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Attentat de Moscou : l'autre guerre (mondiale)

DJIHAD. L’attaque de Moscou a été revendiquée par l’État islamique. Elle démontre les capacités de projection des terroristes. Une menace mondiale.

Raphaël Stainville
22 mars 2024, le Crocus City Hall, en périphérie de Moscou.
22 mars 2024, le Crocus City Hall, en périphérie de Moscou. © AFP

Vladimir Poutine n’y a pas cru. Alors que, dès le 7 mars, l’ambassade américaine publie à destination de ses ressortissants une alerte de sécurité pour les enjoindre à éviter les grands rassemblements à Moscou. Le président russe balaie cet avertissement. Il veut y voir un « chantage évident », une tentative de déstabilisation, un élément de propagande. C’est ce qu’il soutient devant le bureau du FSB, le service de renseignement intérieur russe pas plus tard que mardi dernier.

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Le renseignement américain a pourtant vu juste. Il craignait que des éléments de l’État islamique au Khorasan (EI-K), la branche afghane du groupe terroriste, ne planifient une attaque dans la capitale russe et puissent viser « y compris des concerts ». Vendredi à 20 heures, cette menace est devenue une réalité sanglante alors qu’un commando armé, les visages dissimulés par des cagoules, pénètre dans le Crocus City Hall, une salle de concert de Krasnogorsk, en périphérie de Moscou, et ouvre le feu sur les spectateurs qui avaient pris place pour assister, à guichets fermés, au concert de Piknik, un antique groupe de rock soviétique qui se faisait fort, dans la promotion de leur soirée, de chanter pour la première fois Rien, n’aie peur de rien, leur dernière chanson.

Les flammes achèvent leur crime. L'enfer !

Plus de 6 000 personnes sont prises au piège du Crocus. Certains se réfugient sous leur fauteuil, tentent d’échapper aux rafales, s’abritent derrière des pylônes en même temps qu’ils filment l’horreur. Pendant dix à quinze minutes, les assaillants, au nombre de quatre, abattent à bout portant tous ceux qui leur font face. D’autres parviennent à fuir au milieu des cris et des détonations. Les terroristes mettent le feu à l’enceinte avant de battre en retraite et de prendre la fuite. Les flammes achèvent leur crime. L’enfer. À l’heure des décomptes macabres, les autorités russes dénombreront au lendemain de l’attaque terroriste 133 morts. Et des centaines de blessés.

Mais vendredi soir, les spéculations vont bon train sur l’identité des terroristes et les commanditaires de cette attaque. Moscou vise l’Ukraine. Kiev accuse le FSB d’être à la manœuvre. « L’attentat terroriste de Moscou est une provocation planifiée et délibérée des services spéciaux russes sur ordre de Poutine », affirme le renseignement militaire ukrainien. En France, sur les plateaux de télévision, chacun y va de ses explications et de ses hypothèses. Rares sont ceux qui révèlent que le mode opératoire est celui de l’État islamique. Un Bataclan bis.

Claude Moniquet, ancien de la DGSE et consultant pour CNews, est l’un des premiers à évoquer cette piste. Mais la revendication par l’État islamique de sa responsabilité dans un communiqué publié sur Telegram par Amaq, son agence de propagande, ne change rien à l’affaire. Le doute, les soupçons subsistent. Comme si le djihad mondial n’était qu’une péripétie, un détail insignifiant au milieu de la guerre que livre la Russie à l’Ukraine depuis plus de deux ans.

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Comme si le monde s’obstinait à ne pas voir qu’en dépit de la chute de Raqqa, capitale autoproclamée de l’État islamique en octobre 2017, l’organisation terroriste, quoique amoindrie, n’en était pas moins une menace persistante. À commencer par Moscou. Et pourtant, la guerre en Tchétchénie, la participation des Russes aux côtés de Bachar al-Assad à la lutte contre les djihadistes d’Al-Nosra et ceux de l’État islamique étaient autant de raisons d’un ressentiment, d’une « dette de sang », comme devait l’expliquer Wassim Nasr, spécialiste du djihadisme, sur France info.

Vladimir Poutine, dans son allocution solennelle à ses compatriotes hier, se garde bien de mentionner l’État islamique. En revanche, il souligne que les onze personnes que ses services ont arrêtées se dirigeaient vers l’Ukraine où un point de passage leur avait été aménagé. La nationalité des terroristes ? Tadjiks pour cinq d’entre eux. Passée par perte et profit. Seul le commanditaire qu’il s’est choisi semble devoir aiguiser sa colère. Sur les réseaux sociaux et les boucles Telegram, la rumeur se répand que les tueurs auraient été recrutés par l’intermédiaire de l’ambassade d’Ukraine au Tadjikistan. « Un ordre d’embauche » aurait même été publié sur le site de l’ambassade.

C’est oublier surtout que cette petite république de l’Asie centrale a été l’une des plus pourvoyeuses en combattants de l’État islamique en Syrie. Signe de l’activité nouvelle de ces ressortissants, la France a déjoué l’an passé trois projets d’attentat impliquant des Tadjiks, confirmant le risque d’attaque projetée de l’État islamique au Khorasan (EIK). Confirmant surtout l’étendue de cette véritable guerre mondiale.

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