Le maire de Villers-sur-Mer démissionne : « Ça aurait dû être un mandat de plaisir »

Thierry Granturco a annoncé sa volonté de démissionner de ses fonctions de maire de Villers-sur-Mer. L’édile a souhaité préciser sa décision. 

Thierry Granturco
Thierry Granturco a annoncé sa volonté de démissionner.  ©Le Pays d’Auge / M.-M. Remoleur
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Mardi 26 mars 2024, dans un très long communiqué publié sur Facebook, Thierry Granturco a annoncé sa volonté de démissionner de ses fonctions de maire de Villers-sur-Mer (Calvados). Le lendemain, une conférence de presse s’est tenue. L’édile a souhaité expliquer sa décision

« Depuis que je suis élu, la violence est constante »

Actu : Vous avez annoncé votre volonté de démissionner : quel est votre état d’esprit ?

Thierry Granturco : Je suis soulagé. Ça faisait un moment que je pensais prendre cette décision. Ce week-end, j’ai vécu un événement en famille qui s’est très mal passé. J’étais avec ma compagne et mes deux fils de 25 et 18 ans au restaurant : tout le monde s’est mis à pleurer, sauf moi. Cela faisait des mois que j’essayais de trouver des mots pour leur dire que ça allait se calmer. Je voyais qu’ils ne vivaient pas très bien la situation, mais je n’avais pas pris conscience de cette souffrance. Les voir tous pleurer, c’est juste insupportable. 
Ni la contradiction, ni le conflit ne me font peur. Par contre, quand ça touche le côté familial, vous changez de registre. Au bout de quatre ans, je ne peux plus trouver les mots qui me permettent de dire à mes enfants et à ma compagne que ça va aller. Non, ça ne va pas. 

Vous regrettez donc que la charge qui ne devrait reposer que sur vos épaules, comme maire, ait atteint votre cercle privé ? 

TG : Quand vous avez 30 ans d’avocature, les attaques frontales ne vous empêchent pas de dormir. Par contre, mon fils aîné qui tient des restaurants à Villers fait l’objet d’attaques frontales depuis quatre ans, avec des personnes qui viennent renverser les tables en plein service, qui essayent de convaincre les clients de partir… Ce sont des gens qui me visent à travers mon fils qui a beaucoup pris sur lui. Je pensais que j’arriverais à gérer ça, peut-être que j’aurais dû être alerté un peu plus tôt de la souffrance de ma famille.

C’est une accumulation ? 

TG : Depuis que je suis élu, la violence est constante. Ça a commencé au début de mon mandat. Régulièrement je trouvais des oiseaux morts devant ma porte. Je mettais mon réveil à 5-6 h pour m’assurer que quelqu’un de ma famille ne tomberait pas dessus. J’ai déménagé, j’ai mis des caméras et je n’ai plus eu de problèmes. Mais on a volé mon courrier, on a cassé le pare-brise et crevé les pneus de ma voiture. J’ai fini par porter plainte quand j’ai retrouvé mon chien avec une patte cassée dans le jardin avec la clôture sectionnée. 

C’est la seule plainte que vous avez déposée ? 

TG : Oui, c’était une plainte globale déposée en gendarmerie l’année dernière. Ils ont vérifié le caractère matériel des faits. Au bout de 15 jours, ça a été classé sans suite car ils estimaient ne pas être en mesure de pouvoir déterminer qui a commis ces actes. J’étais furieux. 
J’ai eu 17 plaintes contre moi jusqu’ici, des plaintes les plus diverses et variées. Ce que je tire comme expérience, c’est qu’il y a aujourd’hui quelque chose qui dysfonctionne. Quand vous êtes élu, on fait très attention à ce que vous ne soyez pas traité de manière favorable, ce que je comprends. Mais par ailleurs, on entend partout qu’il faut protéger les maires sauf que ça n’est pas efficace. On est tout seul. 

« Je ne veux pas nommer mon successeur »

Vous restez aux manettes jusqu’au 30 juin ? 

TG : Lundi soir, j’ai rencontré les élus et je leur ai annoncé que je leur laissais jusqu’au 30 juin pour trouver entre eux un consensus pour nommer un remplaçant. Certains élus m’ont demandé de partir plus tôt. S’ils trouvent mon successeur plus tôt, je pars plus tôt. Quand je les ai rencontrés, je leur ai demandé de monter en responsabilité. Je les accompagne jusqu’au 30 juin. En revanche, je ne veux pas nommer mon successeur. 
On a eu deux démissions, Audrey Grassi et Cindy Girot. J’essaye de convaincre les élus de ne pas démissionner pour ne pas avoir de nouvelles élections. 

Justement, au sein même de la majorité, il y a eu des tensions ces derniers mois. Est-ce que ces crises successives ont pu aussi motiver votre décision ? 

TG : Non, ça n’a pas pesé du tout. Pour moi, ça n’est que de la contradiction et du conflit, ça ne me pose pas vraiment problème. S’il fallait retourner au conseil pour me bagarrer, je le ferais. 

