Tour des Flandres : 12 ans sans victoire, les coureurs flamands sont-ils toujours les rois du pavé ?

12 longues années sans victoire flamande sur le Ronde van Vlaanderen, c’est une première, du jamais vu. Une disette, "een woestijn" (un désert), comme on dit au nord du pays. Une statistique qui invite à l'interrogation. Les coureurs du nord du pays sont-ils toujours les meilleurs pour dompter et maîtriser les pavés de Flandre ? À l’occasion de la course À Travers la Flandre, dernière répétition avant le Ronde, nous avons questionné le peloton.

L’élément principal pour expliquer ce long tunnel sans succès, et il est tout à fait légitime, c’est l’internationalisation du sport cycliste. "On est toujours là mais notre sport est devenu très international. Dans le passé, les classiques pavées intéressaient beaucoup plus les coureurs flamands et maintenant c’est tout le monde qui est intéressé par le Tour des Flandres", nous glissait Jasper Stuyven au départ, avant de chuter et de faire une croix sur son printemps.

"Plus de dix ans sans victoire flamande, c’est vrai que ça doit faire long", note Thierry Marichal, directeur sportif chez Cofidis. "Mais il y a tout de même eu une victoire belge avec Philippe Gilbert, en 2017. La concurrence est rude et ça vient maintenant de tous les pays. Dès le plus jeune âge, dans les courses de jeunes, ces coureurs étrangers viennent sur le pavé chez nous et maîtrisent donc beaucoup plus vite l’exercice".

Confirmation à la lecture du palmarès du Tour des Flandres de ces douze dernières années. On y voit un drapeau slovène (Tadej Pogacar), danois (Kasper Asgreen), slovaque (Peter Sagan) ou encore norvégien (Alexander Kristoff).

Autre aspect que vient d’évoquer Thierry Marichal : la concurrence. En un peu plus de dix ans, les coureurs flamands ont affronté de fameuses références comme Fabian Cancellara, Peter Sagan, Mathieu Van der Poel ou Tadej Pogacar. "C’est vrai que quand on regarde le palmarès, apparemment, nous ne sommes plus les spécialistes du pavé", sourit Oliver Naesen avec un brin d’ironie. "Il y a eu des individualités très fortes ces derniers temps. Mais dans la globalité, je trouve que les coureurs flandriens ont toujours été bien représentés à l’avant des courses".

Le très sympathique coureur de l'équipe Decathlon-AG2R La Mondiale a raison. Des garçons comme Greg Van Avermaet, Sep Vanmarcke, Wout van Aert, Jasper Stuyven ou Oliver Naesen lui-même ont roulé de très belles courses, décroché des podiums ou signé des jolis résultats. Il manquait juste la victoire, du "net niet" comme on dit en Flandre.

La notion de cycle peut aussi jouer un rôle. Depuis plusieurs années, la fédération belge de cyclisme a énormément développé la détection de talents de type grimpeur. Alors que nous avons connu de très longues années sans coureur belge capable de briller en montagne, voilà que débarquent les Remco Evenepoel, Cian Uijtdebroeks, Lennert Van Eetvelt, Maxim Van Gils, Ilan Van Wilder, William Junior Lecerf ou encore Steff Cras. "En ce moment, on a de plus en plus de grimpeurs ou de gars taillés pour les courses par étapes. Remco Evenepoel fait des émules chez les jeunes et ceux-ci préfèrent peut-être le dénivelé des Ardennes Wallonnes aux Ardennes Flamandes", confirme Thierry Marichal.

De par la manière dont on vit la course, les classiques flandriennes nous appartiennent en quelque sorte. Mais ça ne veut pas dire que ce ne sont que des Flamands qui vont gagner

Notons que cette statistique de 12 ans sans victoire vaut uniquement pour le Tour des Flandres. Sur toutes les autres classiques pavées du printemps, les coureurs flamands ont très souvent levé les bras ces dernières années. C’est incontestable, ils restent des experts du pavé, surtout via leur connaissance de la région et du parcours.

Alors pourquoi ça ne fonctionne plus pour le Ronde ? Trop de pression pour "LE" grand rendez-vous de l’année ? Trop d’adversité ? La fatalité ? Ou seulement une affaire de cycle ? Pour espérer mettre fin à cette disette ce dimanche, le peuple flamand a perdu ses deux meilleures cartes : Wout van Aert et Jasper Stuyven. Sans eux, les espoirs se porteront sur Jasper Philipsen, Tim Wellens, Tiesj Benoot, Oliver Naesen ou encore Yves Lampaert. Mais pour gagner, il faudra écarter le grand et ultra-favori néerlandais : Mathieu Van der Poel.

Si l’attente est prolongée, dans un futur plus lointain, de jeunes garçons comme Thibau Nys ou Alec Segaert ont, peut-être, le potentiel pour devenir un futur vainqueur du Tour des Flandres.

Philip Roodhooft est le patron du coureur néerlandais Mathieu Van der Poel. Mais il est bien Belge et dirige une équipe belge : Alpecin-Deceuninck. Nous lui laissons la conclusion. "De par la manière dont on vit la course, les classiques flandriennes nous appartiennent en quelque sorte. Mais ça ne veut pas dire que ce ne sont que des Flamands qui vont gagner. Est-ce que les Belges ne sont plus les rois du pavé ? Je crois qu’avec quelqu’un comme Wout van Aert, on a toujours des coureurs très importants. Mais, il ne faut pas être roi pour que ce sport soit populaire ici ! Il faut être conscient que l’on vit actuellement une ère très fructueuse dans le cyclisme et bien prendre le temps de savourer ça".