Surconsommation : en découdre avec la fast fashion : épisode • 2/3 du podcast Toujours plus ! L'économie des excès

Décharge de vêtements dans le désert Atacama au Chili, le 26 septembre 2021. ©AFP - Martin Bernetti
Décharge de vêtements dans le désert Atacama au Chili, le 26 septembre 2021. ©AFP - Martin Bernetti
Décharge de vêtements dans le désert Atacama au Chili, le 26 septembre 2021. ©AFP - Martin Bernetti
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À l'heure où le vêtement s'apparente à un bien de consommation jetable, produit dans des conditions relevant de l'esclavage moderne, comment mettre fin aux déboires de la fast fashion ?

Avec
  • Audrey Millet Historienne, chercheuse en anthropologie du travail à l’Oslo Metropolitan University et à l’Université de Bologne

L'industrie de la mode, autrefois rythmée par des saisons distinctes et des collections durables, a subi une mutation significative avec l'avènement de la Fast Fashion. En 1966, Paco Rabanne, visionnaire, conçoit une robe en papier "bon marché", prédisant qu'elle ne serait portée que "une ou deux fois". Il prophétise alors : "Pour moi, c’est l’avenir de la mode". Cette vision audacieuse se concrétise, près de cinquante ans plus tard, avec l'émergence de la fast fashion.

La Fast Fashion, caractérisée par des cycles de production accélérés et des vêtements à bas prix, a bouleversé les normes de consommation. Cette transformation a entraîné une surproduction massive de vêtements. Celle-ci n’est pas alimentée par une demande, mais fonctionne plutôt selon une loi de l’offre : bien sûr, la fast fashion rencontre des consommateurs, mais ceux-ci se retrouvent plutôt captifs de ce flot de propositions attrayantes qui se déversent tous les jours sur les sites comme Shein ou encore Temu, alimentée par une demande sans cesse croissante et des pratiques de fabrication peu durables. Selon des données de la Banque mondiale, la production de vêtements a doublé entre 2000 et 2015 et suivra la même progression dans les quinze prochaines années. Cette surproduction conduit à une surconsommation débridée, où les consommateurs sont incités à acheter toujours plus, attirés par des prix alléchants et des tendances éphémères.

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Derrière la façade brillante de la Fast Fashion se cachent des dérives majeures. Les conditions de travail dans les usines de fabrication, souvent situées dans des pays en développement, s’apparentent souvent à de l’esclavage moderne avec des salaires bas et des horaires de travail excessifs, Audrey Millet nous explique "la fast fashion est basée sur la prédation de l'environnement et du travailleur. L'ultra fast fashion aussi, sauf que les volumes sont multipliés. Ils font des produits encore moins chers, donc faits dans des conditions encore plus abominables d'exploitation du travailleur. Au point de les tuer, afin de baisser les coûts encore plus et encore plus. Selon l’Organisation mondiale du commerce, la Chine, l’Inde, et plus récemment le Cambodge et le Bangladesh, font partie des dix premiers exportateurs de textiles mondiaux. En Inde, une usine officielle de fabrication emploie en moyenne 800 ouvriers, six jours sur sept, dix heures quotidiennement, pour des salaires de 90 euros par mois."

De plus, la production de masse engendre une énorme quantité de déchets textiles, contribuant ainsi à la crise environnementale mondiale. Face à ces défis, il est impératif de remettre en question notre modèle de consommation et d'adopter des pratiques plus durables dans l'industrie de la mode.

À écouter : Fast fashion
Le Temps du débat
38 min

Pour aller plus loin

  • Audrey Millet : Le livre noir de la mode. Création, production, manipulation (Les Pérégrines, 2021)
Cultures Monde
57 min

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