Bleuenn Battistoni, étoile naissante : "Je me sens prête à aborder tous les rôles"

Publicité

Bleuenn Battistoni, étoile naissante : "Je me sens prête à aborder tous les rôles"

Par
Bleuenn Battistoni, une nouvelle étoile à l'Opéra de Paris
Bleuenn Battistoni, une nouvelle étoile à l'Opéra de Paris
- Julien Benhamou

Mardi soir, la danseuse de 25 ans a été sacrée étoile, à l'issue d'une représentation du ballet "La fille mal gardée". Sa réaction, son parcours, ses préférences et ses projets... La nouvelle étoile se confie à France Musique.

La semaine dernière, José Martinez, directeur de la danse à l'Opéra de Paris, augurait  au micro de France Musique la nomination prochaine d'étoiles. Cela n'aura pas traîné. Mardi soir, à l'issue de la représentation de La Fille mal gardée de Frederick Ashton, Bleuenn Battistoni a été couronnée, sur la scène du Palais Garnier. Un sacre assez précoce pour la danseuse de 25 ans, distribuée dans le rôle-titre de Giselle dès le 29 avril. Et après ? Quel parcours, quelles envies et quel avenir pour la nouvelle étoile ? Bleuenn Battistoni répond aux questions de France Musique.

France Musique : Mardi soir, vous terminez la représentation de La Fille mal gardée. Applaudissements, saluts, puis vous voyez Alexander Neef, le directeur de l'Opéra, et José Martinez, le directeur de la danse, qui s'avancent sur scène. Qu'est-ce qui vous traverse la tête à ce moment-là ?

Publicité

Bleuenn Battistoni : Je me suis dit que ça devait être pour moi. Et j'imaginais, ayant déjà été témoin de nominations de collègues par le passé, être submergée par des émotions très fortes. Mais je pense que tellement de choses se sont passées à la fois qu'il y a eu une sorte de vide. Une émotion ne dominait pas l'autre, c'était plus un état de choc.

Votre emploi du temps a-t-il changé depuis mardi soir ?

J'ai bien fêté ça et je n'ai pas beaucoup dormi, car l'adrénaline me maintient un peu éveillée tout le temps. Mais mon emploi du temps concret, sur les spectacles prévus et les jours de repos, n'a pas changé. Pas encore, en tout cas...

"Étoile", il y a le titre honorifique et tout l'imaginaire qui va avec. Mais qu'est-ce que cela change concrètement pour vous, et pour les danseuses et danseurs étoiles de la compagnie ?

C'est l'opportunité de danser les rôles en priorité, en permanence. Quand on n'est pas étoile, on peut certes avoir l'opportunité de danser des rôles, comme c'est le cas sur La Fille Mal Gardée, ou comme cela va être le cas sur Giselle. Mais seulement s'il y a des dates disponibles, ou si le directeur nous pousse dans ce sens. Ce titre me garantit d'avoir accès à ces rôles tout le reste de ma carrière, c'est une chance énorme.

Du point de vue pratique, vous allez aussi avoir une loge...

Oui ! Je n'ai pas emménagé le soir-même, mais je vais effectivement avoir une loge personnelle. Les déménagements prennent toujours un peu de temps, donc je ne sais pas encore laquelle.

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

Vous évoquiez un vide, une sidération lors de votre nomination. Deux jours après, commencez-vous à réaliser, à revenir un peu sur terre ?

Oui, même s'il y a des phases. Régulièrement, j'oublie, puis me rappelle. Des petits détails, d'un coup, me ramènent à la réalité. Je me dis que dans six mois, je vais peut-être pouvoir danser dans telle ou telle production. J'ai aussi réalisé, quelques heures après ma nomination, que j'allais défiler toute seule, pour la première fois. Plein de petits détails, associés à ce nouveau titre, arrivent au fur et à mesure.

Il y a un confort, une sécurité. Mais ne vous posez vous pas aussi la question "étoile, et maintenant" ?

Il y a une forme de confort car j'ai atteint un objectif, le plus haut que je pouvais atteindre en terme de grade dans cette compagnie. Mais ce confort est aussi dangereux. En tant qu'artiste, je pense que ce sont en quelque sorte le doute et l'insécurité par rapport à ce que l'on fait qui nous maintiennent en vie, dans un état de recherche permanente. Je pense qu'il est important de garder cette soif d'apprendre qui m'a menée jusque-là. Mais il n'y a pas de raison que cela s'arrête.

Cette "soif d'apprendre", revenons justement dessus. Comment avez-vous commencé la danse ?

