Tout le dossier Tout le dossier
-
L'instant Tech
Big data, machine learning... Les technos d'Ocean 50 Primonial qui ont aidé Sébastien Rogues à gagner la 15e Transat Jacques Vabre
-
Nautisme
Les coulisses de la conception du maxi-trimaran Banque Populaire XI
-
Technos et Innovations
Résine recyclable à l'infini, composites... Comment la technologie s'invite à bord du trimaran Arkema 4
Résine recyclable à l'infini, composites... Comment la technologie s'invite à bord du trimaran Arkema 4
L’innovation est omniprésente lors des courses en mer, pour repousser les performances des bateaux. Focus sur Arkema 4, un trimaran de la classe Ocean Fifty.
Ce n’est pas qu’un nom sur une coque. L’entrée d’Arkema dans le sponsoring de la voile, en 2012, découle de la rencontre avec l’équipe Lalou Multi. L’écurie du navigateur Lalou Roucayrol se distingue dans le monde de la course au large avec sa base implantée en Aquitaine, et non en Bretagne, et comme l’une des rares à concevoir et construire ses navires. À la recherche de colles et d’adhésifs de performance, Lalou Multi s’est rapproché à l’époque d’Arkema. De fournisseur, le chimiste se laisse embarquer comme partenaire, séduit par la perspective de développer l'application de ses matériaux dans cet environnement inédit et extrêmement exigeant. Le courant passe aussi très bien avec Lalou Roucayrol.
Celui qui « construit des bateaux depuis trente ans » est ravi de collaborer avec des ingénieurs avec qui il « parle le même langage technique ». Il décrit une collaboration foisonnante avec le centre de R & D d’Arkema à Lacq (Pyrénées-Atlantiques) et « des retours directs sur les matériaux. Ils viennent sur le chantier, nous allons sur place pour débriefer. Il y a une vraie différence d’échelle quand on passe du volume en laboratoire au volume industriel ».
Intégration en amont
Après une première expérience sur un trimaran Multi50, avec une victoire sur la Transat Jacques Vabre en 2017, puis sur un voilier de 6,5 mètres dans la catégorie Mini, Arkema et Lalou Multi s’engagent en 2018 dans le projet Arkema 4. Après deux ans de chantier, ce trimaran de 15 mètres de longueur de la classe Ocean Fifty (anciennement Multi50) a été mis à l’eau en septembre 2020. Le bateau a démarré en mai les premières épreuves du circuit, avec en ligne de mire des objectifs ambitieux sur deux courses phares, la Transat Jacques Vabre, qui s’élancera le 7 novembre, et la Route du Rhum 2022.
Par rapport à d’autres pièces comme les pales d’éolienne, qui ont une épaisseur de plusieurs centimètres, sur un bateau il faut des pièces de haute résistance mécanique de quelques millimètres d’épaisseur.
« Pour Arkema 4, nous avons été impliqués dès le début, avec l’opportunité d’aller plus loin dans l’intégration des matériaux, en amont avec l’architecte, et de contribuer à l’innovation architecturale », raconte Daniel Lebouvier. Responsable technique pour le projet, il décrit l’utilisation de « certains matériaux tels quels, comme des adhésifs, mais aussi de matériaux en développement, ce qui a nécessité un peu de R & D. C’est le cas de notre résine liquide thermoplastique Elium. Par rapport à d’autres pièces comme les pales d’éolienne, qui ont une épaisseur de plusieurs centimètres, sur un bateau il faut des pièces de haute résistance mécanique de quelques millimètres d’épaisseur ». Une contrainte qui nécessite des ajustements plus spécifiques du produit.
Une résine recyclable à l'infini
Cette résine est au cœur du projet. Comme tous les Ocean Fifty, Arkema 4 doit répondre à des contraintes fortes, notamment en termes de poids et de foils – ces ailes devenues incontournables permettant aux bateaux de voler sur l’eau. Sa coque a été principalement conçue en sandwich mousse verre-époxy avec des renforts carbone. Des matériaux standards, mais qui ne sont pas recyclables. Or la résine Elium est, elle, entièrement recyclable.
« On peut la dépolymériser par un traitement thermique particulier puis, avec des étapes de distillation et de purification, revenir à un monomère strictement identique au produit de départ, recyclable indéfiniment », décrit Daniel Lebouvier. Au cours de la construction, cette résine a été utilisée pour fabriquer des moules pour certaines pièces avant d’être recyclée puis réutilisée pour en faire des pièces. Pour le Mini, elle avait servi à concevoir la coque et le pont, rendant entièrement recyclable ce bateau de course. Une première mondiale !
Associer légèreté et résistance
Là, les équipes ont estimé n’avoir « pas encore assez de recul pour se lancer dans une coque complète de 15 mètres en composite à base d’Elium. Nous avons limité son utilisation aux carénages, avec une aérodynamique très travaillée, notamment les bras qui sont profilés en aile d’avion, et à l’arrière du bateau avec le rouf et le cockpit qui sont entièrement recyclables », détaille le responsable technique. Grâce à sa légèreté et sa haute résistance mécanique, la résine Elium a également été employée dans des composites carbone pour les points d’attache des voiles.
Dans Arkema 4, nous n’avons utilisé que de la colle pour 50% des assemblages. Nous avons gagné du poids et du temps de mise en œuvre.
À bord, Arkema a aussi placé des vitrages en verre acrylique flexible (une activité cédée au chimiste Trinseo au printemps), particulièrement légers et résistants aux chocs, ainsi que son polymère Kynar dans les batteries au lithium. Daniel Lebouvier relève enfin l’utilisation d’une colle méthacrylate de méthyle au lieu au lieu d’une colle époxy ou polyuréthane. Sa spécificité ? « Sa très grande résistance aux chocs permet de coller sans stratification. Souvent, les fabricants de bateaux de course ajoutent une strate de composite entre les pièces pour les assembler. Dans Arkema 4, nous n’avons utilisé que de la colle pour 50 % des assemblages. Nous avons gagné du poids et du temps de mise en œuvre. »
De plus, ces colles ont la particularité de se passer d’air pour polymériser, ce qui permet une application même sous l’eau. En course, Arkema 4 embarque ainsi des kits de colles pour réparer les éventuelles voies d’eau. Au-delà du prestige de la course au large, ce projet permet au groupe de progresser sur la maîtrise des produits, conclut Daniel Lebouvier. « C’est un laboratoire grandeur nature qui permet de tester de nouvelles applications, de nouvelles façons de mettre en œuvre nos matériaux. »
L’Elium, révolution recyclable
Arkema vante une résine aussi résistante que l’acier, mais de 30 % à 50 % plus légère. L’Elium est la première résine thermoplastique liquide permettant de fabriquer des pièces composites en utilisant les mêmes procédés qu’avec les résines thermodurcissables, comme l’époxy et le polyester. Sa caractéristique thermoplastique en fait en outre un matériau post-formable et recyclable, chimiquement ou mécaniquement, en revenant à la même résine vierge.
Issue des travaux du Groupement de recherches de Lacq d’Arkema, la gamme Elium est principalement utilisée dans les pales d’éoliennes, qu’elle rend recyclables alors qu’elles étaient très majoritairement incinérées ou enfouies en fin de vie. Les applications s’étendent dans les transports, le nautisme et la construction. Ces derniers mois, de nouveaux grades d’Elium ont été mis sur le marché pour une utilisation avec des procédés de pultrusion, ouvrant des applications dans les profilés de fenêtre et des renforts de béton.
SUR LE MÊME SUJET
PARCOURIR LE DOSSIER