Les contribuables connaîtront bientôt le régime auquel ils seront soumis pour la taxe foncière 2024. Les communes avaient en effet jusqu’au lundi 15 avril pour voter leur budget et, côté recettes, une éventuelle augmentation de cet impôt assis sur la propriété. Dans le contexte de fortes tensions sur les finances publiques et d’un débat relancé sur les augmentations d’impôts, le sujet est très sensible. En septembre dernier une vive polémique avait éclaté entre les élus et le chef de l’État qui, dans une intervention télévisée, leur avait reproché de faire porter à l’État la responsabilité de la hausse de la taxe en 2023.

Le mode de calcul de cet impôt local est de fait complexe. La base de la taxe foncière est fixée chaque année dans la loi de finances en fonction de l’inflation. En se référant à l’indice des prix à la consommation, les parlementaires ont ainsi voté une hausse de 3,9 % l’automne dernier. Les collectivités ont ensuite la main sur le taux qu’elles peuvent baisser, maintenir ou augmenter. Malgré la poussée d’inflation, seulement 15 % des communes avaient décidé d’une hausse l’an dernier.

« Ce devrait être encore moins cette année, alors qu’on se rapproche des municipales de 2026 » , envisage Antoine Homé, coprésident de la commission finances de l’Association des maires de France (AMF). L’inflation ayant été supérieure à 3,9 %, le maire socialiste de Wittenheim (Haut-Rhin) a juste fixé un point de hausse de taux pour maintenir son budget à euro constant. Son confrère de Talence (Gironde), Emmanuel Sallaberry, a décidé lui de ne pas augmenter l’impôt mais témoigne de tensions très fortes liées à l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires côté dépenses et à la baisse des transactions immobilières côté recettes. « 2024 est une sorte de budget d’attente mais il y a chez les confrères une très grosse inquiétude pour 2025 », enchaîne Emmanuel Sallaberry, l’autre coprésident de la commission des finances de l’AMF.

Une fiscalité « à bout de souffle »

Au-delà de la situation budgétaire, les deux élus dénoncent une fiscalité locale « à bout de souffle ». La suppression progressive des impôts locaux (taxe professionnelle, d’habitation, etc.) a été compensée par une part de TVA mais cette situation présente plusieurs inconvénients. Elle est le signe d’une forme de recentralisation rampante de l’État contraire au principe d’autonomie financière des collectivités territoriales. Surtout, le fait que de moins en moins d’habitants paient l’impôt participe à « affaiblir le lien entre le citoyen et la commune », analyse Emmanuel Sallaberry.

Des voix nombreuses réclament une remise à plat de la fiscalité. Selon un rapport présenté le 10 avril à l’Assemblée nationale, la question de la création d’une nouvelle contribution à la main des collectivités locales aurait la faveur de députés de gauche et de droite, mais aussi d’une partie de la majorité. Le document dressait un état des lieux sans faire des recommandations, alors que ce sujet sera au menu d’un rapport sur une nouvelle étape de décentralisation que le député Éric Woerth doit remettre en mai au chef de l’État. « Il faut revenir à un panier de recettes plus large, à une contribution plus universelle. Tout ne peut pas reposer sur les seuls propriétaires », explique Antoine Homé qui a été reçu trois fois par Éric Woerth et évoque « un dialogue courtois ».