52 séries, dont 26 avant-premières mondiales, ont été diffusées toute la semaine, à Lille et en ligne, dans le cadre du festival Series Mania. Que faut-il en retenir ? Qu’il n’y a pas eu beaucoup de séries américaines, et que ce n’est pas plus mal.
Une fois de plus, le grand rendez-vous des séries s’est distingué avec une sélection riche de ses multiples horizons. Et ce ne sont pas tant les séries françaises qui ont retenu notre attention, mais plutôt celles, singulières, venues du monde entier, dont on espère qu’elles trouveront rapidement des diffuseurs en France !
Soviet Jeans (Lettonie), panorama international
Riga, fin des années 70, Renars (Kārlis Arnolds Avots) achète des jeans Levi’s aux rares touristes étrangers. Les grandes marques occidentales sont alors interdites en Lettonie, État fantôche de l’URSS. La série filme cette surveillance généralisée avec légèreté. Cette insouciance sur fond d’amour du rock, prend des allures de rom-com trépidante, quand le costumier tombe amoureux de Tina (Aamu Milonoff), une jeune metteuse en scène finlandaise, invitée à adapter Hamlet dans son théâtre. L’affaire se corse (le théâtre est truffé de micros) quand Renars est interné dans un hôpital psychiatrique, avec d’autres opposants au régime, où il lancera une fabrique de jeans clandestine !
- Prix du public
- Prix du meilleur acteur du Panorama international : Kārlis Arnolds Avots
Catch me a killer (Afrique du Sud), Panorama international
Psychologue professeure à l’université de Pretoria, Micki Pistorius devient la première profileuse de la police sud-africaine. Cette histoire vraie, inspirée de son autobiographie, retrace les grandes affaires sur laquelle elle travailla, dont celle de “l’étrangleur de la gare”, pour laquelle elle fut débauchée. Des enfants disparaissent dans un township du Cap. Nous sommes en 1994, à quelques mois de l’élection historique de Nelson Mandela, et la police est mise sous pression par une population noire persuadée que l’enquête aurait été réglée si les enfants disparus avaient été blancs.
Le monde n’existe pas (France), compétition française
Thriller absurde, tiré du roman éponyme de Fabrice Humbert, Le monde n’existe pas, suit un journaliste hagard (Niels Scheinder), dans un village paumé du bassin minier du Pas-de-Calais, près de Lens, où il passa ses années lycée. Tourmenté par ses traumatismes d’enfance, sur un fil tendu entre les cris et la perplexité, Adam Vollman doit y écrire le portrait d’Axel Challe, son premier amour, en fuite après la mort d’une lycéenne. Chaque rencontre accouche de dialogues au cordeau, presque théâtraux, avec des personnages fantasques (une reporter locale, l’un de ses anciens persécuteurs, la mère de la victime…). Une façon pour Erwan Le Duc de cultiver son regard décalé après Perdrix, en 2019, et La fille de son père, en 2023. À paraître sur Arte cet automne !
- Prix de la meilleure musique originale pour Julie Roué
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La Mesias (Espagne), panorama international
Devenues viraux sur Youtube, des clips de pop-barrée religieuse de sœurs fanatiques font ressurgir les traumas d’Enric (Roger Casamajor) et Irène (Macarena Garcia). Le premier, alors technicien pour un film sur l’apparition de la vierge dans les montagnes de Montserrat, en Catalogne, en perd la tête. Sa sœur Irène n’est pas à l’image. S’est-elle aussi échappée de la secte ? Derrière ce girl-band décidé à sauver le monde en louant la vierge Marie se cache une mère toxique et abusive. Glaçante, cette série ambitieuse à la photographie rétro-baroque retrace ses dérives en sept chapitres. Accueillie comme l’une des meilleures séries de l’année 2023 en Espagne, La Mesias a été mise en musique par le génial Raul Refree, compositeur espagnol, habitué à transformer des traditions séculaires (le flamenco, dans un album chanté par Rosalia, et le fado) en hallucination contemporaine.