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Le conflit n’était pourtant pas que politique à proprement parler. Il allait au-delà d’une confrontation classique entre l’opposition et la majorité…

TG : Oui, l’ambiance est très tendue au sein de la majorité qui n’est plus unie et qui est plurielle. Le défi va être pour eux de trouver mon successeur. C’est pour cela que je ne veux pas le nommer, pour ne pas cristalliser deux camps dans la majorité. 

Des mois de crise et de tensions

Ces derniers mois, de fortes tensions avaient éclaté au sein du conseil municipal villersois. Au-delà des divergences politiques entre la majorité et l'opposition, d'autres ont éclos au sein même de l'équipe de Thierry Granturco.
Une crise liée notamment à l'enquête pour harcèlement moral dont il fait l'objet. Pour rappel, il y aurait au moins « dix victimes », notamment des élus de la majorité, qui reprocheraient au maire des faits de harcèlement moral. L'audience a été reportée et se tiendra le jeudi 26 septembre, à Alençon. 
Autre épisode : le 21 décembre dernier, des élus de la majorité et de l'opposition avaient quitté la salle en début de conseil municipal. Quelques jours plus tôt, quatre élues de la majorité avaient envoyé une lettre ouverte à l'attention des autres conseillers municipaux mentionnant des « propos outrageux » que le maire aurait tenus à leur égard. 
Autre élément de crispation : l'adoption d'une somme allouée à deux postes de coachs sportifs de l'AS Villers Houlgate au compte du Space, en charge des animations de la commune, avait également tendu les débats au sein d'un conseil mouvementé, début janvier. 
Ces derniers temps, la vie politique communale avait aussi été marquée par la démission d'Olivier Guérin, premier adjoint, qui reste élu, mais aussi par des tensions autour de l'ouverture retardée du pôle de santé.

« J’ai des convictions et je me bats pour »

Vous avez annoncé que vous quittiez la politique : c’est définitif ? 

TG : Oui, je suis déçu. Il y a des maires qui vivent à travers leur mandat. De mon côté, j’ai eu une carrière avant et j’en aurai une après. Pour moi, ça aurait dû être un mandat de plaisir. À la Mairie, j’ai eu la même approche et la même méthode que celle que j’emploie dans mon cabinet d’avocat ou comme gérant d’entreprise : on a des objectifs, on se donne des moyens, on forme une équipe pour obtenir le résultat. On se met en marche. Est-ce que c’est un schéma que l’on peut calquer à la politique ? Je n’en suis pas si sûr.
La politique municipale est intellectuellement très décevante. Quand on est avocat, on a l’habitude de la contradiction. Je m’étais dit qu’en politique, on allait essayer de partir de divergences pour aller vers des convergences, via le débat. Ce que je constate c’est que la divergence était presque la raison d’être d’une opposition. Quand cette contradiction devient une opposition systématique, il n’y a pas grand plaisir à mener des projets. En revanche, j’ai pris un grand plaisir, et c’est ce que je retiendrai : la rencontre avec les Villersois. 
Je pense ne pas être fait pour la politique : si on veut faire carrière, il faut être globalement d’accord, ne pas faire trop de vagues. Je ne sais pas faire. J’ai des convictions et quand j’en ai, je vais me battre pour. 

Vous aviez envie de faire bouger Villers. Est-ce que vous regrettez votre manière de faire qui aurait pu être plus douce ?

TG : Je sais qu’on me reproche mon autoritarisme. Je pense que ça n’en est pas, mais c’est de la conviction et de la décision. Dès le départ, j’ai eu des contradictions fortes au sein de ma majorité, ce qui m’a mis dans une situation où j’ai dû trancher. Quand je tranche, certains comprennent et se remettent au travail. D’autres ne l’acceptent pas. Peut-être que l’expérience politique m’aurait appris à mener ces projets un petit peu différemment. 
Si je devais refaire un mandat, un jour, peut-être que je déléguerais plus, je monterais à un niveau plus politique et moins opérationnel. 

Assurerez-vous le conseil municipal très important de ce vendredi ?

TG : Je reste maire, le conseil municipal de vendredi, je l’assume. J’espère être présent, mais pour des raisons personnelles, je ne peux pas encore l’affirmer.

Quel avenir pour le Space ?

Ces derniers temps, plusieurs démissions ont été déposées au sein du conseil d'administration de Space, l'Epic (Établissement public à caractère industriel et commercial) en charge des animations, mais également de la promotion touristique. « J'ai démissionné de la présidence des deux Epic : du Space et du Paléospace, précise Thierry Granturco. Je ne peux pas quitter la Mairie et garder la présidence des Epic ». 
En ce qui concerne le Space, le maire ajoute : « Je pense que cet Epic ne devrait pas être politisé. Aujourd'hui, on a un conseil d'administration de dix élus et les inimitiés au sein du conseil municipal se poursuivaient au sein du conseil d'administration du Space. J'ai conseillé au nouveau directeur général de proposer au conseil municipal un conseil d'administration composé de Villersois, comme c'était déjà le cas il y a un certain temps à Villers-sur-Mer. Cela permet de penser de manière désintéressée à ce que peut être la politique d'animation de la Ville ».
Concernant le conseil d'administration du Paléospace, il conclut : « Je pense qu'il faut simplement me remplacer. Le fonctionnement d'un musée de France en lien avec le Département et la Région, c'est plus compliqué ». 

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