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"Je viens pour apprendre et transmettre" : l'ex-président de la République François Hollande était à Châteaudun


Visite François Hollande à Châteaudun Play play
L’ancien chef de l’État François Hollande a passé une partie de la journée de mardi 26 mars à Châteaudun. Il a accordé une interview exclusive à L’Écho Républicain après avoir échangé avec des lycéens d'Émile-Zola. Sa nouvelle popularité et la présidentielle de 2027 ont notamment été abordées.

Vous êtes le troisième président de la République à venir à Châteaudun depuis 1965 et le deuxième en moins de quatre mois.  Connaissiez-vous déjà Châteaudun ? 

Oui, je connaissais Châteaudun en tant que citoyen. Mes parents avaient une maison à Anet, en Eure-et-Loir, et je suis venu à Châteaudun mais c'est la première fois que je viens officiellement. Je ne suis même pas sûr que j'ai pu y faire une réunion en tant que premier secrétaire du Parti socialiste sinon vous me l'auriez dit ! Il est vrai aussi que les municipalités qui se sont succédé à Châteaudun n'étaient pas favorables à la gauche ! 

On dit que "Châteaudun est "une ville miroir" parce que ses électeurs votent comme la France et lors de la présidentielle de 2012, ils se sont prononcés à 50,55 % pour vous... Ce n'est pas un miroir déformant alors (rires). 

François Hollande passe une partie de la journée à Châteaudun

Que retenez-vous de vos huit heures passées à Châteaudun ? 

J'ai  été maire de Tulle (Corrèze) de 2001 à 2008 et ce qui m'intéressait, c'est de voir ce qu'une ville moyenne peut avoir d'excellence. C'est ça que l'on doit mettre dans l'esprit de chacun. Ce n'est pas la taille d'une ville, c'est la situation qu'elle peut éventuellement se créer pour elle-même qui est intéressante. C'est dur pour une ville de 10.000-15.000 habitants d'avoir des services centraux, de vivre des mutations industrielles et en l'occurence des fermetures de sites. Ce qui m'intéresse, c'est de voir comment une population, des élus, face à ces évenements qui ont pu un moment les contraindre, sont capables de trouver un chemin, de donner un espoir, de réaliser un certain nombre d'équipements ou d'initiatives et de promouvoir une ville. Ces villes moyennes, ces villes sous-préfectures comme l'appelle le maire de Châteaudun, ne sont pas nécessairement connues. On ne sait même pas comment les placer sur une carte. L'Eure-et-Loir et Châteaudun en particulier étaient appelées dans les années 70 des villes de résidences secondaires. 

C'est toujours un peu le cas...

Oui mais ce n'est pas ça que l'on veut. C'est bien qu'il y ait des gens qui viennent le week-end mais ce qu'il faut, c'est que l'on arrive à trouver un avenir pour ceux qui vivent là et qui se sentent souvent un peu éloignés, surtout quand les transports ne sont pas les plus directs.

L’ancien président de la République François Hollande a pris des photos avec des lycéens d'Émile-Zola ce mardi 26 mars à l'occasion de son déplacement à Châteaudun.
C'est pour cette raison que vous êtes venus en voiture et non en train ? Vous auriez pu aussi venir en avion...

La reconversion de l'ancienne base aérienne m'intéresse beaucoup. Soit on en fait un musée - c'est déjà le cas -  soit on en fait une zone où il y aura des activités nouvelles et c'est tout le pari. Il faut garder la partie aéronautique. On peut sans doute y mettre autre chose compte tenu de l'espace. Quand on sait que l'on aura des contraintes foncières de plus en plus resserrées, cette offre disponible est une chance. 

Nicolas Sarkozy a retrouvé "comme une famille" lors de sa séance de dédicace à Châteaudun

Avez-vous connu le maire de Châteaudun, Fabien Verdier, quand il était au PS ? 

Non, je ne l'ai pas connu mais peut-être que lui m'a connu. Il était dans un cabinet ministériel quand j'étais président.

Est-ce que vous saviez qu'il voulait vous succéder en 2017 ? Il avait tenté de se présenter en 2016 à la primaire de la gauche mais n'avait finalement pas été retenu. 

