Deux tricentenaires en 1959 dans les Pyrénées-Orientales

A l’automne, un tricentenaire cache l’autre et le fait même oublié …

Vous avez déjà fait le calcul de tête : 1959 moins 300 = 1659. Et deux dates, celle du 20 juillet, le baptême du jeune Hyacinthe Rigau i Ros, fils de tailleur, né on le suppose deux jours auparavant dans la maison familiale rue Porte da Sal (du Sel, improprement traduit ensuite par d’Assaut), qui va devenir le peintre du roi soleil, et le 7 novembre la signature du Traité des Pyrénées qui permit à ce même roi-soleil d’annexer le Roussillon et la moitié des villages de Cerdagne. La naissance de Rigaud se situant en pleine période de vacances, il est décidé de fêter les deux en même temps en novembre. Dans un mas près de Canohès, le sculpteur Joseph Maureso met la dernière main à sa statue de l’artiste, taillée dans de la pierre du Gard, 2m80 de haut pour 3 500 kg, qui va remplacer le bronze de Gabriel Farrail, datant de 1890, envoyé à la fonte lors de l’Occupation. Elle est installée place Rigaud en septembre. Non sans mal : une grue de 17 tonnes et 7 heures d’effort sont nécessaires pour la hisser sur son socle. Pendant ce temps, le musée, fondé en 1820, s’active à emprunter les œuvres du peintre ici et là, en France mais aussi à Barcelone, Gérone, pour proposer une exposition sans précédent. On pourra admirer notamment le portrait de La Fontaine qui a atterri, Dieu sait comment, à l’abbaye de Montserrat. Tout se présente pour le mieux …

Et pour le Traité des Pyrénées ?

Eh bien en fait pas grand-chose. Une exposition philatélique à Mont-Louis … qui sera d’ailleurs éclipsée par la sortie d’un timbre à l’effigie du Castillet : 15 000 personnes prennent d’assaut la salle Arago, 50 000 timbres oblitérés « premier jour ». L’historien Horace Chauvet tonne dans la presse et même l’Indépendant s’étonne de « constater que dans la capitale du Roussillon, qui fut le gage de cette paix des Pyrénées, on ne parle pas de commémorer le fameux traité comme on le fait à l’autre extrémité des Pyrénées ». Car au Pays basque, là où a été signé le traité, dans l’île des Faisans sur la Bidassoa, ont lieu plusieurs manifestations. De guerre lasse face à « l’indifférence des pouvoirs publics en Roussillon », l’Imprimerie du Midi édite « l’Album du Tricentenaire ». Et en plus, la célébration de Hyacinthe Rigaud, inauguration de la statue suivi du vernissage de l’expo, est repoussée au 21 novembre en présence des autorités françaises et espagnoles, ambassadeur, maires de Barcelone et Gérone, abbé de Montserrat notamment, ce qui rend le lien avec le traité encore plus ténu. Tiré par les cheveux de la perruque de Rigaud si je puis dire !

Et à part ça ?

Le 12 septembre, l’autocar faisant la liaison Prats de Mollo – Perpignan rate un virage au Pas-du-Loup et chute dans le ravin : 7 morts et 19 blessés. Rodrigue rend son épée, Fanfan la Tulipe s’envole … le 25 novembre, Gérard Philipe s’éteint brutalement, d’une crise cardiaque annonce la presse sous le choc. Même le comédien ignorait qu’il souffrait d’un cancer du foie, sa famille le lui avait caché. Il est inhumé à Ramatuelle dans son costume du Cid. Il allait avoir 37 ans. Auparavant, Perpignan a fait des obsèques solennelles à son évêque Mgr Bernard, en poste depuis 1933. Le 3 décembre le barrage de Malpasset dans le Var cède, une vague gigantesque déferle sur Fréjus, 423 morts. C’est la crise à l’USAP, dernier de la poule E du championnat. Les supporters réclament le retour du « Maréchal » … Fernand Vaquer bien sûr ! Il faut désormais composer 6 chiffres pour appeler un abonné de Perpignan au téléphone.