À proposer tout et n'importe quoi, les marques vont-elles tuer le calendrier de l'Avent ?

De nombreuses marques se sont lancées dans le business de l'Avent, créant une ultra-concurrence sur le marché. Mais trop d'offres pourraient bien tuer les affaires.

c
Kinder possède plus de 60% de part de marché du calendrier de l’Avent, tous secteurs confondus. (©Hugo Murtas / actu Rennes)
Voir mon actu

En ce 1ᵉʳ décembre 2023, comme chaque année, vous allez certainement inaugurer votre calendrier de l’Avent.

Mais derrière vos cases pleines de mystères se cachent un juteux business. Selon les chiffres de l’entreprise Ferrero, contactée par actu.fr, les calendriers de l’Avent tous secteurs confondus ont généré des dizaines de millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022. Et certains l’ont bien remarqué.

Les marques, industriels ou petits commerçants, sont nombreux à avoir senti le filon de la magie de Noël. Depuis plusieurs années, elles sont de plus en plus nombreuses à lancer leur version de la boîte aux 24 cases, pensant tirer le gros lot. 

À lire aussi

Un achat du registre de la tradition

Pourquoi ça vaut le coup ? « Car c’est un produit qui ne connaît pas les crises« , analyse Géraldine Michel, chercheuse en management de la marque, interrogée par actu.fr. Et pour cause, le calendrier de l’Avent est un achat traditionnel pour beaucoup de ménages.

Ce qu’il fait qu’il serait capable de surpasser aisément les crises économiques. « C’est un objet symbolique qui a une dimension sociale, régressive et d’attachement. Aussi bien pour les enfants que pour les parents », opine celle qui est aussi professeure à l’IAE de Paris-Sorbonne

La magie de Noël a certainement encouragé de nombreuses marques, pour certaines bien éloignées du milieu du calendrier de l’Avent, à se saisir de l’objet. « Même des entreprises en B to B (activité d’une entreprise destinée à une autre et non pas à des consommateurs directement) s’y sont mis », remarque la chercheuse.

Petite histoire du calendrier de l'Avent

C'est en Allemagne qu'il voit le jour au XIXe siècle. Au départ, l'objet a une connotation religieuse : on donnait aux enfants des images pieuses pour patienter jusqu'au 25 décembre, jour de la naissance de Jésus.
Au fil du temps, le commerce va s'emparer de cet objet, notamment l'industrie alimentaire. En France, les premiers calendriers de l'Avent en chocolat apparaissent à la fin des années 1950.
La marque de figurines pour enfants Playmobil en fait une version jouets, ce qui en fait la première alternative au chocolat. Nous sommes en 1998. 
C'est dans les années 2000 que l'on commence à en voir fleurir des versions adultes dans les rayons. "Cela pouvait exister avant, mais ils n'étaient pas commercialisés", ajoute Géraldine Michel. 

À lire aussi

Créer de l’affect à une période précise

Ce n’est pas qu’une question de vente. Les marques ont bien compris qu’en tant que produit de tradition, le calendrier de l’Avent permet de créer de l’affect avec la clientèle et de « créer une relation qu’il ne serait pas possible de créer à une autre période de l’année », remarque l’experte en marketing.

Vidéos : en ce moment sur Actu

Entrer dans le quotidien d’un foyer pendant 24 jours, découvrir une panoplie de produits en petit format… « Il y a des bénéfices à long terme, en plus de ceux à court terme », synthétise celle qui est aussi directrice de la chaire Marques & Valeurs de la Sorbonne.

Toutes les marques de tous les secteurs surfent sur la vague parce que ce n'est pas qu'une question de business.

Géraldine Michel Professeure à l’IAE de la Sorbonne et directrice de recherche en marketing

À lire aussi

La fin d’un modèle ?

Le fromager du coin, le milieu de l’édition, les entreprises de bricolage ou de nourriture pour animaux, les petits magasins de CBD… Tout le monde veut sa part du gâteau. Sauf qu’il ne peut pas y en avoir pour tout le monde.

« Il y a tellement de choix… Des petits commerçants vont récupérer très peu de part de marché tellement l’offre est large », souligne auprès d’actu.fr Mickael Boulley, fondateur du catalogue en ligne calendrierdelavent.com

Même des entreprises au fort pouvoir marketing commencent à le remarquer. Avec 30% de part de marché dans le secteur du jouet sur la boîte aux 24 cases, Playmobil est un incontournable avec ses 300 000 calendriers de l’Avent vendus par an.

