Diderot Éducation : élèves et professeurs ont vécu un cauchemar au Château Le Vaillant

Enquête sur le premier internat d'esport, fermé au bout de 4 ans suite à de nombreux problèmes rencontrés au Château.

Situé entre Guerville et Longroy, en Seine-Maritime, le Château Le Vaillant est définitivement fermé.
Situé entre Guerville et Longroy, en Seine-Maritime, le Château Le Vaillant est définitivement fermé. ©Raphaël Tronel
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Situé entre Longroy et Guerville, en Seine-Maritime, le Château Le Vaillant se dresse majestueusement. Jadis le sanctuaire de la Rose-Croix d’Or, une secte mystique, cette imposante demeure a été le théâtre de sombres événements, récemment ravivés par l’effondrement retentissant de Diderot Éducation.

Diderot Éducation est un groupe leader de l’enseignement privé en France, dont font partie une dizaine de groupements d’écoles tels que les Cours Diderot.

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Les fondations de l’espoir 

Le Château Le Vaillant, auparavant connu sous le nom de Château de La Haye, a longtemps été le sanctuaire de la Rose-Croix d’Or.

Transformé en internat prestigieux en 2019, le domaine promet une éducation de qualité à travers les jeux vidéo, accueillant une élite fortunée prête à débourser plus de 20 000 € par an pour y étudier. 

Derrière la façade étincelante de l’éducation de luxe, Aldrick Allal, architecte de rêves ambitieux. À la tête de Diderot Éducation, il entreprend une expansion effrénée, acquérant château après château dans une frénésie insatiable.

En moins de deux ans, il est devenu propriétaire de cinq ou six châteaux

Un de ses collaborateurs

Derrière des ambitions assumées se dissimulent en réalité les ombres de la désillusion et de la désorganisation. 

L’ancien coach d’esport expose avec amertume les coulisses d’un internat en déroute : « À l’inscription, on promettait des choses aux élèves, choses qui étaient bien éloignées de la réalité ou de ce qu’on nous disait de faire ou mettre en place. Forcément, cela ne peut que provoquer des tensions légitimes entre élèves trahis d’un côté, et membre du personnel abandonné de l’autre ». 

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« L’école était une vraie poubelle »

Manon, ancienne élève, témoigne : « Je cherchais une option théâtre dans l’un des établissements du groupe Diderot Éducation. Ils ont mis en place une option au dernier moment. La prestation globale n’a pas été respectée alors que nous étions seulement 18 élèves dans tout l’établissement ».

Sunam, élève inscrite en 2020, raconte : « L’internat m’a détruite mentalement. Durant ma première année, l’hygiène n’était pas au rendez-vous. Nous devions commander des pizzas, car la nourriture était souvent périmée et moisie. La femme de ménage a ensuite pris les commandes en cuisine, mais rien ne s’est arrangé. Sans parler de tout ce qui était cassé. »

Sans professeur de maths pendant plus de trois mois, Sunam explique également qu’il n’y avait pas de Conseiller Principal d’Éducation (CPE). « L’école était une vraie poubelle. En terminale, je n’ai pas eu de professeur pour les spécialités. Il n’y a pas eu de chauffage ni d’eau chaude dans certains dortoirs pendant 3 ans ».

Ils nous ont même servi du pain moisi, et l’état des casseroles était déplorable. Pour une année à 20 000 €, c’est une honte !

Rayan, élève pendant deux ans dans l’établissement
Le Château Le Vaillant est définitivement fermé.
La première année, la cuisine était à fuir selon les élèves. ©Rayan Bergaoui

Stanislas Hommet, ancien directeur du château, reconnaît l’échec avec lucidité : « Le château est fermé définitivement, car il n’était pas assez rentable. Cette décision a été prise en juillet par le groupe. Il faut les contacter directement. » Transférés à la Bordeaux International School (BIS), certains anciens élèves du Château Le Vaillant ont préféré ne pas répondre à nos questions.

Aldrick Allal, quant à lui, a fini par nous répondre au téléphone : « Je n’ai pas que ça à foutre de répondre à vos questions ». Fin de la communication.

Que va devenir le château désormais ?

