Jean-Claude Juncker, aux côtés de son commissaire en charge des questions fiscales Pierre Moscovici, le 17 septembre dernier. (Photo: Parlement européen)

Jean-Claude Juncker, aux côtés de son commissaire en charge des questions fiscales Pierre Moscovici, le 17 septembre dernier. (Photo: Parlement européen)

Une page qui pourrait faire toute la différence. Le 17 septembre dernier, Jean-Claude Juncker passait son grand oral devant la commission «taxe» du Parlement européen, constituée dans le sillage de l’affaire LuxLeaks.

Appelé à répondre aux questions des eurodéputés, l’actuel président de la Commission européenne était surtout attendu en tant qu’ancien Premier ministre luxembourgeois pour expliquer son rôle et la pratique de l’optimisation fiscale du Grand-Duché pour attirer des sociétés étrangères du pays. 

Krecké persiste et confirme

Parmi les questions soulevées durant l’échange modéré par le président de la commission Alain Lamassoure, celle de l'eurodéputé allemand Fabio De Masi apparaît de plus en plus comme une bombe à retardement. L’élu Die Linke est en effet revenu sur la désormais fameuse page manquante du rapport dit «Krecké» datant de 1997.

Comme le révélait Paperjam fin 2014, ce rapport commandé en 1996 par Jean-Claude Juncker au député socialiste Jeannot Krecké sur la fraude fiscale au Luxembourg aurait été publié un an plus tard sans une page relative aux tax rulings et à ses risques.

«Je peux confirmer que j’ai remis à M. Juncker une version publique et personnelle de mon rapport en avril 1997», a confirmé Jeannot Krecké au Spiegel qui est revenu samedi sur le témoignage de Jean-Claude Juncker. Jeannot Krecké avait fait une déclaration identique à Paperjam.lu, peu après l'audition de Jean-Claude Juncker devant les commissions «taxe» et «Econ» du Parlement européen.

«Je ne savais pas que cette page existait», avait pourtant indiqué Juncker en substance toujours devant les eurodéputés et «je ne lui avais pas demandé de l’enlever.»

Une nouvelle copie remise récemment

Les services de Jean-Claude Juncker n’ont pas souhaité répondre aux sollicitations du Spiegel suite à cette sortie de l’ancien ministre de l’Économie de Jean-Claude Juncker.

Une chose est pourtant sure, Jeannot Krecké a récemment remis à Jean-Claude Juncker une copie de la version in extenso du rapport qu’il a précieusement conservée étant donné que le principal intéressé ne trouve plus son exemplaire de l’époque.

À l’époque justement, en 1997 donc, le Luxembourg entamait la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union européenne, raison pour laquelle le rapport avait été rendu public sans la «page sensible». 

C’est en cette même année, en tant que président du conseil Ecofin, que Juncker avait «mis en place le code de bonne conduite contre la concurrence fiscale déloyale des entreprises et nous avons ouvert le chemin vers l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne», comme il l’avait rappelé le 17 septembre.

Plus que le bilan et les intentions du désormais président de la Commission européenne en matière de fiscalité, c’est sa parole même qui est sérieusement mise en question.

Mensonge ou amnésie? Juncker avait suggéré le 17 septembre de faire venir Jeannot Krecké devant les eurodéputés pour connaître le contenu de la page manquante. Avec ou sans convocation de l’ancien député et ministre luxembourgeois, la question sera de savoir si le président de la commission taxe, Alain Lamassoure, pourra faire l’économie d’une nouvelle convocation de Jean-Claude Juncker. Les eurodéputés membres de la commission ne manqueront certainement pas de faire pression en ce sens, alors que le mandat de cette commission ad hoc s'achève.