Veste en denim brut à la coupe façon bleu de travail, jean assorti bien droit et t-shirt blanc ajusté : c’est dans une tenue aux faux-airs de tailleur décontracté que Rachida Dati assistait le 26 février dernier à l’inauguration de la Fashion Week de Paris, aux cotés d’une Brigitte Macron toute de cuir vêtue.

Installée au premier rang du défilé des étudiants de l'IFM, la Ministre de la Culture fraichement nommée effectuait ainsi sa première sortie officielle dans l’univers impitoyable de la mode, guidée par une Première Dame qui n’en est pas à son coup d’essai.

Pourtant, malgré ses airs de jeune première et un vestiaire empreint de sobriété, Rachida Dati n’est pas complètement étrangère à la scène stylistique française.

Tout ce qui brille

Décrite comme "l’atout chic et féminin" du Gouvernement Fillon dès 2007, Rachida Dati affiche dès ses débuts sur le devant de la scène politique un style aussi fulgurant que son ascension.

Porte-parole effrontée de Nicolas Sarkozy durant sa campagne présidentielle puis Garde des Sceaux à la main de fer, celle qui incarne "Le visage de la France qui change" selon Paris Match affiche d’emblée un gout décomplexé pour les pièces de créateurs et autres grandes maisons de couture, avec une certaine inflexion pour Dior, Saint Laurent ou encore Céline.

Robes ultra-élégantse à la pointe des dernières tendances, stilletos Louboutin aiguisés comme pour mieux dominer, manteau cape Givenchy, pièces de joaillerie ostentatoires made in Place Vendôme, mais aussi carrés de soie Hermès qui auraient été achetés avec l’argent du contribuable selon la Cour des Comptes… La ministre de la juste assume et dépense (presque) sans compter.

Et ça se voit : selon le site d’information Médiapart, les frais de représentation auraient ainsi atteint 270 000 euros, soit un dépassement de 30 % du budget initialement alloué.

Vidéo du jour

Qu’à cela ne tienne, Rachida Dati assume et entend bien briser les codes traditionnels du vestiaire politique féminin, cantonné jusqu’à présent à une garde-robe austère, déconnectée des tendances.

Un comble pour un pays réputé à l’internationale pour sa scène mode et qui doit 3,1% de son PIB et 616 000 de ses emplois directement à ce secteur.

Revendiquer sa féminité pour mieux gouverner

Et pour cause, longtemps reléguée à l’arrière-cour du pouvoir, les élues et autres membres du gouvernement n’ont eu de cesse d’euphémiser leur féminité pour se frayer un chemin jusqu’aux hautes sphères de pouvoir, ajustant tout simplement le costume d’homme à leur morphologie.

Une stratégie vestimentaire d’autant plus impérative qu’elle s’exprime dans les années 2000 dans un contexte de crise économique rigoureux, mais surtout dans un pays qui, à droite comme à gauche, associe la mode et le luxe à une forme de frivolité typiquement féminine, décrédibilisant de fait le deuxième sexe, a fortiori lorsqu’il est issu de l’immigration, dans ses prétentions à concurrencer le premier sur le terrain politique et autres chasses gardées réputées masculines.

Alors forcément, quand Rachida Dati débarque au Conseil des Ministres en fourrure précieuse, robes glamour et talons de 10 cm, le conservatisme franco-français doublé de ses relents aussi sexistes que classistes ne manque pas de se faire entendre.

Comme le rappelle Le Point, lorsqu'on l'interroge sur cette fameuse robe rose en couverture de Paris Match et ses collants résille sur le perron de l’Elysée, elle rétorque qu'elle a "le droit de porter les collants qu’elle veut".

Et à une journaliste qui ose la provoquer : "C'est du Dior ? Vous n'avez pas l'impression de trahir votre condition en portant cela ?", elle répondit : "Ce qui vous gêne, c'est que, maintenant, ceux que vous considérez comme vos domestiques sont vos voisins et s'approvisionnent chez vos fournisseurs."

Ou comment redistribuer les cartes de la domination masculine, en plus de celles du système de classe avec de simples vêtements à la mode.

Le virage BCBG

Changement de cap politique oblige, la ministre qui deviendra par la suite députée européenne, puis Maire du très chic VIIe arrondissement de Paris, tout en assumant le double emploi du temps d'une femme active devenue aussi maman, finira par doucement s’extirper de ses silhouettes ultra-apprêtées.

Exit les escarpins haut perchés, Rachida Dati plébiscite peu à peu les souliers plats, conjuguant derbies et mocassins pour les rendez-vous de la semaine et sneakers pour les moments de détente en famille.

Sur une palette chromatique tout en retenue dominée par les nuances de bleu foncé, de nois, de gris et de blanc, la femme de pouvoir signifie son statut moins par des silhouettes ostentatoires que des tenues aux coupes impeccables et aux matières raffinées.

Vestes structurées (y compris inspirées de l’iconique smoking), chemises blanches studieuses et blouses innocentes, pantalons à pinces et jeans tirés à 4 épingles et même colliers de perles revisités : Rachida Dati empreinte aux codes du vestiaires BCBG, comme pour mieux normaliser son appartenance à une classe résolument dominante.

Nommée au Ministère de la Culture, elle confirme ce virage stylistique alors que bon nombre de commentateurs politiques, avec l'ère Sarkozy en tête, l'attendaient une fois de plus au tournant.

"Toute petite, j'ai eu le goût d'être bien habillée. C'est une question de correction à l'égard des autres. Maman me l'a enseigné." confiait-elle à Paris Match comme le rappelle le site Stiletto. Une leçon d’élégance taillée pour le pouvoir, que la prétendante à la Mairie de Paris semble plus que jamais vouloir suivre à la lettre.

L'évolution style de Rachida Dati dans le diaporama ci-dessous :