Freeze Corleone, le feuilleton d’une journée agitée... |
Après une première interdiction le 1er décembre, le rappeur Freeze Coleone est à nouveau privé de concert au Zénith de Nantes, ce mercredi 28 février. Le juge des référés a confirmé l’arrêté du préfet.
Mercredi 28 février, 11 h. C’est une figure marquante du rap français. Adulée par les uns, détestée par les autres. Le rappeur Freeze Corleone a l’habitude de faire les gros titres. Pourtant, en ce mercredi matin, alors que va se sceller ou non l’interdiction de son concert nantais, pas grand monde dans la salle du tribunal administratif de Nantes. Même ses avocats sont absents (1). Seules cinq personnes assises au fond pour écouter le juge des référés qui examine en urgence la requête des conseils du rappeur.
Ceux-ci contestent l’arrêté du préfet de Loire-Atlantique qui interdit le concert de ce mercredi soir. Ils mettent en avant une atteinte à la liberté d’expression, de réunion et d’entreprendre. Et réfutent « que certains de ses titres contiennent des propos haineux contre la communauté juive ou une complaisance à l’égard du terrorisme ou du troisième Reich ».
Au tour de la directrice de cabinet du préfet d’exposer les arguments qui ont conduit Fabrice Rigoulet-Roze à dire non, une deuxième fois, au concert du rappeur à Nantes. Comme le 1er décembre dernier, il s’agit de prévenir les risques « de troubles à l’ordre public », avec « une mesure administrative préventive, pour empêcher des propos constitutifs d’une infraction pénale ou de nature à porter atteinte à la dignité de la personne humaine ».
L’arrêté préfectoral cite le dernier album de Freeze Corleone et la chanson Haaland, qui a entraîné, à Nice, samedi 10 février, l’ouverture d’une enquête préliminaire « pour apologie de terrorisme ». Depuis, tous les concerts du rappeur ont été interdits : à Lille, Lyon et Toulouse.
13 h 30. Après un court délibéré, la décision est rendue : le juge des référés rejette la requête de l’artiste. Dans son ordonnance, il mentionne « le contexte tendu à l’égard de la communauté juive en France et en Loire-Atlantique, où neuf actes antisémites ou appelant à la haine » ont été signalés au procureur de la République depuis l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre.
Jules, Fabien, Elouan, trois lycéens dépités devant un Zénith fermé. Ils étaient venus de Quimper voir Freeze Corleone. Ouest-France
19 h. Pas l’ombre d’un spectateur au pied du Zénith de Nantes qui baigne, tous feux éteints, dans la pénombre. Quittant la passerelle qui enjambe le périph, trois silhouettes juvéniles s’approchent. Visages dépités, Jules, Fabien et Elouan ne cachent pas leur déception. « On est encore venus pour rien. Le 1er décembre, on était là, ça commence à faire beaucoup », pestent les lycéens.
Partis de Quimper ce mercredi matin, les trois copains ont déjà englouti chacun 180 € (train et hôtel), en comptant décembre. « Le prochain concert est reporté en 2025. L’un de nous aura sûrement le permis. On pourra venir en voiture », tentent-ils de se consoler. Car il n’est pas question de renoncer à Corleone. « On veut le voir sur scène. Y a pas que sa musique qu’on aime. Il y a sa façon d’être. Et puis si on vient, c’est aussi pour l’ambiance », explique les trois amis qui s’étaient pris une place à 40 € en fosse.
« Dégoûtés »
Une jeune fille passe en courant, aborde les Quimpérois. « C’est bien annulé, hein ? Je voulais juste vérifier », lance-t-elle avant de filer dans la nuit. Un petit groupe s’avance. Eux viennent d’encore plus loin, Bourges. Âgés de 16 à 18 ans, ils sont lycéens, apprentis, étudiants. Ont déjà fait chou blanc en décembre. Ils ont fait le calcul. Ils ont dépensé 1 000 € pour… pas grand-chose. « On est dégoûtés », résume l’un d’eux.
L’interdiction qui frappe les concerts du rappeur ? Injuste, selon Kylian, 18 ans. « Ses propos peuvent paraître douteux. Mais quand on les réécoute, ce n’est pas ce qu’on croit. Corleone est puni alors que d’autres disent des choses bien plus graves », déplore l’étudiant en droit. « Soit il n’a pas dit ce qu’on lui reproche, soit c’est déformé, mal interprété, abonde Ryan, 18 ans. Au nom de la liberté d’expression, on n’a pas le droit de le condamner. »
(1) Contacté, le cabinet d’avocats n’a pas donné suite à notre demande d’entretien.