Décidés à oublier l’échec du Mondial grâce à un calendrier favorable et la réception du XV du Trèfle au stade Vélodrome pour commencer le tournoi 2024, les Bleus ont dû vite déchanter. Rapidement menés au score, ils doivent en plus évoluer en infériorité numérique, plombés par Paul Willemse. Le deuxième ligne tricolore, déjà sorti dix minutes pour un plaquage haut, récidive quelques minutes après son entrée et écope d’un carton rouge (32e). La France est alors menée 17-3.
En images : De la rouste irlandaise au triomphe dans le Crunch, revivez le tournoi des Bleus en mode « Space Mountain »
RUGBY le XV de France, chahuté presque à tous les matchs, a finalement bouclé un Tournoi des VI Nations, riche en émotions fortes, à la seconde place derrière l’Irlande
Un dénouement hitchcockien qui sonne comme une revanche après ce quart de finale traumatisant contre l’Afrique du Sud. Le XV de France a bouclé son Tournoi des VI Nations 2024 par une victoire in extremis dans un Crunch irrespirable sur une pénalité à la dernière minute. Trois points qui changent tout, puisqu’ils permettent aux Bleus de boucler le tournoi à la deuxième place, une habitude depuis 2020 (quatre fois deuxième, une fois premier). Un bilan honorable grâce à des faits de jeu souvent favorables, malgré un contenu en demi-teinte.
Eux aussi défaits en quarts de finale de la Coupe du monde pour un petit point et orphelins de Sexton, parti à la retraite, les Irlandais n’ont pas perdu foi en leurs principes de jeu, avec presque 60 % de possession. Jamais l’Irlande n’avait marqué autant de points face aux Bleus (17-38). C’est aussi la deuxième plus large défaite de Bleus à la maison dans l’histoire du Tournoi… depuis 1914.
Amenés à prendre le relais de Romain Ntamack, en reprise, et Antoine Dupont, parti se préparer pour les JO à sept, Matthieu Jalibert et Maxime Lucu étaient très attendus. Mais derrière un pack bousculé et une touche hors sujet (quatre lancers perdus), les deux coéquipiers de l’UBB ont été sevrés de ballon, avec moins de 50 prises de balles à deux contre 112 pour Gibson-Park et Crowley, leurs homologues irlandais.
Seule satisfaction de ce premier match largement perdu, le nouvel essai de Damian Penaud, qui en profite alors pour devenir le meilleur marqueur d’essais tricolore de l’histoire du tournoi avec 15 réalisations. C’est une de plus que Serge Blanco et Philippe Sella.
En Ecosse, les Bleus ne se rassurent pas vraiment sur le plan du jeu. Au cours d’un match, personne ne se risque à de grandes envolées au large. Quatre-vingt-quatre coups de pied sont échangés, dont 40 côté français, le deuxième plus haut total de l’ère Galthié. Une bataille au pied longtemps gagnée par les Ecossais et leur génial ouvreur Finn Russel.
Menés 16-10 et dominés tactiquement, les Bleus surgissent du néant à dix minutes de la fin. Sur un décalage du nouvel entrant Le Garrec, Louis Bielle-Barrey tape à suivre pour lui-même au-dessus de la défense du Chardon et parvient à aplatir. Les Bleus repassent alors devant d’un petit point.
Sur la dernière action, alors qu’ils n’ont plus que trente secondes à tenir avant de dégager en touche, les Bleus perdent leur ballon sur un ruck mal maîtrisé à dix mètres de leur ligne. Après plusieurs charges de pick and go, les Ecossais pensent avoir aplati derrière la ligne, mais l’arbitre Nic Barry n’est pas de cet avis. Il demande de l’aide à l’arbitre vidéo.
Après d’interminables minutes d’attente, et dans le doute d’une image plus nette qui infirmerait sa décision initiale, l’arbitre Nic Berry décide de ne pas accorder l’essai aux Ecossais. Les Bleus s’imposent d’un souffle (16-20) et signent leur troisième victoire à Murrayfield avec Galthié, mais avec beaucoup moins de marge que lors de la démonstration de 2022.
A Lille, les Français semblent d’abord dérouler contre une équipe italienne qui ne l’a jamais emporté dans l’Hexagone depuis son intégration dans le tournoi. 10-0 à la demi-heure de jeu, mais un manque de réalisme offensif malgré 70 % de possession, à l’image de plusieurs mauvais choix de Matthieu Jalibert dans les 22 mètres adverses.
