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Exposition patrimoniale à GenèveLe MAH voyage à travers la peinture française du XIXe

Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875), «Le quai des Pâquis à Genève», huile sur toile, vers 1842.

Une exposition organisée par des experts du musée, avec la collection, et dont le propos se voit solidement étayé. Dans un MAH (Musée d’art et d’histoire de Genève) qui n’a de cesse de confier ses clés à des curateurs extérieurs, cette proposition a quelque chose de rafraîchissant. Avec «De bleu, de blanc, de rouge», l’institution a symboliquement hissé le drapeau tricolore sur la rue Charles-Galland.

Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875), «Nymphe couchée à la campagne ou Le Repos», huile sur toile, vers 1857-1859.

Poursuivant ses projets de valorisation des collections, elle s’est plongée dans l’étude des peintures françaises du XIXe ​siècle en sommeil dans ses réserves. Durant trois ans, en collaboration avec l’Université de Genève (UNIGE), elle a travaillé sur un corpus de 212 tableaux nés de pinceaux partageant un même langage artistique, actifs dans l’Hexagone ou d’origine française mais œuvrant à Genève.

François-Xavier Fabre (1766-1837), «Mort de Socrate, huile sur toile, 1801-1802.

Campagne de restauration

Une soixantaine d’étudiants ont participé à ce programme de recherche qui s’est concrétisé par la publication d’un catalogue sous la direction de Frédéric Elsig, professeur d’histoire de l’art à l’UNIGE, et Victor Lopes, conservateur-restaurateur au MAH. Un livre somme de plus de 500 pages, dont l’exposition découle. L’autre pan du projet a consisté en une campagne de reconditionnement de l’ensemble du fonds, ainsi que la restauration fondamentale de 35 peintures et de 3 sculptures.

Au revers d’une toile de Gustave Courbet (1819-1877), on peut voir nombre d’étiquettes qui permettent de retracer l’histoire du tableau.

«Les investigations se sont d’abord appuyées sur la matérialité des tableaux, explique Victor Lopes. Nous nous sommes attachés à retracer leur origine, leur parcours, à établir leur statut, dans une exploration de l’histoire patrimoniale de l’art.» L’un des deux axes de l’accrochage repose ainsi sur la mise en lumière des coulisses des métiers du musée.

Dans trois cabinets du 1ᵉʳ étage, le public découvre comment les couches successives de peintures, le revers d’une toile ou son cadre peuvent révéler le parcours et l’identité d’une œuvre. Ce travail a permis d’en réhabiliter certaines, comme une «Tête de supplicié» de Théodore Géricault, longtemps considérée comme un pastiche.

Théodore Géricault (1791-1824), «Tête de supplicié», huile sur toile, vers 1816-1817.

Une histoire du goût

Le propos déroule un second fil: celui de la constitution du corpus au gré de l’évolution des collections, qu’elles soient privées ou publiques. Visible dans la salle 415 en haut de l’escalier, ce récit débute avec quelques pièces jamais montrées, tel ce portrait de la cantatrice Élise Masson par Jean-Baptiste Guignet, ou une huile de Charles Cottet datant du début du XXe ​siècle. «Nous avons établi une chronologie allant de 1800, date finale du catalogue précédent établi par Renée Loche il y a vingt-huit ans, à 1918, qui correspond à un tournant de l’histoire du goût», avance Frédéric Elsig.

Vincent Van Gogh (1853  1890), «Vue d’Auvers avec champ de blé», huile sur toile, 1890.

Un mur se voue aux collectionneurs privés à travers trois figures genevoises. L’incontournable Jean-Gabriel Eynard, promoteur du néoclassicisme qui rassembla en son palais de l’Athénée de remarquables peintures, telle cette «Mort de Socrate», exécutée en 1801-1802 par François-Xavier Favre.

Passionnés de voyages et d’orientalisme, Gustave Revillod et Walther Fol ont également beaucoup collectionné dans la deuxième partie du XIXe ​siècle. Le premier fondera le Musée Ariana, légué à la Ville en 1890, le second fera don aux autorités municipales, en 1871, d’une partie de ses antiquités classiques réunies en Italie.

Alfred Sisley (1839 – 1899), «Le Barrage du Loing à Saint-Mammès», huile sur toile, 1885.

Les collections publiques du Musée Rath, puis du MAH, s’affichent sur la paroi d’en face. Acquis par l’institution sise à la place Neuve, un noyau de cinq tableaux de Jean-Baptiste Camille Corot lance la politique d’achat des peintures françaises. On peut admirer quelques paysages et une «Nymphe couchée à la campagne».

«Réaliser un catalogue raisonné offre de comprendre les points forts et les lacunes d’une collection, souligne le professeur Elsig. Le MAH compte le plus grand ensemble de Corot de Suisse, artiste qui eut un impact important sur la peinture genevoise, mais aucun Manet, par exemple.»

Ce rare mannequin articulé en bois sculpté était utilisé par les peintres pour reproduire diverses positions sans avoir recours à un modèle.

Passion impressionniste

Une autre phase d’acquisition débute avec l’exposition nationale de 1896, parallèlement à une augmentation des dons et legs. Considérés comme l’avant-garde de la fin du XIXe ​siècle, Eugène Carrière et Auguste Rodin font leur entrée au musée, avant qu’on ne se passionne pour les impressionnistes – ces derniers sont arrivés tardivement au MAH (en 1980 et 1990), essentiellement par le biais de deux fondations.

Organisées en bouquet autour d’un Nymphéas de Claude Monnet, des peintures d’Alfred Sisley, Camille Pissarro, Vincent Van Gogh ou Paul Cézanne donnent à voir la grande diversité du genre.

Deux chambres claires (1860 et vers 1880-1900) encadrent une chambre noire de voyage (1820)

La présentation dialogue avec quatre îlots passionnants consacrés au métier du peintre au centre de l’espace. «Son étude reste une source essentielle pour comprendre les processus de création au fil du contexte historique et du développement des techniques», révèle Victor Lopes.

L’artiste genevois Jean-Jaques, dit James, Pradier (1790 – 1852) était sculpteur et peintre. Il a réalisé la toile et le cadre de cette «Pietà» (1838).

Du secret de son atelier, où il prépare les couleurs et s’appuie sur des traités d’anatomie, l’artiste, petit à petit, s’aventure en plein air pour peindre sur le vif. L’apparition de tubes, de pinceaux plus efficaces, de coloris prêts à l’emploi et de la chambre claire, ce dispositif optique de poche constitué d’un prisme monté sur une tige en laiton offrant de fixer les contours d’un sujet, libère les peintres et les amène à explorer d’autres univers.

Un vœu que formule également le duo à qui l’on doit cette remarquable exposition: il espère désormais s’attaquer à d’autres corpus de la collection. La peinture genevoise, par exemple.

Jusqu’au 18 août au MAH, 2, rue Charles-Galland. Ma – di 11 h-18 h, je 12 h – 21 h.