J'avais 4 ans, il fallait trouver une activité. C'était soit la gymnastique, soit la danse. Un peu au hasard, ma mère a choisi la danse. J'ai commencé en prenant un cours par semaine. Au début, ce n'était pas vraiment une vocation.

Puis, vous vous êtes rendue compte que vous aviez un certain talent pour les pointes...

Le travail des pointes commence vers 11 ans, car il faut que la cheville soit suffisamment solide pour l'entamer. C'est à partir de ce moment que j'ai commencé à prendre un peu plus de cours dans la semaine, à travailler plus régulièrement. C'est aussi à ce moment que j'ai réalisé que la danse était un art difficile, qui demande beaucoup de travail et, injustement, des qualités physiques intrinsèques. J'ai réalisé que j'avais ces qualités, qui me permettaient d'aller plus vite dans l'apprentissage des pointes et de la nouvelle technique.

Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.

Vous êtes nommée étoile à 25 ans, ce qui est jeune. Votre parcours semble assez classique et fluide : entrée à l'école de danse en 2014, en 2017 dans le corps de ballet, Coryphée en 2021, Sujet l'année suivante et Première danseuse en 2023. Avez-vous connu des difficultés, des obstacles ?

Quand j'avais 12-13 ans, j'avais pour objectif de rentrer à l'école de danse de l'Opéra de Paris. Mais je n'ai pas été prise tout de suite. Je l'ai tenté trois fois et n'ai été acceptée que la troisième, après avoir passé un an au Conservatoire de Paris. Aujourd'hui je me dis que ce n'est pas si grave, mais sur le coup, ça a été assez violent. Puis, une fois à l'école de danse, tout a suivi son cours dans ma progression, dans les divisions. J'ai été refusée une première fois dans le corps de ballet, prise la deuxième fois, mais c'est fréquent.

Avez-vous eu certains moments de flottement, l'impression d'être un peu perdue dans le corps de ballet ?

Oui, lorsque j'étais quadrille. Durant ces trois premières années, j'avais du mal à trouver ma place, à m'adapter au nouveau rythme et au côté "professionnel". D'un coup, la passion que l'on a depuis tout petit devient un métier. Et comme tout métier, il faut se lever tous les jours à 8h, qu'on le veuille ou non. C'est un basculement, et ce sont beaucoup d'ajustements. Mais une fois passé le confinement, j'ai évolué très rapidement dans la hiérarchie.

La trajectoire que l'on connaît, et de nombreuses productions : Giselle, Mayerling, La Bayadère, The Season's Canon de Crystal Pite... Dans quel registre vous sentez-vous le mieux ?

Je pense que je suis assez naturellement faite — même si c'est loin d'être naturel pour le corps — pour le classique. Ma formation est classique, c'est le cas de tous les danseurs quand ils rentrent à l'opéra, et les productions font que l'on peut se spécialiser dans un registre plus contemporain ou pas. Je me suis plutôt spécialisée en classique mais ai participé à quelques productions un peu plus néo-classiques : Wayne McGregor, Jiří Kylián en décembre, qui m'ont énormément plu. Même si je fait plus de classique que de contemporain, cela m'intéresse.

Quels rôles imaginez-vous pour la suite ?

J'ai envie de dire un peu tous ! J'ai la chance d'être nommée à un âge où je n'ai pas encore abordé énormément de rôles, et je me sens prête à tous les aborder à un moment donné dans ma carrière. Je suis très attirée par le côté "dramaturgie", notamment les ballets tirés de livres. J'adore les imaginaires autours de ces ballets : Roméo et Juliette, Onéguine, la Dame aux Camélias, sont tirés d'histoires qui me touchent.

Un rôle marquant dans votre carrière est celui de Giselle. Le 13 juillet 2022, Alice Renavand se blesse lors de sa soirée d'adieux. Vous la remplacez, avec brio, au pied levé. Y-a-t-il eu un avant et un après ?

Oui, et je l'ai ressenti en sortant de scène. J'ai senti que c'était une soirée qui allait influer ma carrière d'une manière que, peut-être, je n'imaginais pas encore. Les circonstances étaient assez exceptionnelles. J'étais une parfaite inconnue aux yeux du public, même aux yeux du public qui suit un peu la danse. On ne savait peut-être pas encore que j'étais capable de faire ce que j'ai fait. Je pense que cela a marqué les esprits, et je pense que tout le monde avait envie d'être à ma place à ce moment-là. On s'est dit qu'on pouvait me faire confiance, en toute circonstance.

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

pixel