La population de Gaza a vécu lundi sa première journée de ramadan dans un territoire bombardé par l’armée israélienne et touché par la famine sans aucune trêve en vue après cinq mois d’une guerre dévastatrice entre Israël et le Hamas palestinien.

Alors qu’une grande partie du monde musulman entre dans ce mois sacré du jeûne, de nombreux habitants du territoire palestinien ont été réveillés par des frappes israéliennes sur Gaza-Ville dans le nord et Khan Younès et Rafah dans le sud, le ministère de la Santé du Hamas dénombrant lundi 67 morts en 24 heures.

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Vue sur Khan Younès depuis Rafah, le 11 mars

« Je préfère que les avions me bombardent et me tuent plutôt que de continuer à vivre comme ça. Ce n’est pas une vie ! » lance, désespéré, Zaki Hussein Abou Mansour. Ce déplacé qui vit sous une tente de fortune à Rafah, raconte à l’AFP n’avoir que quelques légumes pour nourrir sa famille.

« Le temps presse. La population affamée de Gaza ne peut plus attendre », a alerté Cindy McCain, la cheffe du Programme alimentaire mondial (PAM).

Selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste, 25 personnes dont 21 enfants sont morts de malnutrition et de déshydratation dans les hôpitaux de Gaza depuis le début de la guerre.

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Des Palestiniens déplacés collectent de la nourriture donnée par une association caritative pour un repas d’iftar, la rupture du jeûne, lord du premier jour du mois de jeûne musulman du ramadan, le 11 mars à Rafah.

Celle-ci a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent menée par des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza dans le sud d’Israël, qui a entraîné la mort d’au moins 1160 personnes, la plupart des civils, selon un décompte de l’AFP établi à partir de sources officielles israéliennes.

Environ 250 personnes ont été enlevées le même jour et emmenées à Gaza. D’après Israël, 130 otages s’y trouvent encore, dont 31 seraient morts.

En représailles, Israël a promis d’anéantir le Hamas qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007. Son armée a aussitôt lancé une campagne de bombardements aériens dans ce territoire exigu suivie 20 jours plus tard d’une offensive terrestre, qui ont fait jusqu’à présent 31 112 morts, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.  

Bateau prêt à partir

« Ce n’est pas la vie que nous étions censés vivre », s’écrie Zaki Hussein Abou Mansour, un sexagénaire déplacé plusieurs fois par les combats avant d’arriver à Rafah. « On n’en peut plus de chercher de la nourriture et de vivre cette vie, c’est insupportable. »

Le patron de l’ONU Antonio Guterres s’est dit « atterré que le conflit se poursuive à Gaza pendant le mois sacré » du ramadan, en appelant à la libération des otages.

Un navire de l’ONG espagnole Open Arms chargé de 200 tonnes de vivres attend de quitter Chypre dans le cadre d’un couloir maritime que l’Union européenne et des pays comme les États-Unis et les Émirats arabes unis veulent mettre en place.

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Le bateau Open Arms au port de Larnaca, à Chypre, le 11 mars

« Le programme se déroule comme prévu, le bateau va bientôt partir » du port de Larnaca, à environ 370 kilomètres des côtes de Gaza, a indiqué lundi le gouvernement chypriote.

World Central Kitchen, qui co-organise l’opération, « n’a jamais annoncé de date pour le départ. Donc nous sommes dans les temps. Nous annoncerons le départ quand ça arrivera », a assuré sur X le célèbre chef hispano-américain José Andrés, fondateur de l’ONG.

Un navire militaire américain a parallèlement quitté samedi les États-Unis avec le matériel nécessaire à la construction d’une jetée pour débarquer les cargaisons d’aide, qui pourrait prendre jusqu’à 60 jours.

Mais l’ONU, qui redoute une famine généralisée dans le territoire de 2,4 millions d’habitants, assiégé par Israël depuis le 9 octobre, affirme que l’envoi d’aide par mer et les parachutages par plusieurs pays, devenus quotidiens ces derniers jours, ne peuvent se substituer à la voie terrestre.

