Des « groupes de niveau » aux « groupes de besoins » : de quoi parle-t-on ?

Les groupes de besoins en français et en mathématiques seront mis en place dès la rentrée 2024. Mais, entre les déclarations de Gabriel Attal et celles de Nicole Belloubet, le flou persiste.

Par Sophie Hienard

Nicole Belloubet insiste davantage sur les « compétences » à acquérir que sur le « niveau » des élèves.
Nicole Belloubet insiste davantage sur les « compétences » à acquérir que sur le « niveau » des élèves. © Blondet Eliot / Blondet Eliot/ABACA

Temps de lecture : 3 min

Ne parlez plus de « groupes de niveau » comme Gabriel Attal, mais de « groupes de besoins » comme Nicole Belloubet, qui lui a succédé à la tête du ministère de l'Éducation nationale. Un changement sémantique, mais pas seulement, car, s'il est question de séparer les élèves de sixième et de cinquième en trois groupes pour les matières considérées comme fondamentales – les mathématiques et le français –, deux visions semblaient s'opposer.

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Tout est devenu flou

En décembre 2023, Gabriel Attal, alors ministre de l'Éducation, avait défendu son « choc des savoirs » comme réponse aux mauvais résultats de Pisa, qui évalue la compréhension des élèves des pays de l'OCDE. Outre l'uniforme, le renforcement du redoublement ou le brevet comme examen d'entrée au lycée, il avait promis des groupes à effectifs réduits en français et en mathématiques pour les élèves de sixième et de cinquième. C'est-à-dire la répartition des élèves en trois sections en fonction de leur niveau, et ce, durant toute l'année scolaire.

Une manière, estimait-il, de mettre fin à la « trop forte hétérogénéité de niveaux [qui] freine la capacité à faire progresser tout le monde ». Dès l'annonce de cette mesure, Gabriel Attal avait affronté la colère de l'ensemble des syndicats et les remous au sein de la profession. Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, avait ainsi affirmé sur France Info : « [Les groupes de niveau] heurtent fondamentalement notre identité de professeur : nous n'avons pas choisi d'être professeurs pour trier les élèves […] mais pour les faire tous réussir. » La mesure n'a, en outre, pas prouvé son efficacité, selon plusieurs études.

À LIRE AUSSI Éducation nationale : les pastilles rouges de Nicole BelloubetL'actuelle ministre de l'Éducation a, quant à elle, inclus plus de souplesse à cette mesure arborant un nouveau vocable : « groupes de besoins ». Nicole Belloubet insiste davantage sur les « compétences » à acquérir que sur le « niveau » des élèves.

Des groupes flexibles

Dans les textes officiels publiés dimanche 17 mars, soit quatre mois après les premières annonces, il est donc question de groupes « constitués en fonction des besoins des élèves, identifiés par les professeurs ». Pour autant, le fonctionnement semble reposer sur une répartition par niveau puisqu'il s'agit de rassembler les élèves « le plus en difficulté » dans des « effectifs réduits » en français et en mathématiques.

Une concession reste faite aux enseignants et aux chefs d'établissement, car les groupes ne seront pas « figés toute l'année ». Dans le Journal officiel, il est en effet précisé que « par dérogation, et afin de garantir la cohérence des progressions pédagogiques des différents groupes, les élèves peuvent être, pour une ou plusieurs périodes, une à dix semaines dans l'année, regroupés conformément à leur classe de référence pour ces enseignements ».

L'inflexion s'observe aussi dans les récentes déclarations de la ministre. Nicole Belloubet martèle sur France Inter ce mardi 26 mars qu'elle ne souhaite pas qu'il y ait « les plus aisés qui soient toujours dans le même groupe et les moins bons qui soient toujours dans le même groupe ». « Il s'agit de prendre les élèves au plus près de leurs besoins et d'installer une stratégie différenciée, détaille-t-elle. Il n'y a pas de tri. Je refuse le tri social des élèves. »

Une réponse à la pétition lancée par l'intersyndicale (FSU, Unsa, FO, SGEN-CFDT, CGT Éduc'action et Sud), qui dénonce un plan qui « va immanquablement accentuer les inégalités scolaires », « au détriment des élèves les plus fragiles et socialement défavorisés ». Le Snes-FSU et Sud appellent d'ailleurs à une « grève massive » le 2 avril prochain pour, entre autres, l'abandon des mesures « choc des savoirs ».

Avec quel argent ?

Au-delà de la répartition des élèves, c'est aussi la question des moyens qui se pose. Le ministère assure que 2 330 postes seront débloqués, dont 830 créations, pour la mise en place de cette réforme. Un chiffre qui paraît peu élevé au regard des 6 980 collèges en France. Et qui soulève aussi le problème de l'attractivité du métier d'enseignant alors que le ministère semble faire de plus en plus appel à des contractuels.

La mesure est d'autant plus périlleuse à mettre en œuvre que les comptes publics sont en mauvaise posture. Jusqu'ici, le ministère de l'Éducation nationale avait été relativement épargné par le plan d'économies de 10 milliards d'euros en étant prélevé de 692 millions d'euros (soit 0,8 % de son budget annuel). Mais rien n'est moins sûr pour la suite. La Cour des comptes estime qu'il reste encore 50 milliards d'économies à trouver.

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Commentaires (13)

  • 61point

    Ou le casse-tête de tout enseignant. L'individualisation de l'eleve au centre combinee a l'individualisme forcené de tout le monde occidental au nom des libertes qui s'opposent a la liberte a cree une complexite que plus personne ne sait gerer convenablement. Entre les cultures differenciees, les envies les motivations les organisations matérielles les exigences des programmes l'investissement des enseignants, les croyances les desinformations, les parents consommateurs il y a... La "pedagogie differenciee" apparue dans les annees 90 ou on parlait deja de groupes de niveau et de groupes de besoins terminologie investiguee dans les concours de recrutement que j'ai bien connus.
    en conclusion pas de rupture ni de choc mais une continuite qui conduit malheureusement au corps en saignant.

  • P'tit-Loup

    Des groupes de niveaux, (?) sans salafistes et sans frérots, ?... C'est possible à l'E. N. ?

  • bison innoffensif

    Belloubet : l'Attila de l'EN. Où elle passe, la culture trépasse... Et ne repousse pas.