Magicmaman : Comment expliquer la pénurie des vaccins tetra (DTP + coqueluche) et pentavalents (DTP + coqueluche + haemophilus influenzae de type B) ?
Dr. Emmanuel Grimprel : L’explication donnée par les deux seuls groupes industriels qui fabriquent ces vaccins pour le monde occidental (GSK et Sanofi-Pasteur-MSD) comporte plusieurs éléments :
La demande mondiale de vaccins combinés contenant la coqueluche aurait fortement augmenté récemment, puisque de nombreux pays se sont mis à vacciner contre la coqueluche, en particulier les femmes enceintes (stratégie récemment démontrée comme très efficace pour protéger les très jeunes nourrissons). La quantité d’antigène vaccinal coquelucheux est limitée, délicate à produire, et manifestement les industriels n’ont pas anticipé. C’est un premier reproche justifié que l’on peut leur faire.
- Le temps nécessaire pour produire un vaccin prêt à la vente est long, plus d’une année, et la réactivité de ce fait est limitée lors de difficultés occasionnelles d’ordre industriel, d’où l’insuffisance de vaccins disponibles pendant quelques mois.
- Les industriels ont fait le choix de privilégier la fabrication des vaccins combinés hexavalents, c’est-à-dire contenant l’antigène hépatite B (HB) en plus des antigènes diphtérie (D), tétanos (T), coqueluche acellulaire (Ca), polio (P), et haemophilus influenzae b (Hib). Ce choix a été fait au détriment des combinaisons penta (DTCaP-Hib) et tétravalentes (DTCaP) qui ne contiennent pas l’antigène hépatite B et qui sont désormais en rupture de stock. Ceci ne pose pas de problème dans la majorité des pays occidentaux qui acceptent sans problème la vaccination hépatite B. Le vaccin hexavalent est en effet la meilleure réponse pour la vaccination du nourrisson (avant 2 ans). Par contre, c’est une difficulté en France, pays dans lequel une réticence à cette vaccination existe depuis de nombreuses années et pour lequel la mise à disponibilité de ces vaccins penta et tétravalents est nécessaire pour respecter le choix (même s’il est injustifié) des familles. Cette décision n’a manifestement pas pris en considération la spécificité française, et c’est le second reproche que l’on peut faire aux deux groupes industriels. C’est une décision industrielle et non de santé publique. Elle laisse de côté un seul pays, la France. On est cependant en droit de se demander pourquoi la France est ainsi isolée du reste du monde sur ce problème de la vaccination contre l'hépatite B. Sommes-nous les seuls à être « clairvoyants »? ou bien nous trompons-nous ?

MM. Dans une tribune publiée en mai, le docteur Henri Joyeux (cancerologue) présente le vaccin hexavalent comme unique (et dangereuse) réponse à la pénurie des vaccins tetra et pentavalents. N'y a-t-il pas d'autres alternatives ?
E.G : Comme d’habitude avec les ligues anti-vaccinales, il y a du vrai et du faux. Avant tout, il est important de rappeler qu'un avis a été émis par le Haut Conseil de Santé Publique pour répondre le mieux possible à cette situation de pénurie transitoire. Dans cet avis : 
- Il a été demandé que des stocks limités de vaccins pentavalents soient concentrés dans les centres de PMI. Pour les nourrissons dont les parents refusent formellement la vaccination hépatite B, un autre vaccin quadrivalent DTCaP Tetravac acellulaire® possède une AMM (Autorisation de Mise sur le Marché, ndlr.) pour la primo-vaccination des nourrissons. Il est possible d’utiliser ce vaccin pour reconstituer le vaccin monovalent lyophilisé Haemophilus ActHib® et obtenir un vaccin pentavalent. Ce vaccin est malheureusement difficile à trouver et il a été demandé aux autorités de santé de mettre en place un circuit d’accès pour les populations prioritaires.
- Au rappel de 6 ans et plus tard, il est possible d’utiliser les vaccins dTcaP faiblement dosés et destinés initialement à l’adulte. Ces vaccins ne sont pas en rupture de stock.