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Des colis d’aide humanitaire ont été largués par avion au-dessus du nord de la bande de Gaza, le 11 mars.

« Nous les aurons tous »

L’aide internationale, contrôlée par Israël, n’entre qu’au compte-gouttes dans la bande de Gaza dévastée, où les besoins sont immenses.

Elle arrive principalement depuis l’Égypte par Rafah, une ville collée contre la frontière égyptienne fermée, où sont massés, selon l’ONU, près de 1,5 million de Palestiniens, la plupart des déplacés.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a réaffirmé lundi son intention de vaincre le Hamas, malgré les mises en garde internationales contre une offensive terrestre annoncée sur Rafah.

« Nous sommes sur la voie d’une victoire totale », a-t-il assuré dans un message vidéo, affirmant que l’armée avait « déjà éliminé le N.4 du Hamas », sans préciser son identité.

« Nous les aurons tous », a-t-il lancé en parlant des autres chefs du mouvement palestinien considéré comme une organisation terroriste par Israël, les États-Unis et l’UE.

Lundi, l’armée a annoncé une frappe aérienne dans la nuit de samedi à dimanche contre le N.2 de la branche armée du Hamas, Marwan Issa, dans le centre de la bande de Gaza sans pouvoir dire s’il avait été tué.

Malgré de nouvelles discussions début mars au Caire, les États-Unis, le Qatar et l’Égypte, les trois pays médiateurs, ne sont pas parvenus à arracher un accord de trêve accompagnée d’une libération d’otages.

Le Hamas réclame un cessez-le-feu définitif et un retrait des troupes israéliennes avant tout accord.

Ce qu’Israël refuse. Selon les médias, Israël veut une liste précise des otages encore vivants, mais le Hamas a dit ignorer qui était « vivant ou mort » parmi eux.

Le climat extrêmement tendu généré par la guerre à Gaza fait redouter des violences à Jérusalem-Est, secteur occupé par Israël où se trouve l’esplanade des Mosquées. Des dizaines de milliers de fidèles se rendent chaque année pendant le ramadan dans ce troisième lieu saint de l’islam.

Le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a assuré qu’Israël respecterait la liberté de culte à la mosquée al-Aqsa, mais averti que son pays était « prêt » à répondre à tout débordement.

« Nous disons à tous : ne nous cherchez pas. Nous sommes prêts, ne commettez pas d’erreur. »

Des frappes au Liban font un mort

Des frappes aériennes israéliennes ont fait au moins un mort lundi dans une localité près de Baalbek, bastion du Hezbollah dans l’est du Liban, selon une source de sécurité, deuxième raid israélien dans cette région depuis le début des heurts transfrontaliers provoqués par la guerre à Gaza.

« Un avion israélien a pris pour cible un ancien bâtiment du Hezbollah près de l’hôpital Dar al-Amal », a indiqué à l’AFP l’une de ces sources, ajoutant que l’aviation israélienne avait « mené un autre raid sur un hangar à l’est de Baalbeck ». Ces frappes ont fait un mort et six blessés, ajouté cette source.

Le gouverneur de la région de Baalbek-Hermel, Bachir Khodr, a confirmé sur le réseau X la mort d’un homme dans ces frappes.

Une autre source de sécurité a confirmé ces frappes sans mentionner de victimes.

L’agence de presse libanaise (NNA) a fait état de frappes israéliennes à plusieurs endroits, dont l’une a visé un « immeuble résidentiel » dans la ville d’Ansar, au sud de Baalbek. « Des flammes et des nuages de fumée étaient visibles au-dessus de l’endroit ciblé », a ajouté l’agence.

Les échanges de tirs sont quasi-quotidiens entre l’armée israélienne et le Hezbollah, un allié du Hamas palestinien en guerre depuis le 7 octobre contre Israël dans la bande de Gaza, dans les régions à la frontière israélo-libanaise.