Le gouvernement trépigne. Ainsi, la décision des partenaires sociaux de se donner un peu plus de temps pour terminer leur négociation sur l'emploi des seniors a profondément agacé l'exécutif.
A l'origine, syndicats et patronat devaient finir le 26 mars, mais étant donné les divisions qui les opposent, ils ont choisi de s'accorder un petit délai et de fixer la dernière séance de négociation le 8 avril prochain. Et pour cause, les positions entre le patronat et les syndicats sont encore très divergentes. Alors que le patronat souhaite obtenir une baisse des cotisations sur un CDI senior, les syndicats eux bataillent pour avoir de nouveaux droits pour les salariés, - comme le compte épargne temps universel, cher à la CFDT - et des obligations pour les entreprises.
Attendre la fin de la négociation senior
Reste que ce délai d'une quinzaine de jours supplémentaires complique la donne du gouvernement qui s'est engagé, sur ce volet de l'emploi des seniors, à attendre la conclusion de cette négociation. Si les partenaires sociaux tombent d'accord, l'exécutif prendra en compte leur compromis, sinon il proposera sa propre solution pour inciter les travailleurs les plus âgés à reprendre un emploi.
Quoiqu'il en soit, Gabriel Attal a d'ores et déjà prévenu, lors de son discours de politique générale : s'il juge que l'accord ne correspond pas à ses attentes de rétablissement de la trajectoire des finances publiques, le gouvernement ira plus loin. Et la copie qu'il souhaite présenter avant l'été est déjà bien avancée. Elle ne s'attaquera pas uniquement aux dispositions qui concernent les seniors - dont les droits risquent d'être calqués sur les autres actifs, et donc de perdre leurs spécificités : l'exécutif souhaite passer en revue l'ensemble du système d'indemnisation des chômeurs.
Un important tour de vis se prépare
Et aller plus loin pour durcir les droits des demandeurs d'emploi, le gouvernement Attal est bien décidé à le faire. En effet, il voit dans l'assurance chômage le moyen de trouver quelques milliards d'euros d'économies. Surtout, selon des sources ministérielles, la dégradation des comptes publics et notamment ceux de l'Unédic - organisme qui gère les fonds de l'assurance chômage- le justifie pleinement. « Les comptes ont beau être dans le vert, le niveau de la dette est préoccupant... », explique ainsi un membre de l'entourage de Gabriel Attal. En effet, si l'Unédic prévoit de dégager 20,6 milliards d'euros d'excédents sur la période 2024-2027, malgré 12 milliards de prélèvements des pouvoirs publics sur ses recettes et la faiblesse de l'activité économique, sa dette est attendue à hauteur de 38,6 milliards à cet horizon, contre 63,6 milliards fin 2021.
Mais au-delà des données comptables, le gouvernement trouve le système beaucoup trop généreux avec les demandeurs d'emploi. Alors qu'il vise, comme la promis Emmanuel Macron, le plein emploi, - soit près de 5 % de taux de chômage à la fin du quinquennat, contre 7,4 % aujourd'hui-, l'exécutif est persuadé que réduire les droits des inscrits à France Travail est un puissant levier pour y parvenir.
Intervenir sur les durées d'indemnisation
Dans la ligne de mire du gouvernement : la durée d'indemnisation des chômeurs jugée trop longue pour trouver un emploi. Selon l'exécutif, elle maintient les chômeurs dans l'inactivité. Aujourd'hui fixée à 18 mois, il souhaite la réduire. Il y a quelques semaines, Gabriel Attal expliquait ainsi : « on est déjà passé de 24 à 18 mois, on peut encore la réduire »
Autre levier, tout aussi important : la durée d'éligibilité, c'est-à-dire le temps qu'il faut avoir travaillé pour pouvoir prétendre et faire valoir des allocations chômage. Cette durée - qui peut varier selon les catégories de demandeurs d'emploi- a déjà été portée de 4 à 6 mois de travail dans les 24 derniers mois. Le gouvernement souhaite la rallonger, peut-être à 9 mois, voire un an.
De quoi faire hurler les syndicats. Mais leurs marges de manoeuvre sont réduites. Le sujet des conditions d'indemnisation des demandeurs d'emploi ne mobilise pas les Français. Il y a peu de risques qu'ils ne descendent dans la rue pour défendre les inscrits à France Travail ou au RSA, alors que l'opinion publique est plutôt favorable à durcir les droits. En effet, il y a toujours le soupçon que celui qui est sans emploi ne fait pas le nécessaire pour en retrouver un rapidement, et est tenté de profiter du système...
Les mesures retenues pourraient être annoncées ce mercredi soir, lors de l'intervention de Gabriel Attal au JT de TF1.
Donner des gages aux agences de notation
Si le gouvernement est aussi déterminé et pressé de modifier les règles d'indemnisation des demandeurs d'emploi, c'est aussi parce qu'il y a urgence à convaincre les agences de notation. L'objectif est de leur montrer qu'il se mobilise pour réformer le pays et réduire les déficits publics. Et pour cause, l'exécutif se sait sous surveillance. Et contraint par le calendrier. Les agences de notation se prononcent sur la dette tricolore dans quelques semaines à peine : le 26 avril prochain pour Moodys et Fitch, et le 31 mai pour Standard&Poor's (31 mai). Il y a quelques mois, la France a évité de justesse la sanction... cette fois, étant donné la situation calamiteuse des finances publiques, pas sûre qu'elle y échappe.
Reste que l'exécutif sait aussi qu'annoncer des réformes structurelles de la fonction publique ou même du régime de santé, risquerait de susciter des grèves, et des mouvements sociaux. Impensable avant les jeux Olympiques de cet été. Quant à toucher au montant des retraites, à l'indexation des pensions, qui rapportent pourtant rapidement des milliards d'euros, Emmanuel Macron a d'ores et déjà balayé l'option d'un revers de main. Impossible de formuler toute suggestion de cet ordre avant le scrutin européen, où les plus de soixante ans constituent le cœur de son électorat.
Le travail, logiciel de la macronie
Enfin, toucher à l'assurance chômage lui permet de revenir au logiciel premier de la macronie : seul le travail permet d'éviter ou de sortir de la pauvreté, permet de s'élever dans la pyramide des salaires et l'échelle sociale, de lutter contre le déclassement. Ce n'est pas un hasard d'ailleurs, si Gabriel Attal a prévu d'organiser un séminaire consacré au travail, à Matignon avec ses ministres ce 27 mars. La date avait été choisie en fonction de la fin de la négociation des partenaires sociaux. Le Premier ministre espérait faire des annonces...
Faute de pouvoir le faire, il a demandé à ses ministres de lui faire des propositions pour atteindre la promesse d'Emmanuel Macron d'atteindre le plein emploi d'ici 2027, mais aussi de voir comment on peut promouvoir la qualité au travail. C'est dans ce cadre, par exemple, que le locataire de Matignon devrait en dire plus sur l'expérimentation de la semaine en 4 jours. En attendant de pouvoir très rapidement présenter les détails de sa réforme.