Déficit public : la France est-elle vraiment le cancre de l'UE comme le disent Les Républicains ?

POLITIQUE - C’est peu dire que les oppositions ont critiqué le gouvernement après l’annonce par l’Insee de la hausse du déficit public à 5,5 % du PIB. Mais une critique est revenue plus particulièrement à droite. Les chefs de file des Républicains à l’Assemblée et au Sénat ont affirmé que la France est désormais « le cancre de l’Union européenne ».

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Mais qu’en est-il vraiment ? Comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article, on a posé la question à Jérôme Creel, directeur du département des études de l’Observatoire français des conjonctures économiques de Sciences Po et professeur à l’ESCP Business School.

Si l’économiste ne retient pas le terme de cancre, selon lui « un peu normatif », il reconnaît que la France est bien l’un des pays de l’Union européenne avec un des déficits publics les plus élevés. Selon les statistiques du 3e trimestre, seuls six pays sur 27 faisaient pire que la France.

« Surtout, ce déficit a été réévalué à la hausse », pointe-t-il. C’est notamment cette mauvaise prédiction que taclent les oppositions. En novembre dernier, le gouvernement envisageait 4,9 % de déficit, soit 0,6 point de moins que ce qu’a finalement annoncé l’Insee. Une hausse qui creuse d’autant plus l’écart avec les autres pays.

« Mais la question après est celle de savoir pourquoi ? Parce qu’il y a des bonnes et des mauvaises raisons d’avoir des déficits publics et je pense que c’est plus cet élément-là qui est intéressant », insiste Jérôme Creel.

Avec la Grèce, une comparaison « anachronique »

Un facteur que ne retiennent pas Les Républicains. Pour eux, le déficit est dû à une mauvaise gestion des dépenses. « Nous empruntons le même chemin que la Grèce », a même assuré Éric Ciotti, le président du parti dans une interview aux Échos publiée le 20 mars.

Mais pour Jérôme Creel, cette comparaison « ne fait aucun sens », car elle est « anachronique ». La Grèce a connu à partir de 2009 une grave crise financière. « Je rappelle qu’on parle pour la France de 5,5 % de déficit, je ne dis pas que c’est bien, ou que ce n’est pas bien. Mais pour la Grèce on parlait de 10 % chaque année pendant presque dix ans, » rappelle l’économiste.

« On est tous maintenant à peu près d’accord parmi les économistes à considérer qu’une austérité budgétaire, c’est coûteux pour l’économie. » Jérôme Creel, professeur à Sciences Po.

D’après lui, prendre l’exemple de la Grèce revient à arguer que le gouvernement gère mal ses finances publiques, comme la Grèce à l’époque. « Mais c’est oublier que ce qui s’est produit juste après, à savoir une cure d’austérité d’une violence inouïe en Grèce (...). Est-ce que c’est vraiment cela vers lequel les oppositions ont envie de tendre ? » interroge-t-il.

« Nous comparer à la Grèce, c’est prendre le risque de potentiellement justifier une cure d’austérité budgétaire. Or, je crois qu’on est tous maintenant à peu près d’accord parmi les économistes à considérer qu’une austérité budgétaire, c’est coûteux pour l’économie », considère Jérôme Creel.

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