Après avoir été le théâtre d’ambitions démesurées, le Château Le Vaillant, anciennement Château de la Haye, se retrouve aujourd’hui plongé dans l’incertitude quant à son avenir.
Doté de 99 pièces de vie, d’une surface bâtie impressionnante de 4 800 m2 et niché au cœur de 11 hectares de verdure, le château semble désormais condamné à l’oubli.
Ce n’est pas la première fois qu’Aldrick Allal est associé à de telles déconvenues. Le château du Marquis de Savennières, précédemment destiné à accueillir un internat de prestige, est actuellement en vente après l’échec de ce projet. L’Institut la Gruyère, en Suisse, a définitivement fermé ses portes sans être mis en vente pour le moment. L’école de Tersac, selon un de nos confrères de la Dépêche, serait toujours ouverte, mais aurait connue une forte baisse d’affluence ces dernières années. Aucune nouvelle concernant le Château de Troissy.
Face à cette série de revers, le destin du Château Le Vaillant est incertain. Ce monument historique semble condamné à errer dans les méandres de l’oubli, n’étant pas à vendre pour le moment.
En 2018, Adrick Allal affirmait au Figaro Étudiant qu’aucun internat en France n’était rentable, sans doute a-t-il pu le constater. 

Qui est Aldrick Allal ?

Magnat de l’enseignement privé et fondateur du groupe Diderot Éducation, Aldrick Allal incarne à lui seul les excès et dérives du Château Le Vaillant.

Il n’est pas étranger aux polémiques. En 2018, c’est le quotidien Sud Ouest qui annonce que l’entrepreneur est entendu pour menaces et suspicions de travail dissimulé à l’école privée de Tersac (Tarn).

Une descente de gendarmerie dans cette même école révèle des pratiques douteuses au sein de l’établissement. Travaux illégaux, emploi de travailleurs étrangers sans autorisation, menaces de mort : la liste des accusations contre cet homme et son équipe est longue et accablante.

Un certain nombre de salariés a décidé de porter l’affaire aux prud’hommes et d’attaquer Diderot Education pour licenciement abusif. Le groupe a été condamné à verser de l’argent aux personnes concernées, à hauteur de 187 000 € selon les données transmises par le média Sud Ouest.

Des normes non respectées à Longroy

Au-delà des polémiques, Aldrick Allal use de méthodes très particulières pour atteindre ses objectifs.

« Deux semaines avant l’ouverture du château, j’ai été nommé à un rôle important dans l’établissement. J’ai dû préparer l’arrivée des élèves une semaine avant l’ouverture, sans contrat, sans être payé. L’établissement m’avait promis que j’aurais tout à disposition à mon arrivée. En réalité j’ai été contraint d’acheter les jeux avec mon propre argent », explique un ancien professeur.

« Sur le terrain il y avait plusieurs bâtiments, mais seuls deux étaient utilisés. Les autres, à l’abandon, tombaient en ruine, des pans de murs tenaient debout par miracle. On pouvait voir des câbles électriques, des vitres brisées. Le tout, accessible aux élèves sans protection. Les factures avaient également des mois de retards, ce qui rendait très difficile toute intervention d’artisan pour de l’entretien. » 

Beaucoup d’aspects concernant la sécurité n’étaient pas respectés.

Sunam, ancienne élève

Certains problèmes de sécurité ont été recensés après l’ouverture de l’établissement. L’école a contacté la Ville pour mettre aux normes le château en termes de sécurité, alarmes incendie, issues de secours, etc. « C’est la seule fois où ils ont fait appel à nous », affirme Étienne Lannel, maire de Guerville.

« Des professeurs louches »

Certains professeurs étaient louches. Notre directrice n’avait pas les compétences requises pour diriger un établissement.

Rayan, ancien élève au château

Partie en cours d’année, elle est tout de suite remplacée par Stanislas Hommet, ancien directeur de l’ESPE, aujourd’hui devenue INSPE de Caen.

Pourquoi est-il parti ? Nos confrères de Liberté avaient mené l’enquête en 2020 lorsque l’homme avait été accusé de harcèlement moral et sexuel par plusieurs anciens étudiants et membres du personnel. À l’époque, il reconnait avoir fait des dégâts dans ses équipes en ayant commis des « comportements brutaux » ou « inappropriés » et est condamné à 15 mois de prison avec sursis.

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Peu de temps après, c’est un professeur de physique-chimie, Willy Lamulle, qui rejoint l’établissement.

En 2020, un journaliste du Réveil de Neufchâtel dévoile que l’ancien maire de Saint-Saire (Seine-Maritime) a été condamné à 18 mois de prison pour abus de confiance et faux en écriture.

À travers le parcours tumultueux d’Aldrick Allal, c’est le choix du personnel éducatif du Château Le Vaillant qui est remis en question.

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