Alexis Gruss, l’homme qui voulut faire du cirque un patrimoine vivant

HOMMAGE — Alexis Gruss (1944-2024) était un artiste complet, créateur de grands spectacles et directeur de cirque. Toute sa vie, il a transmis en famille les savoir-faire exceptionnels des arts équestres de la piste.

Alexis Gruss, en 2021, lors des répétitions du spectacle de la compagnie équestre Gruss au chapiteau carrefour des Cascades, à Paris.

Alexis Gruss, en 2021, lors des répétitions du spectacle de la compagnie équestre Gruss au chapiteau carrefour des Cascades, à Paris. Photo Olivier Lejeune/Le Parisien/MAXPPP

Par Stéphanie Barioz

Publié le 07 avril 2024 à 12h23

Mis à jour le 08 avril 2024 à 09h31

La saison des Folies Gruss sous chapiteau à Paris, qui concrétisait 50 ans de spectacles dans la capitale, s’est terminée en mars 2024 après plus de 160 représentations. Cette année, Alexis Gruss, le patriarche, le maître écuyer, revenait sur toutes les aventures de son incroyable vie d’artiste, de palefrenier et de garçon de piste à directeur de cirque. Il allait avoir 80 ans le 23 avril 2024. Mais il a quitté les siens soudainement le matin du 6 avril.

« Alexis Gruss a été un homme de tous les défis artistiques. Il a restauré, anobli et rendu élégantes les disciplines équestres de la piste. Il a revitalisé le spectacle de cirque moderne créé en 1768 par l’Anglais Philip Astley, rappelle Marika Maymard, historienne du cirque. Il a insisté sur l’importance des savoir-faire de ce cirque équestre. Il a donné toute leur importance aux musiques et à l’orchestre.  »

« C’est un artiste d’exception. Il avait cette polyvalence des grands anciens qui savent tout faire sur la piste, mais aussi la conscience et la vision que le cirque peut tout exprimer, être à la fois un miroir et un creuset de la vie et de l’art, explique Pascal Jacob, directeur artistique de Cirque Phénix et du Festival mondial du cirque de demain. Alexis Gruss n’a jamais cessé de créer avec cette faculté de toujours tout renouveler en s’appuyant sur son répertoire équestre de pyramides, d’élévation, de voltige… ce qui représente des années d’anticipation et de travail. Il a su et il a pu s’appuyer sur sa famille, composée d’artistes hors pair. » Sa rencontre avec la comédienne Silvia Monfort fut déterminante. En 1974, ils créent ensemble à Paris une exposition sur le cirque – qui était alors un art moribond –, un spectacle et une école qui devint le Conservatoire national des arts du cirque et du mime.

En maître exigeant, qui enseigne le geste par l’exemple, Alexis Gruss a transmis à sa famille l’impérieuse nécessité du travail, l’exigence et la rigueur, le goût de l’excellence. Grand amoureux des chevaux, il avait, avec son épouse Gipsy, née Bouglione, commencé à se produire avec deux chevaux. La cavalerie en compte aujourd’hui une cinquantaine. Alexis Gruss a cumulé des milliers de kilomètres pour aller chercher ses partenaires et compagnons de piste, au Portugal, en Espagne, aux Pays-Bas, au Maroc. Il a créé des numéros esthétiques et virtuoses, ainsi « la cabriole » avec son cheval d’Artagnan, la « double valse » avec rubans et tissus, les « carrousels » et l’emblématique « poste aux chevaux » qu’il a montée jusqu’à 18 chevaux avec une intensité extraordinaire.

Gipsy, fildefériste et funambule, a appris à leurs quatre enfants et nombreux petits-enfants les disciplines saltimbanques : le fil, les équilibres, l’échelle libre, le jonglage, le trapèze… mais aussi la grâce et le salut au public. Aujourd’hui, leur fille Maud est responsable de la cavalerie, ce qui représente comme le dit la famille « un travail d’orfèvre et de titan, à la fois dans l’ombre et la lumière ». Leur fils Stéphan, acrobate à cheval et jongleur, a pris la direction artistique des Folies Gruss. Leur fils Firmin, artiste et directeur général, veille à tout dans l’entreprise.

Alexis Gruss fut un artiste complet, avec une force de caractère peu commune. Comme le rappelle Firmin, « il a toujours souhaité que cet art équestre qu’il a sans cesse enrichi de ses créations soit reconnu comme un patrimoine vivant, au moment même où le geste est réalisé et transmis, c’est-à-dire maintenant. »

Les Folies Gruss reprennent à Paris en octobre 2024.

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