Départ en vacances et grève à la SNCF, le refrain est connu. Le trafic SNCF reste très perturbé, samedi 19 octobre, au lendemain de la décision des certains contrôleurs et conducteurs à cesser le travail, après l’accident de train survenu dans les Ardennes, mercredi 16 octobre, qui a fait 11 blessés. Ils affirment exercer leur « droit de retrait ».

1/Quelles sont les perturbations en cours ?

Sur le réseau Transilien, le service devait être très ralenti toute la journée sur les lignes B et D, ainsi que les lignes H et R. Il serait normal sur les autres.

Selon la direction, la circulation est « très perturbée » sur les TER, avec un train sur deux en moyenne, mais avec disparités importantes selon les régions. Il n’y a « quasiment aucun train » en Auvergne, tandis qu’en Rhône-Alpes, la « tendance » est de 1 TER sur 2.

La SNCF annonce également un service « très perturbé » sur les Intercités. Elle prévoit 9 TGV sur 10 pour le Sud-Est (Lyon, Marseille, Nice, Montpellier) et Atlantique-Ouest (Rennes, Nantes, Bordeaux). Le trafic est annoncé comme normal dans le Nord et l’Est. En revanche, aucun train low cost Ouigo ne circulera dans cette journée de samedi.

L’entreprise a tenu à préciser que les échanges et remboursements sont possibles sans frais pour les billets TGV, Ouigo et Intercités.

2/Que c’est-il passé pour en arriver là ?

Tout est parti de l’accident survenu entre Charleville-Mézières et Reims dans la soirée de mercredi. Un TER a percuté un convoi routier exceptionnel coincé sur un passage à niveau à Saint-Pierre-sur-Vence (Ardennes). Onze personnes ont été touchées, dont certains ont dû être hospitalisés. Le conducteur, blessé et choqué, « a dû porter secours aux passagers car c’était le seul agent SNCF à bord ! », a déploré dans un communiqué SUD-Rail.

Dès jeudi matin, des agents de conduite et des contrôleurs ont fait valoir leur droit de retrait, à la prise de service. Depuis le mouvement a pris de l’ampleur, dans un contexte social déjà tendu à la SNCF.

Sud-Rail, la CGT-Cheminots, FO-Cheminots et la Fgaac-CFDT, contestent le mode d’exploitation « équipement agent seul », qui permet de faire circuler des trains sans contrôleur, évoquant des risques de sécurité pour les voyageurs, alors que selon la direction, ce système « existe depuis des dizaines d’années ».

La SNCF a fait le choix de brigades volantes de contrôleurs ce qui fait aujourd’hui, 8 TER sur 10 environ roulent avec comme unique agent le conducteur. C’est même d’ailleurs le cas depuis une trentaine d’années pour les trains de banlieue et les RER d’Ile-de-France.

3/En quoi le « droit de retrait » est-il contesté ?

Une fois de plus, la question de l’exercice du droit de retrait est posée. Selon l’article L4131-1 du Code du travail, un salarié peut faire valoir son droit de retrait si une situation « présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ». Il ne concerne pas la mise en danger d’autrui, mais uniquement le salarié. Il s’agit donc d’un droit individuel mais les agents de la SNCF ont pris l’habitude de l’exercer collectivement. Dans le cas d’une grève, le dépôt d’un préavis cinq jours à l’avance est obligatoire dans les services publics.

Le premier ministre Édouard Philippe a dénoncé samedi un « détournement du droit de retrait » exercé par les agents SNCF perturbant la circulation, et une « grève sauvage à « l’impact inacceptable pour des dizaines et des dizaines de milliers de Français ».

« J’ai demandé à la SNCF d’examiner toutes les suites, y compris judiciaires, qui pouvaient être données lorsque des gens ne respectent pas la loi », a déclaré le chef du gouvernement, qui visitait le Centre national des opérations ferroviaires à Paris, avec le PDG de la SNCF Guillaume Pepy et le secrétaire d’Etat aux Transports Jean-Baptiste Djebbari.

Le PDG de la SNCF Guillaume Pépy a également contesté la validité du droit de retrait exercé par les agents de l’entreprise et annoncé son intention d’aller devant la justice pour faire reconnaître qu’il s’agit d’une grève « surprise » : « Il faut d’abord faire une alarme sociale, elle n’a pas eu lieu. Ensuite, il y a des réunions de concertation. Ensuite, il faut que chacun déclare par écrit son intention de faire grève pour que nous puissions mettre en œuvre un service minimum, cette loi n’a pas été respectée », a-t-il poursuivi.

De son côté, le directeur des TER à la SNCF, Frank Lacroix estime que cette « grève sans préavis est totalement irrégulière ».

Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez défend évidemment un autre point de vue : « Le droit de retrait, c’est un droit des travailleurs pour dire : attention il se passe quelque chose de grave », affirme-t-il.

4/Où en sont les négociations ?

Une réunion s’est tenue entre la direction de la SNCF et l’ensemble des syndicats dans la soirée de vendredi, mais après cinq heures de discussions, les deux parties se sont séparées sans accord et devraient seulement se voir dans le « courant de la semaine prochaine ».

La SNCF affirme avoir fait un certain nombre de propositions, dont celle d’« accélérer très fort le recrutement en 2019, en particulier contribuant à la sécurité des biens et des personnes ». Syndicats et direction ont prévu de se revoir dans les prochains jours.