Mais pour Cécile L’Hermite, responsable consommateurs de l’entreprise, le marché n’est plus le même qu’avant.

Pour nous, ce n'est plus un marché en croissance alors qu'il l'a été auparavant.

Cécile L'HermiteResponsable consommateurs chez Playmobil France

À lire aussi

Un marché concurrentiel 

Aussi, les ventes se sont démultipliées jusqu’en 2018. « Depuis, nous sommes à un plateau », fait-elle savoir. La piste avancée : la concurrence qui s’est accrue ces dernières années.

Contactée par actu.fr, l’enseigne King Jouet nous explique avoir même enregistré « une baisse des ventes » sur le produit phare de l’Avent depuis 2020, sans nous expliquer la cause. 

Pour Playmobil, c’est le secteur du hors-jouet qui s’avère le plus concurrentiel. « On a des clients qui s’orientent vers d’autres prestations, il y a beaucoup de créativité sur le marché », reconnaît Cécile L’Hermite.

À lire aussi

Un pays où le chocolat Kinder est roi

Il y en a un qui n’est pas sensible à l’ultra concurrence du marché du calendrier : Kinder. La propriété du groupe Ferrero ne connait pas une chute des ventes. Depuis 2019, l’entreprise enregistre même une hausse de 3 % en moyenne par an sur ses ventes, selon les informations communiquées à actu.fr.

Avec plus de 60 % de part de marché tous secteurs confondus, les calendriers de l’Avent de la marque de douceurs en chocolat représentent 38 % du chiffre d’affaires sur la période de Noël. 

Malgré une offre qui s’élargit à de nombreuses autres catégories, les calendriers de chocolats restent encore les plus plébiscités par les consommateurs.

FerreroPorte-parole auprès d'actu.fr

Selon les chiffres de Ferrero, un peu plus d’un Français sur trois achète des calendriers de l’Avent composé de chocolats. Et plus on en mange, moins on consomme, logiquement, d’autres genres de produits (cosmétiques et jouets notamment).

Ces données se basent sur les ventes des mois d'octobre et de novembre 2022. Source : Foxintelligence par l'institut Nielsen
Ces données se basent sur les ventes des mois d’octobre et de novembre 2022. Source : Foxintelligence par l’institut Nielsen. (©Document transmis à actu.fr)

À lire aussi

Un business incertain

Si le chocolat Kinder paraît intouchable, tout est plus incertain pour les autres, même quand on s’appelle Chanel ou Sephora

Des marques s’y sont brûlées les ailes. C’est en effet le cas de la maison emblématique de Gabrielle Chanel qui, en 2021, a lancé un calendrier à 700 euros. « Ça a été un flop », se souvient Mickael Boulley, le testeur de calendriers.

Certains internautes ont souligné le contenu déceptif de la boîte au 24 cases de la maison de haute couture, créant un véritable bad buzz. Cette année, Chanel ne le propose plus à la vente.

Même chose pour Sephora, qui avait lancé des calendriers de l’Avent à remplir soi-même. Ils ne sont plus au catalogue cette année.

À lire aussi

Un effet de tendance à la Justin Bridou

Enfin, une dernière chose régit le milieu du calendrier : la tendance. Et les réseaux sociaux y sont pour beaucoup. Cette année, les utilisateurs réguliers de TikTok, Instagram ou encore X (ex-Twitter) ne sont sans doute pas passer à côté de la folie Justin Bridou.

Un vrai brouhaha médiatique pour ce calendrier aux quatre saveurs de la marque de charcuterie qui a vite été en rupture de stock dans les rayons des magasins Auchan, Intermarché, E.Leclerc, où il était en vente en « quantité très limitée ».

C'est incroyable de voir que les marques et les consommateurs se laissent séduire par ces choses que l'on voit partout. C'est très paradoxal : les marques veulent se différencier mais on se rend compte qu'il y a des vagues de mode.

Géraldine Michel Professeure à l’IAE de la Sorbonne et directrice de recherche en marketing

Pour Mickael Boulley, qui a un œil sur l’évolution des calendriers de l’Avent depuis cinq ans, le marché demeure aléatoire. « D’une année à l’autre, on ne sait pas ce qui va marcher », remarque-t-il.

Alors, qui remportera la poule aux œufs d’or l’année prochaine, après Justin Bridou ? La magie de Noël en décidera.

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.

Dernières actualités

France - Monde

Voir plus