Moscou, qu'il publia le recueil de ses articles de la Novaïa Jizu, sous le titre Pensées inactuelles. Si M. Frioux m'apporte la preuve que ces Pensées inactuelles ont été reproduites in extenso dans les différentes éditions soviétiques des œuvres complètes de Gorki - notamment dans celle en trente volumes de 1949-1950 - je conviendrai que pour une fois le parti communiste russe a agi honnêtement et dans le respect de la vérité historique.]
