Vous est-il déjà arrivé qu’un homme vous explique votre métier alors qu’il ne le pratiquait pas ? Ou pire : qu’il vous détaille les douleurs des menstruations ? Ne cherchez pas : vous vous êtes faite mansplainer. Heureusement, Rokhaya Diallo et Blachette sont là pour préparer la riposte.
Lors d’une soirée banale, l’écrivaine américaine Rebecca Solnit papote avec un homme de son métier et de son quotidien. Persuadé de mieux s’y connaître, il lui conseille avec insistance de se renseigner davantage et de lire un superbe ouvrage qu’il a découvert récemment. Intriguée et un brin exaspérée, l’autrice en demande le titre. Heureux hasard, il s’agissait d’un bouquin qu’elle avait elle-même écrit.
Cocasse ? Possible. Reflet d’une société toujours imbibée de patriarcat ? Certainement. Dans le jargon, on appelle ça le mansplaining (en québécois on parle de mecsplication). Soit le fait qu’un homme explique aux femmes des choses concernant un domaine où elles sont pourtant expertes. On s’accordera pour dire qu’en plus d’être insupportable c’est irrespectueux.
Rokhaya Diallo, journaliste, autrice et militante féministe antiraciste, en connaît un rayon sur le sujet. Elle qui se voit sans cesse interrompue lors de ses prises de parole en public. Elle dont les propos sont toujours remis en question. D’ailleurs, si la patience avait un visage ce serait sûrement le sien. Qui de mieux placée qu’elle pour faire de son expérience une bande dessinée mise en images par l’illustratrice Blachette ?
Quand on est victimes de mansplaining ou maninterrupting, on a toujours l’impression d’être seule, que ça n’arrive qu’à nous. Les nombreux témoignages que j’ai reçus prouvent le contraire
Dans M’explique pas la vie mec !, les autrices s’attaquent au mansplaining, -spreading, -terrupting et donnent, avec humour et bienveillance, les clés pour les affronter et les éradiquer. Si ces différents concepts sont aujourd’hui largement vulgarisés, cette bande dessinée accessible s’avère être une base de importante pour les moins averti.es.
Que ce soit au boulot, dans les médias ou à la maison, la parole des femmes est invisibilisée au profit de celle des hommes qui, parfois, n’ont même pas la légitimité de s’exprimer. Que dire d’un débat sur le voile qui ne compte en plateau aucune femme le portant ? Que dire du droit à la PMA sans personnes issues de la communauté LGBTQIA + ?
Plus qu’être un outil qui reprend les bases et donne des armes, M’explique pas la vie mec ! est un livre à mettre dans les mains des jeunes femmes et jeunes hommes. Le genre de bouquin qui, entre deux romans de littérature classique, doit être proposé en cours aux adolescent.es. Pour que les femmes de demain aient le temps de parole qu’elles méritent. Place à la parole de Rokhaya Diallo qui, par écrit, ne risque pour une fois pas d’être interrompue.
Comment est née l’idée de faire cet ouvrage ?
Rokhaya Diallo : "L’idée est venue d’une conversation avec mon éditrice qui est devenue aussi mon agente, Sophie Chédru. Elle me parlait d’une collection qu’elle souhaitait lancer. Des sortes de power book qui donneraient des outils aux femmes. Sophie est vraiment une accoucheuse d’écriture. J’ai directement été intéressée par son idée. Ce que j’aime, c’est la prise de parole."
À qui est-elle destinée cette bande dessinée ?
"Les premières personnes auxquelles nous avons pensé ce sont les femmes, voire les jeunes femmes. Celles qui commencent leur vie d’adulte. Histoire qu’elles soient préparées, prévenues et puissent anticiper. Quand on est victimes de mansplaining ou maninterrupting, on a toujours l’impression d’être seule, que ça n’arrive qu’à nous. Les nombreux témoignages que j’ai reçus après avoir lancé le #mexpliquepaslaviemec, prouvent le contraire. D’ailleurs, la majorité concernent les menstruations. Il y a aussi des hommes qui se rendent compte et témoignent de ces comportements inconscients qu’ils ont adopté. On a aussi été contactées par des personnes de l’Éducation nationale qui aimeraient l’utiliser en cours. Mais bon quand on voit que notre ministre de l’Éducation actuel (Jean-Michel Blanquer, ndlr) pense que les jeunes filles doivent s’habiller de façon républicaine…"