Jeux Olympiques | Paris 2024 | "La maladie du pipi de rat", de la psychose à la réalité de la Seine

Julien Pereira

Mis à jour 27/03/2024 à 12:09 GMT+1

Son surnom est parfois utilisé pour faire peur. La "maladie du pipi de rat", scientifiquement appelée "leptospirose", est une infection dont la bactérie est sécrétée dans les urines des rongeurs parfois rejetées dans la Seine avec les eaux usées. Mais est-elle un danger pour les athlètes qui se jetteront dans le fleuve aux JO de Paris 2024 ? Réponse dans le troisième épisode de notre série.

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Cet été, ils seront là, par centaines de milliers, à squatter les parcs publics, manger des produits industriels aux yeux de tous, uriner un peu partout. "Ils", ce sont les rats, dont la population s'est multipliée à Paris ces dernières années. Leur (omni)présence engendre évidemment un problème d'image, pour l'attractivité de la capitale en général, pour les organisateurs des Jeux Olympiques de Paris 2024 en particulier.
Mais représente-t-elle un risque, également, pour la santé des acteurs ? La question se pose notamment pour les nageurs en eau libre et les triathlètes, qui devront se jeter dans la Seine. Car les rats et les rongeurs sont les réservoirs de bactéries appelées leptospires. "Ils sécrètent ces bactéries dans leur urine, nous explique Mathieu Picardeau, biologiste et directeur du Centre National de référence de la leptospirose à l'institut Pasteur. Lorsque cette bactérie se retrouve dans l'environnement, elle peut être transmise à l'homme. Lorsqu'elle est dans un environnement humide, notamment les cours d'eau et les eaux douces, elle peut survivre plusieurs jours à plusieurs semaines."

La leptospirose peut entraîner des cas graves

Les leptospires sont les agents pathogènes de la leptospirose, une infection pouvant entraîner des épisodes de fièvre, d'insuffisance pulmonaire et rénale voire, dans le pire des cas, la mort. Depuis plusieurs semaines, l'île de la Réunion est touchée par une épidémie de cette même maladie. 99 cas y ont été recensés et l'ARS (Agence régionale de santé) a également fait état d'un décès lié à la leptospirose. En 2018, un triathlète de 44 ans avait perdu la vie, à Libourne, après avoir contracté la "maladie du rat".
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"La maladie du pipi de rat" : psychose ou réalité ?

Crédit: Quentin Guichard

Durant les Jeux Olympiques, la qualité de l'eau de la Seine sera surveillée de près et certains seuils, fixés par une directive du Parlement européen, ne devront pas être dépassés afin que les épreuves puissent s'y dérouler normalement. Mais ces normes ne concernent que les escherichia coli et entérocoques, d'autres bactéries pouvant entraîner d'autres symptômes. Pour les leptospires, c'est différent.
"Nous n'avons pas de seuil car cela n'existe pas, souligne l'expert de l'institut Pasteur. Nous ne disposons pas de données expérimentales nous permettant d'affirmer avec certitude que le risque de contamination est trop important au-delà d'un certain niveau. Il y a quelques années, des études ont été menées dans la Seine avec Eau de Paris. Des leptospires pathogènes ont été détectées le long du fleuve. Elles sont présentes mais il est difficile de faire une interprétation scientifique en fonction de la quantité."
Impossible donc, d'écarter totalement ce risque, en particulier pour les nageurs. "Il y a des cas de personnes qui attrapent la leptospirose même si elles portent des combinaisons, indique Mathieu Picardeau. Il suffit d'une petite porte d'entrée, une lésion de la peau ou au niveau des muqueuses pour qu'il y ait contamination." Le danger pourrait être multiplié en cas de fortes pluies. Mais celles-ci engendreraient, de toute façon, un très probable report, voire une annulation, des épreuves lors des JO de Paris 2024.

Pas plus de risques dans la Seine qu'ailleurs ?

Malgré cela, la bactérie n'effraie pas les athlètes. "On a la chance qu'il y ait plus de contrôles maintenant, nous a confié Dorian Coninx, champion du monde de triathlon. On met moins nos saisons et mêmes nos vies en danger à cause des eaux. Avant, ce n'était pas le cas. Dans le passé, j'ai fait plusieurs compétitions dans la Seine et à chaque fois, plein de gars ont été malades. Simplement, il n'y avait pas toutes les mesures qu'il y a aujourd'hui, notamment sur le taux d'escherichia coli, qui reste le taux qui pose le plus de problème."
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La leptospirose, elle, inquiète finalement moins puisque des moyens existent pour se prémunir, notamment en utilisant des pansements résistants à l'eau pour boucher les lésions, mais aussi pour se soigner. "C'est une bactérie pour laquelle il n'y aura pas de résistance antibiotique, souligne l'expert de l'institut Pasteur. Donc, si le diagnostic est réalisé à temps, on donne un traitement d'une semaine et on est sûr d'en guérir à 100%. Les personnes qui y sont sensibilisées, comme ces athlètes, le savent. S'ils ont une forte fièvre, des courbatures, un syndrome grippal sept à dix jours après s'être baignés, ils peuvent éviter les formes graves."
En France, il existe même un vaccin qui avait été développé dans les années 1970 et 1980 pour protéger les égoutiers de Paris. Mais celui-ci, assez lourd et surtout efficace contre les formes les plus sévères, est globalement boudé par les athlètes. "Ils connaissent le risque et sont assez sensibilisés sur le sujet, estime Mathieu Picardeau. Et il n'y a pas plus de risques d'attraper la leptospirose dans la Seine que dans n'importe quel autre cours d'eau ou fleuve en Europe ou à travers le monde."
"On nage souvent dans des grandes villes, avec des qualités d'eau un peu douteuses, avance Dorian Coninx. Avant la course à Rio, on a entendu parler de la qualité de l'eau pendant deux ans. À Tokyo, aussi." Au Brésil, en 2016, une enquête d'Associated Press avait révélé que la qualité de l'eau de la baie de Guanabara était équivalente à celle des égouts, un an avant le début des Jeux. Une situation incomparable avec celle de la Seine huit ans plus tard, même si une grande partie des épreuves tests avait été annulée l'été dernier. "Ça ne sert à rien de trop s'exciter sur le sujet, glisse le triathlète de 30 ans. [...] On prend nos dispositions." Preuve que la psychose qui a fleuri chez certains réticents n'a pas affecté tous les principaux concernés.
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(Visuels : Quentin Guichard)
Retrouvez tous les épisodes de notre série consacrée aux épreuves et à la baignade dans la Seine :
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