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D1 Arkema : illusion de la professionnalisation, réalité de la précarisation

Par Anna Carreau

À quelques mois du lancement de la ligue professionnelle de football féminin en France, la divulgation des salaires de D1 Arkema par le journal L’Équipe révèle que beaucoup de joueuses sont encore très loin de pouvoir vivre décemment de leur passion.

D1 Arkema : illusion de la professionnalisation, réalité de la précarisation

En publiant les salaires de D1 Arkema jeudi, L’Équipe a dévoilé ce que beaucoup savaient déjà : quand on est joueuse de football « professionnelle », être payée le SMIC c’est déjà beaucoup. En témoignent les salaires moyens hors du top 2 (Lyon et PSG), qui sont estimés entre 1 600 et 3 000 euros brut selon le quotidien sportif. Des chiffres qui ne prennent en compte que les salaires de celles qui possèdent un contrat fédéral, à temps plein ou partiel. Soit un minimum de 11 éléments par équipe. D’autres sont défrayées des frais kilométriques, logées aux frais du club ou bien rémunérées dans le cadre d’un contrat d’alternance ou de primes de match, mais ne perçoivent donc pas un salaire pour jouer au foot, quand bien même elles évoluent en première division tous les week-ends.

« On a parfois des situations qui seraient très condamnables aujourd’hui »

« Certaines filles en D1 Arkema sont obligées d’aller travailler, juste pour pouvoir vivre, parce qu’elles n’ont pas un contrat à temps complet, constate Fabien Safanjon, vice-président de l’UNFP, en charge des questions liées au football féminin. Elles mettent toute leur vie dans cette passion-là, mais, en 2024, je pense qu’il serait quand même plus que justifié que ces sportives de haut niveau puissent vivre décemment de ce qui est leur passion avant tout, mais surtout un métier. » Membre de la commission de haut niveau du football féminin, Fabien Safanjon négocie aujourd’hui avec la FFF et les clubs afin de mettre en place un salaire minimum, dans le cadre d’une convention collective et du passage à une ligue professionnelle. Ce qui n’est toujours pas le cas en France, en 2024. Il raconte aussi rencontrer des joueuses payées 700 euros par mois, ne pouvant même pas mettre assez d’essence pour se rendre aux réunions avec le syndicat…

« On a parfois des situations qui seraient très condamnables aujourd’hui, appuie le syndicaliste, qui dit être contacté par des joueuses en détresse financière, hésitant à poursuivre leur carrière. Je ne parle pas de justice, mais moralement, il y a des fois, ce n’est pas croyable. » L’UNFP dénombre aujourd’hui « entre 250 et 260 contrats fédéraux » en D1 Arkema, « en majorité » à temps plein, sur 312 joueuses recensées au sein des effectifs professionnels. La rémunération minimale du contrat fédéral pour un temps complet étant le SMIC, soit 1 766,92 euros au 1er janvier 2024. Un salaire devenu malgré lui le point de départ des négociations de l’UNFP avec la fédération et les clubs en vue de cette fameuse convention collective qui doit voir le jour avant le 1er juillet, afin de poser les bases de la professionnalisation.

Une histoire de SMIC

Fabien Safanjon l’admet, on ne peut pas être une joueuse de haut niveau en ne percevant QUE le SMIC : « Ils seront obligés de donner ces salaires-là au minimum. Mais si je prends un exemple, aujourd’hui, dans le statut fédéral amateur, c’est-à-dire pour les clubs masculins de N1, N2, N3, il y a possibilité d’avoir des temps partiels. En D1 comme en D2, on a des temps partiels. Maintenant, les clubs nous ont fait une proposition, de temps partiel, à 17h30, alors que pour les garçons, c’est à 21h. Donc, vous voyez que de donner la moitié d’un SMIC ou un peu plus de la moitié d’un SMIC, ça devient un problème pour les clubs. »

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S’il se veut optimiste concernant les négociations, misant beaucoup sur « l’humanisme » de Laurent Nicollin, président du syndicat des clubs Foot Unis, et « l’expertise » de Jean-Michel Aulas, vice-président de la FFF en charge du football féminin, il rappelle surtout que les clubs ont des obligations vis-à-vis de leurs joueuses et de la réussite ou non de cette future ligue professionnelle. D’autant que Jean-Michel Aulas a fixé l’objectif d’être dans « les deux premières ligues professionnelles avec les Anglais ». La fédération a déjà annoncé allouer un budget de 8,5 millions d’euros à la Ligue professionnelle pour la saison 2024-2025 et est en quête de partenaires. Le reste du boulot, c’est aux clubs de le faire : contrats de sponsoring, billetterie, aides de la part des territoires… Dans le but d’enfin payer leurs joueuses comme il se doit.

Des stars qui poussent, des clubs sous pression

« Il en revient à la responsabilité des clubs de pouvoir imaginer signer un accord qui puisse permettre aux filles d’être considérées et d’éviter qu’elles ne partent dans d’autres championnats », insiste Fabien Safanjon, qui n’exclut pas d’initier une grève en cas d’échec des négociations, s’appuyant sur la forte mobilisation des joueuses. Dans une ligue aux salaires extrêmement disparates, allant des 58 000 euros mensuels bruts de Marie-Antoinette Katoto aux centaines d’euros balancés sous forme de primes à certaines, les top joueuses ont-elles conscience des enjeux qui se trament derrière cette convention collective ? « Ce qui est paradoxal ce que ce sont les top players de notre championnat, que ce soit à Paris, à Lyon, au Paris FC ou à Montpellier, qui sont presque les plus sensibles et mobilisées que les autres, raconte celui qui sillonne la France à la rencontre des différents effectifs. Alors que ce sont des joueuses qui ne verront pas leur vie changer avec la signature de cet accord. »

Il faut que celles qui sont beaucoup moins considérées puissent s’adonner complètement à leur métier pour qu’elles puissent progresser et venir déranger la hiérarchie établie.

Fabien Safanjon

Pour elles, la question n’est pas financière : « Ces joueuses-là estiment que c’est inentendable de jouer contre des filles qui ne sont pas soumises aux mêmes conditions. Il faut que celles qui sont beaucoup moins considérées puissent s’adonner complètement à leur métier pour qu’elles puissent progresser et venir déranger la hiérarchie établie. » Sans quoi, Fabien Safanjon perçoit un avenir compliqué pour le championnat tricolore : « Si on ne les considère pas à juste titre, en leur donnant les moyens structurels, d’encadrement médical et évidemment social, et bien restons à notre niveau et soyons la cinquième ou sixième nation du football européen. Les meilleures, elles, iront voir où elles sont réellement considérées. »

Par Anna Carreau

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