Monique, 65 ans, et Serge, 67 ans, sont en couple depuis 45 ans. Après une vie côte à côte, les amoureux ont eu besoin de suivre une thérapie de couple pendant quelques mois une fois qu’ils ont été tous les deux à la retraite. 

Monique ne se rappelle pas d’avoir partagé beaucoup de disputes avec Serge au long de leur histoire : « Il y a eu le mariage et puis les enfants. Mon patron a mis la clé sous la porte quand j’avais 42 ans donc il y a eu le stress de retrouver du travail. Serge a fait toute sa carrière au même endroit. On se voyait le soir et les week-ends mais il y avait toujours quelque chose à gérer, soit un enfant à emmener quelque part, soit de la famille à voir. Dans notre couple, c’est surtout moi qui m’occupais de la maison. Il ne se mêlait pas trop de ça. Au final, on a passé des décennies ensemble mais assez peu de temps l’un avec l’autre. Je m’estimais chanceuse parce que je ne le voyais jamais en colère, qu’on ne se criait pas dessus. Mais je pense que ça aurait été bien compliqué de trouver des sujets de dispute vu nos quotidiens à lui et à moi. On a surtout fait nos vies en parallèle, comme une équipe. »

Mais, à la retraite, le couple se retrouve passer ses journées véritablement à deux : « La retraite, c’est quelque chose de très déstabilisant. On ne sait pas trop quoi faire de ses journées. Ça a été mon cas en tout cas. Sans enfant et sans patron à gérer, je ne savais pas trop de quoi je pouvais avoir envie. Ça s’est passé un peu pareil pour Serge. Je l’ai vu un peu tourner en rond à la maison avant qu’il ne se mette à bricoler tout et n’importe quoi. Il a consacré du temps en plus à nos enfants, ça oui. Il est allé les voir pour rendre des services. Mais quand on était tous les deux à la maison, on ne savait pas quoi se dire. Et on ne s’entendait sur rien. J’avais envie de regarder la télé et lui, il avait envie de sortir. Ou alors il voulait partir en voyage et moi je voulais qu’on se lance dans des travaux. On a commencé à avoir des discussions un peu tendues et à se faire la gueule, ce qui n’était jamais arrivé. J’en ai parlé à ma fille qui m’a dit que ça ne l’étonnait pas qu’on ne s’entende pas si bien que ça au quotidien et qui a proposé qu’on aille voir un psychologue. On a jamais dit "thérapie de couple", on disait toujours "aller voir le docteur", même si ce n’est pas un docteur. »

Apprendre à être amoureux 

Monique est heureuse de découvrir un cabinet chaleureux et un thérapeute à leur écoute : « J’avais cette fausse image du psy un peu froid avec des lunettes et qui ne dit jamais rien à part des "oui, oui". On est allé voir une femme qui s’est avérée être très rigolote, avec un grand sourire. Je me suis sentie tout de suite à l’aise dans son cabinet. Et ce qui m’a fait du bien c’est qu’on n’a pas fait que parler. Elle nous a donné des exercices à faire pour nous reconnecter l’un à l’autre et retrouver des gestes de tendresse. J’ai dit à mes amies que je pensais qu’elle nous avait appris à être amoureux et je le pense. On n’avait pas eu le temps de l’être avant ça. »

On a laissé faire et ça aurait pu être la fin de nous deux

Serge a, lui aussi, eu peur de perdre sa femme : « Je voyais bien qu’on ne partageait plus rien et que j’étais de plus en plus fermé. Je me connais. Je ne savais pas quoi faire pour aller vers elle. Je pense que c’est normal dans un couple de ne pas vouloir les mêmes choses mais on doit pouvoir se retrouver le soir et partager un bon moment, ce qui n’a pas été notre cas pendant les premiers mois où on a été en retraite tous les deux. On n’avait rien préparé, je crois aussi que ça a joué. On n’en avait pas parlé. On a laissé faire et ça aurait pu être la fin de nous deux. Je ne suis pas très expansif mais je n’ai jamais voulu une chose pareille. J’ai toujours aimé et admiré ma femme. Je ne sais juste pas comment lui dire ou lui montrer. Et on ne peut pas se reposer là-dessus. »

Je me suis remis à la regarder comme je le faisais au début

Il garde un bon souvenir de la thérapie de couple : « Je n’aurais jamais eu cette idée. Pour moi, c’est quelque chose que font plutôt les jeunes couples. C’est d’ailleurs ma fille qui a eu l’idée. Chez nous, ça ne se faisait pas trop. Et je crois, d’ailleurs, que je ne connais personne qui en a fait une. Mais avec Monique, on avait envie de continuer à s’aimer donc on a décidé d’aller "chez le docteur" pour se donner une chance. Je ne peux pas dire que je n’ai pas été un peu mal à l’aise parce que les exercices qu’on devait faire, se regarder dans les yeux en se disant des choses, prendre le temps de se toucher un peu tous les jours. Ce ne sont pas des épreuves mais c’est bizarre de se dire qu’on doit un peu se forcer pour que ça se fasse.

J’avais l’impression d’être un gamin, de mal faire mes devoirs. Et puis, ça nous a rendu complice. On a retrouvé ça entre nous. On faisait quelque chose pour nous, parce qu’on s’aimait. Réaliser ça m’a fait beaucoup de bien. Je me suis remis à la regarder comme je le faisais au début, à vraiment la regarder et à la trouver belle. Et à lui dire aussi, grâce à la psychologue. Je pense que c’est important de faire les choses. On ne peut pas dire "on a passé 40 ans ensemble" juste en attendant que le temps passe. Pour partager quelque chose pendant des décennies comme ça, il faut en avoir envie et activement le rechercher. Je pense qu’on a passé beaucoup de temps avec l’autre sans en avoir vraiment conscience, un peu comme une présence rassurante. Mais maintenant, je suis avec ma femme. Je suis vraiment avec elle. Et c’est la thérapie qui a permis ça. »