Non, je ne le savais mais comme je n'étais pas candidat, ça ne me gênait pas ! 

François Hollande n'est plus au pouvoir, mais continue d'être poursuivi par la malédiction de la pluie qui l'a frappé pendant son quinquennat (2012-2017). Son déplacement ce mardi 26 mars à Châteaudun s'est déroulé sous la pluie.

Serez-vous candidat à l'élection présidentielle de 2027 ? 

Je ne me pose pas cette question pour le moment (rires). 

Mais d'autres la posent pour vous. Notamment Jean-Christophe Cambadélis, l'ancien premier secrétaire du PS, qui a dit que "la petite musique du pourquoi pas est en train de naître". Un de vos proches a même confié que "ce n'est pas George Clooney ni l'Apollon du Belvédère, mais le charme opère". Vous savez qui c'est ?

Non, je ne sais pas mais je suis déçu. Je pensais que j'étais au même niveau que George Clooney ! Mais sa phrase dans la célèbre publicité pour un café, c'est "What else ?" qui signifie "Quoi d'autre ?" ou "Que peux-t-on dire de plus ? C'est un bon slogan quand même !

Interrogé sur la candidature de Châteaudun pour accueillir le nouveau stade du PSG, vous avez dit aux lycéens de Zola que tout est possible. Il est possible que vous reveniez dans la course à l'Elysée ?

J'ai déjà été président donc je n'ai pas besoin de nourrir cette ambition comme si elle était finalement mon obsession. C'est très différent d'avoir été président et ne pas l'avoir été. 

La ville de Châteaudun est candidate pour accueillir le futur stade du PSG : de "nombreux atouts" et des faiblesses

Ça ne vous manque pas ? 

Non, sinon je me serais représenté à tout prix en 2017. Ce qui manque, c'est de prendre des décisions dans un certain nombre de situations. 

Vous n'avez peut-être pas envie non plus de faire la même erreur que Nicolas Sarkozy qui a été éliminé dès le premier tour  de la primaire de la primaire de la droite et du centre en novembre 2016 ...

Aucun ancien président n'a réussi. Ce que j'essaie de dire, c'est que bien sûr que l'on parle toujours des personnes mais aujourd'hui, le problème de la gauche, ce n'est pas tant les personnes - il en existe toujours des personnes - mais c'est  l'absence d'une force politique dominante qu'est le Parti socialiste et qui permet d'emmener toute la gauche. Les victoires se sont toujours construites comme ça à gauche. A droite, c'est un peu différent. Il y a toujours un lien très fort avec une personne et la tradition gaulliste demeure, même si cela peut amener à des divisions quelque fois. Je crois que la première condition pour toute candidature sérieuse - et je ne parle pas du tout de moi -,  c'est reconstruire la force politique. S'il n'y a pas cette force politique, les ambitions sont possibles mais n'aboutiront pas. 

L’ancien président de la République François Hollande s'est rendu à l'école Jean-Macé ce mardi 26 mars à l'occasion de son déplacement à Châteaudun.

Vous avez dit qu'en 2027, les plus jeunes devront prendre leurs responsabilités qui les attendent et les plus sages, les plus anciens devront donner cette solidarité. Vous pourriez soutenir Raphaël Glucksmann qui est déjà porté par d'encourageants sondages pour les européennes ?

Je le soutiens pour les européennes. Il ne faut pas faire jouer une élection à la place d'une autre. Il monte pour ces élections européennes et c'est bien, mais il faut avoir une expérience et une force politique pour l'élection présidentielle. Ce n'est pas si simple de devenir candidat et même président. 

Fabien Verdier, maire (SE) de Châteaudun, prend la tête du Mouvement pour le développement des villes sous-préfectures

Si Fabien Verdier se présente à la prochaine élection présidentielle avec son Mouvement pour le développement des villes sous-préfectures, le soutiendriez-vous ? 

