Avec Bastien Hauser, jusqu’aux confins du cosmos
Dans «Une Singularité», le jeune auteur, né à Nyon et installé à Bruxelles, signe une exploration vertigineuse de nos vies éclatées en plusieurs temporalités et du floutage contemporain entre fiction et réalité
C’est l’histoire d’une chute sur le sol d’une cuisine qui se transforme en voyage cosmique. Un moment de bascule, un jour d’avril 2019, dans la tête d’un jeune homme, qui le propulse jusqu’aux confins de l’univers, de l’autre côté du miroir, au cœur du grand mystère. «Vous avez eu de la chance, l’hémorragie a été de courte durée, vous pouvez remercier vos thrombocytes», lance le médecin devant une image projetée du cerveau d’Abel, le narrateur d’Une Singularité. L’AVC a provoqué un hématome, simple tache que le médecin pointe sur l’écran. Abel n’écoute pas, regarde par la fenêtre, vers le ciel d’été. «Fatigue, désorientation, perte de mémoire, difficulté à trouver ses mots», note sur un carnet l’amie qui l’accompagne au rendez-vous.
Ainsi commence le premier roman de Bastien Hauser, né à Nyon en 1996, vivant aujourd’hui à Bruxelles après un master en création littéraire à La Cambre. A ce stade, Abel ne fait qu’amorcer le grand vertige qui s’annonce, il est encore spectateur des glissements qui s’opèrent en lui et altèrent sa perception de la réalité. Le lecteur, lui, a déjà accroché sa ceinture. L’écriture épouse les états de dissociation d’Abel, son impression d’une réalité dédoublée, d’un «déjà-vu constant». Ce bourdonnement dans la tête. Le vingtenaire reste prostré dans sa chambre. «Je passe mes journées à reposer mon cerveau dans la vase réconfortante de séries télévisées et d’émissions culinaires. Je fais tout pour ne pas penser. Je crains que, si je pense trop, mon cerveau se remette à saigner.»