En deux longs-métrages et surtout deux séries, The OA (2016-2019) et Un meurtre au bout du monde (2023), Zal Batmanglij et sa partenaire de travail, l’Américaine Brit Marling, ont imposé leur goût pour le mélange des genres et leur sensibilité « indé ». C’est en solo que le réalisateur américain d’origine iranienne présidera le jury de la compétition internationale de Séries Mania. Rencontre à quelques jours de l’ouverture de la quatorzième édition du festival, qui se tient à Lille du 15 au 22 mars.
Avant « The OA », qui a rencontré un grand succès sur Netflix, vous veniez du cinéma indépendant. Qu’est-ce qui vous a donné envie de passer à la série ?
Au tournant des années 2000, le storytelling de la télévision était remarquable : Les Soprano [1999-2007], Six Feet Under [2001-2005]… C’était très inspirant, et je n’ai jamais vu la télé comme un ghetto et le cinéma comme intouchable. Plus jeune, j’admirais aussi beaucoup le travail de David Lynch, et lui n’a jamais donné l’impression d’en avoir quoi que ce soit à faire de travailler pour la télévision ou le cinéma. C’est un raconteur d’histoires avant tout, et je pense que les raconteurs sont attirés par les longs formats en général.
Regardez la liberté avec laquelle il a créé Twin Peaks [1990-1991], et même Mulholland Drive [2001], qui était un pilote pour la télévision avant que les Français ne l’aident à en faire un film – et l’un des plus grands de l’histoire du cinéma. Mulholland Drive est une parfaite synergie entre les promesses de la première heure et les réponses – ou les non-réponses – de la deuxième heure.
Les fans parlent encore de la décision de Netflix d’arrêter « The OA » après deux saisons, et sur un énorme cliffhanger. Comment avez-vous vécu votre collaboration et cette décision ?
Quand on a commencé à développer The OA avec Netflix, on retrouvait Cindy Holland [alors directrice des contenus] et Ted Sarandos [codirecteur général] dans un petit bureau d’une rue calme de Beverly Hills. Ces gens étaient à la fois sans prétention et très stimulants, ils nous ont donné un formidable espace pour travailler et nous ont forcés à améliorer ce qu’on avait développé.
Le problème, c’est que les algorithmes promeuvent des programmes qui vont marcher le plus vite possible, fournir une gratification immédiate. Ceci dit, cela a toujours été le cas à la télévision. Finalement, c’est fou qu’une série comme Seinfeld ait pu durer aussi longtemps [neuf saisons diffusées de 1989 à 1998 sur NBC]. Mais, au bout du compte, Netflix n’a qu’une vague idée de qui regarde quoi et de quelle façon exactement. Je crois que l’annulation de The OA relève simplement d’une décision de leur part de ne plus financer… l’art. Mais c’est déjà miraculeux qu’ils aient financé deux saisons de cet art !
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