S'il n'est candidat que pour les villes sous-préfectures, je crains que sa candidature ne connaisse pas un grand succès. On n'est pas candidat pour une ville. On est candidat pour le pays. On doit s'adresser à toutes les composantes du pays, c'est-à-dire les petites villes, les villes moyennes, les espaces ruraux...Si j'ai un conseil à lui donner, c'est qu'il ne faut pas dire "je vais faire pour la France ce que j'ai fait pour la ville". J'ai été maire, président de département... On peut avoir des idées parce qu'on a eu une expérience locale mais être candidat à la présidence de la République, c'est d'arriver à forger un projet qui va rassembler des gens qui sont très différents dans des endroits différents. Pour gagner une élection présidentielle, il y a plein de conditions et l'une des plus importantes est de trouver le bon thème. Nicolas Sarkozy avait trouvé le bon thème avec le travail. Moi, j'ai trouvé la jeunesse et c'est sans doute le bon thème. Jacques Chirac avait trouvé la fracture sociale et il avait santi que c'était la première urgence. 

L’ancien président de la République François Hollande a "planté" un arbre à l'école Jean-Macé ce mardi 26 mars à l'occasion de son déplacement à Châteaudun.

En 2017, vous aviez réfléchi à un slogan de campagne si vous vous étiez représenté et c'était "Tout compte fait ce n'était pas si mal". Il pourrait aussi être réutilisé pour 2027... 

Oui, mais ça suffit pas. C'est pas mal pour un président sortant qui veut se représenter pour qu'on le laisser continuer. Là, ça me donne un crédit. Les gens me demandent ce que je regrette et je leur réponds "Oui, on peut toujours regretter". La baisse du chômage, on l'a réussie finalement. Mais on ne peut pas refaire ce que l'on n'a pas fait ou mal fait. Il faut toujours faire avec l'expérience d'avant. C'est ça qui compte. 

Vous multipliez les déplacements sur le terrain. C'est pour tester votre popularité ? 
Non, c'est d'abord pour apprendre. On apprend toujours. Venir à Châteaudun, c'est utile de voir ce qu'il se fait, de voir les difficultés ou au contraire les réussites. C'est vraiment précieux pour moi. Je viens aussi pour transmettre. C'est ce que j'aime faire et je trouve que c'est mon devoir. 

Le projet de centrale photovoltaïque sur l'ancienne base aérienne de Châteaudun retenu par le ministère de la Transition énergétique

Vous avez fini votre quinquennat très impopulaire et, aujourd'hui, vous êtes devenus la troisième personnalité politique préférée des Français et même la première à gauche. Cela vous touche ? 

Ce n'est pas désagréable mais je sais ce que c'est que la popularité ou l'impopularité. L'impopularité, ce n'est pas que les gens vous rejettent, c'est qu'ils estiment qu'ils ne sont pas satisfaits. La popularité, ce n'est pas qu'ils vont voter pour vous, c'est qu'ils vous trouvent finalement ouvert, sympathique, utile peut-être. Le vote, c'est autre chose. C'est un acte, pensé quelque fois quand même, mais qui correspond à une décision. Ce n'est pas la même chose. Est-ce que vous le trouvez sympathique ou vous allez votre pour lui ? Ce n'est pas pareil. 

 François Hollande a déjeuné ce mardi 26 mars au restaurant Le Vésuve, à Châteaudun, en compagnie du maire (SE) Fabien Verdier. L’ancien président de la République a pris le temps de saluer toute l’équipe (Photo : Frédéric Levent) et les clients avant de commander.
C'est aussi plus facile d'être populaire après que pendant son quinquennat...

Bien sûr. Les gens ont pu réévaluer ce que j'avais fait. J'avais notamment défini une conception de la présidence : la présidence normale. Aujourd'hui, ils savent ce que cela veut dire : être capable de maîtriser, être proche... 

Ce n'est pas le cas de votre successeur ? 

Ce n'était pas le cas non plus de mon prédécesseur ! Il faut trouver son style et c'est très difficile pour un président d'avoir à la fois la hauteur nécessaire et la simplicité indispensable pour que les gens pensent que vous vivez comme eux. Ils ne pensent pas que vous vivez comme eux. Il faut leur montrer que vous êtes au milieu du pays. C'est très difficile pour un président. 

Propos recueillis par Frédéric Levent


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