Vidéo du jour :

Enfin, la « solution du kit DT Vax + Imovax polio » est possible et ce, depuis plusieurs années pour les réfractaires à toute vaccination non obligatoire (hors DTP). Elle nécessite de s’adresser directement à l’industriel (Sanofi-Pasteur-MSD) qui ne les commercialise pas, mais en possède un stock et propose de les envoyer gratuitement. Cette « solution » est malheureusement préjudiciable aux enfants concernés en les privant de toute protection contre la coqueluche, mais surtout contre les infections invasives à Haemophilus influenzae b (méningites, septicémies et autres localisations…). La responsabilité des parents qui acceptent ce risque pour leurs enfants est donc à prendre en considération.

Selon Henri Joyeux, le vaccin hexavalent n’aurait pas été assez testé pour observer ses effets sur le long terme. Que pensez-vous de cette assertion ?
E.G :
Rappelons que ce vaccin dispose d’une AMM depuis 2000, soit 15 années d’utilisation...

Pour le cancérologue, le vaccin hexavalent est suspecté de contenir des additifs neurotoxiques et cancérogènes (aluminium et formaldéhyde), dangereux pour le système neurologique des tout-petits. Qu’en est-il vraiment ? Y a-t-il lieu, selon vous, de s'inquiéter ?
E.G :
A nouveau, il y a là du vrai qui essaie de « valider » le faux. Oui, le vaccin hexavalent contient un adjuvant en aluminium comme la grande majorité des vaccins. Le rôle de l’adjuvant est de permettre une meilleure réponse immunitaire et d'induire ainsi une protection optimale sans avoir besoin d’avoir recours à des doses élevées d’antigène ou des vaccins de conception différente (vaccins vivants atténués). Il peut aussi contenir des traces de formalhédyde utilisé lors des phases initiales de fabrication, comme c’est d’ailleurs bien mentionné dans le résumé des caractéristiques du produit (qui figure sur la fiche Vidal). Mais non, aucune toxicité neurologique, ni effet cancérigène n’a été démontré avec ces vaccins contenant ces molécules et à ces doses.

Le Dr Joyeux aborde également la question du vaccin contre l’hépatite B (transmissible par le sang et les relations sexuelles) contenu de la formule du vaccin hexavalent qui ne serait, selon lui, pas adapté aux tout-petits. Est-ce le cas ? N'a-t-on pas intérêt à attendre avant de vacciner les enfants contre l'hépatite B ?
E.G
: En effet, en dehors de facteurs de risques particuliers, le risque de contracter l’hépatite B en France n’apparaît réellement qu’à l’adolescence. Il est donc tout à fait possible d’attendre cet âge pour vacciner. Le problème est que les adolescents sont mal vaccinés en France, alors que les nourrissons le sont beaucoup mieux. La stratégie de vacciner dès le plus jeune âge permet de garantir que cette population sera effectivement protégée lorsqu’elle abordera cette période de risque.

L'auteur de la pétition soupçonne également  ce vaccin de favoriser le risque de la sclérose en plaques... Est-ce un risque avéré ?
E.G :
La « polémique » strictement Française sur ce thème est née il y a 20 ans avec la vaccination hépatite B qui a été administrée (hors recommandation officielle) à des millions de jeunes adultes en France à un âge où le pic naturel de survenue de la maladie est observé, exposant ainsi à un risque élevé de coïncidences, qui n'ont donc pas manqué de se produire. Elle a été étendue ensuite par les ligues anti-vaccinales aux autres vaccins. De multiples études et rapports ont pourtant été publiés depuis pour tester cette hypothèse. Et ils ont systématiquement conclu à l’absence de démonstration.

Que souhaitez-vous dire aux parents sensibles à ce discours ?
E.G :
Tout d’abord, que j’en suis navré pour eux et pour leurs enfants. Nous vivons dans un monde où l’émotionnel et la peur font recette au détriment de la vérité scientifique plus fade. L’information est devenue difficile à comprendre et à vérifier tant les voies de communication sont devenues nombreuses et rapides.Qui peut aujourd’hui vérifier la qualité de l’information qui circule sans contrôle sur internet, tweeter, etc…? Je leurs conseillerais donc de faire d’abord confiance aux professionnels de santé qui les soignent avant de croire n’importe qui ou n’importe quoi. Ces professionnels souhaitent protéger les enfants et non leur faire du mal. Il serait terrible de mettre en danger leur santé en refusant une protection à laquelle ils ont droit sur la base d’informations erronées, voire mensongères.