En France, le dérapage du déficit secoue un peu plus la macronie: "Ça nous met dans une situation fâcheuse"
Face à un déficit plus important que prévu, la majorité doit trouver comment renflouer les caisses. Elle n’a même pas réussi à capitaliser sur la stratégie généreuse du quoi qu’il en coûte, qui a fait gonfler la dette.
- Publié le 27-03-2024 à 10h49
Les finances publiques françaises sont dans le rouge ; un rouge écarlate. En raison d’un ralentissement de la croissance, d’une baisse des recettes et d’une légère hausse des dépenses, le déficit public a en effet atteint 5,5 % du PIB en 2023, selon des données dévoilées ce mardi par l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques). Bien au-delà des 4,9 % prévus par le gouvernement. Sans changement de cap, le ministère de l’Économie table sur 5,7 % en 2024 et 5,9 % en 2025.
Le déficit dérape donc, et il entraîne avec lui le chef de l’État Emmanuel Macron et le camp présidentiel. La promesse de le ramener à 3 % en 2027 semble compliquée à tenir.
Pour y parvenir, la majorité devra trouver, d’ici à la fin du quinquennat, au minimum 50 milliards d’euros, d’après le rapport de la Cour des comptes. “Ça nous met dans une situation fâcheuse parce que non seulement on a 5,5 % de déficit, un des déficits les plus élevés de la zone euro, peut-être même le plus élevé, mais on a aussi plus de 110 % de dette publique”, a déclaré le président de la juridiction financière, Pierre Moscovici, sur France Inter. “Nous sommes dans une posture qui nous oblige à des rectifications de trajectoire et à dire la vérité aux Français.”
Corriger rapidement le tir pour remplir les caisses
Face à une telle situation, Pierre Moscovici s’interroge : “Comment voulez-vous investir dans l’avenir, dans la transition écologique, numérique, dans l’éducation, dans l’innovation et la recherche, dans la défense ? Nous sommes petit à petit étranglés dans notre capacité d’action publique.”
Il va donc falloir rapidement corriger le tir pour remplir les caisses. Les pistes évoquées par le gouvernement sont de vieilles recettes : la réduction des dépenses publiques dans deux domaines : les allocations de chômage et la santé. Le chef de l’État songe aussi à demander des efforts supplémentaires aux collectivités locales.
L’aile gauche de la majorité ainsi que des cadres comme la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet se prononcent, en outre, en faveur d’une hausse de la fiscalité pour les ultra-riches et les plus grandes entreprises. Mais cette option a été une nouvelle fois balayée par l’exécutif et le Président, qui refusent toute hausse d’impôts.
Pour le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, il faut avant tout remplacer l’État-providence par l’État protecteur. “La gratuité de tout, pour tous, tout le temps : c’est intenable”. Cette sortie n’a guère plu à Emmanuel Macron. “Il devrait en parler à celui qui est ministre de l’Économie depuis sept ans”, a ironisé le Président en coulisses.
L’effet boomerang du quoi qu’il en coûte
Les crises successives de ces dernières années et les réponses apportées par la majorité ont eu un impact considérable pour les finances publiques, la dette passant de 97,9 % du PIB en 2019 à 110,6 % fin 2023. La stratégie présidentielle du “quoi qu’il en coûte” a permis de sauver de nombreux emplois durant la crise sanitaire due au Covid-19 grâce à des dispositifs d’aide exceptionnels, ainsi que de soutenir le pouvoir d’achat pendant la crise énergétique grâce à un bouclier tarifaire. Mais cette tactique, généreuse, revient aujourd’hui à la figure d’Emmanuel Macron et de la majorité qui, au regard des derniers résultats électoraux et des derniers sondages, ne sont étrangement pas parvenus à en tirer profit.
La cheffe de file des députés du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, se délecte de la situation et annonce d’ores et déjà s’opposer à la nouvelle réforme de l’assurance-chômage. “En réalité, ceux qui ont été présentés comme des “Mozart de la finance” souhaitent faire payer aux Français le prix de leur incompétence. Leur bilan en matière économique est absolument épouvantable.”
Dans le quotidien Les Échos, le président Les Républicains (LR), Éric Ciotti, a aussi soigné son sens de la formule. “L’heure de vérité est arrivée : nous empruntons le même chemin que la Grèce”.
À gauche, la patronne des écologistes, Marine Tondelier, craint le tour de vis budgétaire. “Ce qui me fatigue beaucoup dans ce pays, c’est que c’est Robin des bois à l’envers. On va aller chercher l’argent de celles et ceux qui ne sont pas fortunés et on ne va jamais demander aux plus riches de faire des efforts.”
La crainte d’une “punition” lors des élections européennes
L’annonce de l’état des finances publiques bouscule un peu plus le camp présidentiel, déjà en proie au doute à l’approche des élections européennes du 9 juin. La stratégie visant à établir un duel face au RN est remise en question, puisqu’elle ne fonctionne toujours pas. Selon un sondage Ipsos pour Euronews publié le 19 mars, la liste du RN emmenée par son président Jordan Bardella obtiendrait 30,7 %, devant la liste de la majorité portée par Valérie Hayer avec 18,1 %.
Si ces chiffres devaient se confirmer, cela représenterait une gifle monumentale pour la majorité. En 2019, le camp présidentiel avait déjà perdu la bataille des élections européennes, mais l’écart était bien plus serré. Il avait capté 22,42 % des voix contre 23,34 % pour le RN. Pire même : en additionnant les intentions de vote du RN avec celles de Reconquête (5,5 %) et de Debout la France (2,4 %), l’extrême droite raflerait 38,6 % des suffrages, contre 26,85 % en 2019.