Un drame humain qui braque aussi les projecteurs sur ceux de l’isolement et de la solitude. Mercredi 20 mars 2024, un homme né en 1969 a été retrouvé pendu dans un appartement des Jardins du Launay, logements HLM du quartier de Kerfraval, à Morlaix. Selon la police, le cadavre était ici depuis « au moins deux ans », sans que famille, voisin ou propriétaire ne se manifestent.
« C’est un sujet qui nous chamboule énormément. Quand on est dans le logement social, c’est aussi pour des raisons éthiques et des valeurs sociales que l’on porte tous », souligne d’emblée Sophie Gougeon, directrice de la communication d’Aiguillon Constructions, bailleur social de cette résidence morlaisienne qui abrite 214 locataires.
Aucun impayé depuis neuf ans
La victime, locataire chez Aiguillon Constructions depuis 2015, « n’avait aucun impayé chez nous depuis le début », poursuit Sophie Gougeon. Bénéficiaire de la Caisse d’allocations familiales (CAF) et une allocation complémentaire englobant la totalité de son loyer, l’homme n’avait aucun reste à charge à verser à son bailleur social.
Deux ans durant donc, ses loyers ont été prélevés sans qu’aucune dette ni anomalie ne soient détectées. « À l’inverse, à partir de quelques euros de dette de loyer, on va en voir les personnes physiquement. On a des conseillers sociaux et recouvrement qui vont à domicile, relève la directrice de la communication. Ils essaient alors de trouver des solutions d’étalement de dette, d’apurement… » Ce qui n’était donc pas nécessaire ici.
Aucune « sollicitation technique » depuis 2015
Au-delà de cette relation contractuelle, le bailleur entretient également le logement. Et peut donc, à cette occasion, rencontrer physiquement le locataire. Et Sophie Gougeon de préciser : « Quand il y a une fuite dans un logement, un matériel en panne… Depuis 2015 [et son arrivée dans le logement], nous n’avions eu aucune demande technique de la part de ce monsieur. Aucune sollicitation. »
Aucune participation aux événements entre voisins
Si les canaux institutionnels n’ont pas permis, deux ans durant, de révéler cette situation, qu’en est-il des voisins ? Si c’est bel et bien l’un d’eux qui a fini par donner l’alerte, le bailleur se donne pour mission de favoriser le lien dans ses résidences : « On a une autre mission complémentaire qui est d’accompagner le parcours résidentiel en organisant des animations, en aidant des initiatives qui créent du lien. »
Le bailleur, via son pôle social, pousse à ces animations. « Il y a un collectif d’habitants assez dynamique aussi. Très régulièrement, au moins trois fois par an, des ateliers de rencontre ou des animations sont organisés pendant Noël ou Halloween par exemple », poursuit Sophie Gougeon. Un moyen pour le bailleur de limiter les conflits de voisinage, mais aussi de « lutter contre l’isolement ». « C’est ce qui est organisé aux Jardins du Launay », explique-t-elle.
Mais ce locataire « ne s’est jamais rendu une seule fois à ce type d’initiative. Et on ne peut qu’inciter, pas forcer les locataires à créer du lien entre eux. La sphère privée, on la respecte. » Dès lors, le bailleur, qui s’est doté il y a deux ans d’une ligne d’écoute proposant entre autres un soutien psychologique, ajoute : « Je ne vois pas ce qu’on aurait pu faire de plus. On fait le focus sur le bailleur, mais on est tous responsables, on est tous acteurs. »
Un cas pas si rare
Ce cas isolé, où aucun indicateur alarmant n’est relevé par le bailleur, n’est malheureusement pas inédit, Aiguillon Constructions logeant dans l’Ouest de la France près de « 36 000 locataires dans plus de 20 000 logements ». « On est parfois confronté à des difficultés d’isolement… »
Puis Sophie Gougeon d’estimer : « Et à des cas similaires une fois par an ou une fois tous les deux ans. » Et d’ajouter : « Cette histoire révèle de vrais enjeux de société. Il y a des dispositifs d’écoute, d’accompagnement de proximité. Mais on ne peut pas forcer les gens, il faut plutôt les encourager à venir les utiliser et à demander de l’aide. »