- Prix de la meilleure réalisation
- Prix du jury d’étudiants
So Long, Marianne (Suède/Canada/Grèce), compétition internationale
Les artistes fauchés ne manquent pas à Hydra, où débarque un Leonard Cohen rincé par la pluie londonienne, en 1960. Encore inconnu, le chanteur canadien de 26 ans, a quitté Montréal pour se consacrer à l’écriture. Il découvre la vie bohème dans un décor paradisiaque. C’est sur l’île grecque qu’il croise la route de sa future muse, Marianne Ihlen, une jeune norvégienne venue vivre l’aventure son mari écrivain. Un peu proprette, la série canado-norvégienne est tirée vers le haut par les performances d’Alex Wolff et Sofie Loch Naess, parfaits interprètes d’un Leonard Cohen spirituel et dépressif, et d’une Marianne désespérée. Leur histoire amour dura une décennie et inspira à l’artiste des chansons et des poèmes, dont, bien sûr, « So long, Marianne », « Birds on a wire » et le volume « Flowers for Hitler ». Apprenant la mort imminente de Marianne, en 2016, Leonard Cohen lui adressa une lettre d’adieu, avant de décéder lui-même trois mois plus tard.
All and Eva (Suède/Danemark), panorama international
Eva (Tuva Novotny) a pris rendez-vous pour une insémination artificielle dans une clinique de Copenhague. La veille de son départ de Stockholm, ses amis introduisent la petite graine de l’angoisse dans son esprit. Et si le père était un psychopathe ? Exit le donneur anonyme, la jeune quadra veut désormais choisir. Celui qu’elle désigne, sur un écran, tient un bar dans la capitale danoise. Elle y pointe le bout de son nez, sans savoir que son étrange curiosité fera craquer le grand Mads (Joachim Fjelstrup). Tous les ingrédients de la rom-com réussie sont là : les meilleurs amis farfelus, la mère intrusive, le gendre idéal et le comique de situation qui tourne à plein régime, avec un brin d’audace appréciable dans la musique, très présente.
Hôtel cocaïne (États-Unis), compétition internationale
Hotel Cocaïne ne brille pas pour son intrigue principale : Roman Compte (Danny Pino), manager du Mutiny, hôtel et boite de nuit envahi par la coke, dans le Miami des années 70, est forcé de renseigner la CIA sur son frère trafiquant (Yul Vasquez), avec qui il avait coupé les ponts. La série de Chris Brancato, co-fondateur de Narcos, trouve son originalité dans de brillants pieds de nez au Miami glamour et décomplexé qu’elle dépeint. Au royaume de la fête, le patron fantasque de l’hôtel aide Rick James, star du funk déprimée, à retrouver l’inspiration, de plage à la chambre décorée façon Alice au pays des merveilles. Et quand surgit Hunter S.Thompson, maître ès drogues hallucinogènes et star du journalisme gonzo, ce n’est pas pour se droguer, mais pour enquêter sur la famille du propriétaire de l’hôtel. Savoureux !
30 days of lust (Allemagne), panorama international
Quinze ans de couple et des envies d’ailleurs. Et si Zeno (Simon Steinhorst) et Freddy (Linda Blümchen), jeunes trentenaires ensembles depuis le lycée s’y essayaient ? Un laissez-passer de trente jours fera l’affaire. Deux règles apparaîtront au fil de l’eau : ne pas coucher deux fois avec la même personne et jamais avec une connaissance. Sincères et maladroits, les deux amants attachants courent alors les rencontres, de ratés en (ré)jouissances. Couru d’avance, le scénario de cette comédie dramatique allemande s’en sort par l’humour et par la représentation fidèle des scènes de drague gênantes et de rapports sexuels pas toujours glorieux.
« Dates in real life » (Norvège), panorama international
Marvin (Jacques Colimon) quitte Ida (Gina Bernhoft Gorvell), après trois ans de couple par écrans interposés, pour une petite amie qu’il peut réellement embrasser. Ida, geek timide, sort de sa tanière pour le rendre jaloux. Inscrite sur une application de rencontres, elle trimballe sa bizarrerie dans les bars d’Oslo, avec comme béquille sa maîtrise du japonais, ses potes geeks dans l’oreillette et son sabre imaginaire dans la tête. L’univers si particulier des nerds rend la série curieuse, quand, par exemple, Ida et Marvin vendent leur maison virtuelle après leur séparation. Pleine de ressources, Gina Bernhoft Gorvell joue une Ida destinée à devenir « IRL » (In real life) la princesse guerrière qu’elle était déjà en ligne, quitte à se traîner à la salle de sport en sweat-shirt Warcraft.
- Prix de la meilleure série du Panorama international
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