Alors que le match en Ecosse avait montré du mieux sur la discipline, les Bleus sont de nouveau réduits à 14 après un plaquage tête contre tête de Danty en première période. Le sixième carton rouge de l’équipe de France dans le Tournoi des VI Nations, un record que ne jalouseront pas les autres nations.
Beaucoup moins souverains en infériorité numérique, les Bleus finissent par craquer sur un mouvement d’envergure des Transalpins conclu en coin par le feu follet Ange Capuozzo, bien plus à l’aise en sélection avec Toulouse. La transformation en coin de Garbisi remet les deux équipes à égalité (13-13), avant des dernières minutes irrespirables.
Cantonné dans ses 40 mètres lors de la dernière action, le XV de France concède une pénalité largement dans les cordes Paulo Garbisi, qui peut signer un exploit retentissant pour le rugby italien, de 35 mètres légèrement excentré à gauche. Mais l’impensable se produit alors. Le ballon chute du tee, et malgré l’aide d’un équipier, Garbisi est obligé de précipiter sa routine. Sa frappe vient heurter le poteau droit, les Bleus sauvent les meubles avec le match nul.
Conscient de la fatigue mentale et du manque d’énergie de son groupe, Fabien Galthié se décide à injecter du sang neuf face au Pays de Galles, l’équipe la plus faible du plateau. Le colosse Meafou, le filou Le Garrec, et la flèche Depoortere sont lancés dans le grand bain du Millenium, où on assiste à une orgie de rugby. Les Bleus mènent 20-17 à la mi-temps, en dépit de ses trous d’air défensifs.
Le culot offensif des Tricolores fait plaisir à voir à Cardiff, notamment quand il est incarné par le numéro neuf du Racing Nolann Le Garrec. Auteur d’une chistera aussi magnifique que risquée pour son ouvreur Thomas Ramos qui fera le tour de la planète rugby, le jeune homme inscrit aussi un essai au ras du regroupement qui relance des Bleus alors en difficulté.
L’autre révélation de la rencontre est à chercher du côté des avants. Emmanuel Meafou, brillant avec le Stade Toulousain, est enfin sélectionnable après avoir fait le choix de la France plutôt que de l’Australie. Doté d’un gabarit impressionnant (2,02 m, 145 kg), il était le deuxième ligne qui manquait au staff de Galthié.
Même imparfaits, les hommes de Galthié signent leur record de points lors d’une victoire en terre galloise (24-45), puisque la rouste mythique de 1998 (0-51) avait eu lieu à Wembley, pour cause de travaux à l’Arms Park. Alors que les Gallois se dirigent tout droit vers la cuillère de bois, les Bleus ont encore une petite chance mathématique de gagner le tournoi en cas de victoire face à l’Angleterre et de défaite des Irlandais contre l’Ecosse.
Face à leurs meilleurs ennemis du tournoi, qui ne les ont plus battus depuis 2021, les Bleus réalisent une première mi-temps enthousiasmante, avec un magnifique essai de relance conclu par Le Garrec. Malheureusement, deux occasions d’essais laissées en route permettent au XV de la Rose de rester dans le match à la mi-temps grâce à un essai tout en puissance de Lawrence (16-10).
Après une première demi-heure loin de l’impression laissée face à l’Irlande une semaine plus tôt (victoire 23-22), le XV de la Rose se rebiffe et passe un 21-0 aux Bleus en moins d’un quart d’heure, transperçant à plusieurs reprises le rideau défensif mis au point par Shaun Edwards. Devant au score 16-3 à la 38e, les Bleus se retrouvent menés 24-16.
Au bord du gouffre, l’équipe de France se relève grâce à un impact physique retrouvé et une certaine réussite sur quelques rebonds favorables, à l’image d’un coup de pied défensif de Ramos qui finit un peu par hasard dans les bras de Penaud, lequel envoie Fickou à l’essai. Les Bleus repassent devant mais restent à portée d’essai transformé des coéquipiers de Georges Ford (30-24).
Lors de sa dernière attaque, le XV de France obtient une pénalité à cinquante mètres légèrement à droit des poteaux. Thomas Ramos, l’un des buteurs les plus fiables du monde, a le coup de pied de la gagne au bout du pied. L’arrière toulousain, replacé ouvreur après la blessure de Jalibert contre l’Italie, vient de rater une pénalité dans ses cordes quelques minutes plus tôt. Mais il ne tremble pas et permet aux Bleus de battre l’Angleterre (33-31) pour la quatrième fois d’affilée à la maison.