Dexter Maurer, le virtuose derrière les plus belles covers de rap francophone

Il est très certainement l’un des graphistes les plus sollicités du rap francophone. Et ce, pour une simple raison : c’est très certainement l’illustrateur le plus talentueux de cette scène. De ses collaborations remarquées avec Mairo en passant par la cover du dernier Zamdane, les visuels de Lala &ce et Laylow jusqu’à un travail outre-Atlantique sur les visuels de The Weeknd, Dexter Maurer s’est hissé en six années de travail et de création comme l’un des graphistes à l’identité parmi la plus originale et inventive de la scène musicale francophone, et ce jusqu'à en traverser ses frontières. Focus sur un virtuose de l’image et ce qu’il apporte de beau au rap suisse et français.

La suisse en peinture

Ici, la ville prend des airs de carte-postale. Avec ses vieux bâtiment, ses armoiries fièrement arborées et ses paysages fidèles à ceux du massif du Jura, Delémont est ce qu’on peut sommairement appeler : un petit coin de paradis. Du moins, ça l’est pour celui qui a grandi ici. Avec ses grandes forêts, ses montagnes et ses cités médiévales, l’environnement qui entoure le jeune Dexter Maurer ressemble presque étrangement à ces bandes dessinées d’Heroic Fantasy que son père lui glisse entre les mains. Des magazines de Métal Hurlant aux sagas cultes "Le Seigneur des anneaux" et "Harry Potter", le graphiste en devenir nourrit son imagination à travers des œuvres de fiction, mêlant univers fantastiques et épopées chevaleresques. Tout ça forme le socle d’une identité artistique forte qu’il développera plus tard dans une formation de graphisme galvanisante, qui lui permet de forger peu à peu son style artistique.

Une fois diplômé, le graphiste décide à l’aube de se démarquer de la masse. Loin des traits épurés et des photographies sobres qui font la tendance des années 2010, Dexter Maurer raconte dans les lignes de "L’illustré" comment il a forgé sa patte : «Je me suis mis dans une niche en proposant des choses ultralourdes, mais en m’efforçant de les rendre digestes avec tout un travail sur les dégradés, les ombres, la lumière, les textures. Une approche très organique : l’inverse de ce qui constituait alors la tendance dominante ». Et cette niche, elle va taper dans l’œil d’une nouvelle scène qui cherche, elle aussi, à se démarquer en réinventant des codes de son milieu artistique.

Pour Dexter Maurer, le premier coup d’éclat se fait avec une marque. Et pas n’importe laquelle : on parle de Nike, et d’une commande de la marque au créateur à l’occasion de la campagne "Nike Art of a Champion". Une collaboration remarquée qui va lui ouvrir de nombreuses portes, dont celles d’un monde qui entretient depuis ses débuts un lien étroit avec les illustrateurs et illustratrices : celui de la musique. En 2020, le virtuose suisse Muddy Monk lui confie la réalisation de la cover de son single Mylenium, ainsi que celle de son album Ultra Tape : les illustrations, aussi puissantes que touchantes, choque le monde de la variété et du rap, avec lequel le chanteur entretient des liens étroits.

Alors presque logiquement, c’est le rappeur Makala qui fait appel aux services de Dexter pour une nouvelle illustration : celle de son single Blueberry pt.1. Puis, les commandes s’enchaînent : grâce à son style unique de plus en plus acclamé par les médias et le public, le suisse exporte son travail hors des frontières de son pays et collabore avec Ateyaba pour son morceau Solitaires en featuring avec l’américain Sahbabii. De quoi marquer une nouvelle étape dans sa carrière d’illustrateur musical : suivent alors des collaborations de haut vol, avec Laylow pour le merch de son album "L’étrange histoire de Monsieur Anderson, Bonnie Banane pour la cover de son album "S.O.S", et plus récemment avec Mairo pour son album "Omar Chappier" et sa cover iconique représentant un cavalier sans tête, une fois de plus signée Dexter Maurer.

Un imaginaire devenu référence

Avec ses propositions qui dépeignent le fantastique de ses inspirations, la violence de la réalité et les peurs de nos pires cauchemars, Dexter Maurer a réussi à faire ce que peu d’illustrateurs ont fait avant lui dans le rap francophone : faire de son esthétique pourtant peu commune une référence de taille. Loin des cover d’albums simples et efficaces qui ont longtemps gouverné les pochettes des albums de rap français, Dexter Maurer a réussi, collaborations après collaborations, à rendre son imaginaire complexe, coloré et hautement créatif entièrement compatible avec le travail d’une nouvelle génération d’artistes, eux aussi animés par un besoin de fraîcheur, de renouveau et de rêve.

Mais ce qui est d’autant plus impressionnant, c’est que l’artiste va plus loin : avec une proposition aussi unique qu’immédiatement reconnaissable, Dexter a depuis réussi à redessiner les codes des visuels de rap français. En amenant les artistes vers ses influences fantastiques personnelles, l’illustrateur bâti, collaborations après collaborations, un imaginaire très créatif, jusque là souvent réservé aux niches musicales. Désormais, ses dernières collaborations en date pour la cover de "Solsad" de Zamdane jusqu’aux visuels du splendide "Solstice" de Lala &ce prouvent une chose : grâce au travail minutieux et imaginatif du talent suisse, les rappeurs francophones peuvent désormais proposer un univers sans limites ou presque, si ce n’est celle de son imagination. Et au vu de ses travaux toujours plus inspirés, il y a de grandes chances que Dexter Maurer continue de développer, encore et toujours, les univers des artistes les plus audacieux de notre cher rap francophone.