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Croatie : des législatives ce mercredi, dynamitées par un président trumpiste

Le président croate Zoran Milanovic, le 7 janvier 2021.

© AFP

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InfoPar Simon Rico, correspondant en Croatie

Un peu plus de 3,7 millions d’électeurs croates sont appelés aux urnes le 17 avril pour élire leurs 151 députés. Pas moins de 165 listes et 2302 candidats se présentent, mais la campagne s’est résumée à la confrontation entre le Premier ministre conservateur Andrej Plenković et le président social-démocrate Zoran Milanovic qui veut draguer l’extrême-droite.

Il n’est pas officiellement candidat, mais on ne voit que lui. À la mi-mars, ce dernier a d’abord fixé la date de ces élections légèrement anticipées, comme le veut le protocole, avant d’annoncer qu’il allait lui-même mener la campagne du Parti social-démocrate. Le Conseil constitutionnel a eu beau le lui interdire, il n’en a eu cure, préférant répliquer que ces sages n’étaient que des "paysans illettrés".

À droite toute

Depuis, la campagne tourne autour de sa personne et de ses frasques. Bien décidé à occuper tout l’espace médiatique, le président multiplie en effet les déclarations coups de poing, avec une rhétorique particulièrement agressive qu’on dirait calquée sur celle de Donald Trump. "Il s’agit d’une stratégie marketing calculée, d’une performance soigneusement conçue", assure l’écrivain et journaliste Jurica Pavičić, interrogé par l’antenne balkanique de la Deutsche Welle.

Cela s’inscrit dans la continuité de son mandat de président. Depuis son élection début 2020, vécue comme une divine surprise par le SDP après plusieurs revers cuisants, Zoran Milanović a entamé sa mue à droite toute. Auparavant, ce diplomate de carrière faisait pourtant figure de social-démocrate bon teint et proeuropéen : c’est d’ailleurs sous son mandat de Premier ministre (2011-2016) que la Croatie a rejoint l’Union européenne à l’été 2013.

"Milanović essaie de surfer sur la vague de colère d’une partie importante de la classe moyenne en Croatie", poursuit Jurica Pavičić, qui pointe "l’accumulation de scandales de corruption" et le fait que "tout le pays […] est complètement étouffé par le parti au pouvoir, de l’opéra jusqu’aux pompiers". En deux mandats à la tête du gouvernement, Andrej Plenković a dû limoger une trentaine de ministres ou de secrétaires d’État impliqués dans des scandales.

Aujourd’hui, le président candidat promet de laver le pays, "sale comme les écuries d’Augias", grâce à des "rivières de justice", le nom pompeux qu’il a donné à la coalition menée par le SDP. Ses saillies, innombrables, lui valent de nombreux soutiens, lui qui est l’homme politique le plus populaire de Croatie. De même que ses critiques contre la prétendue faiblesse du Premier ministre sortant vis-à-vis de l’Union européenne, qu’il surnomme le "caniche de Bruxelles".

De son côté, Andrej Plenković est resté droit dans ses bottes, prêt à relever "tous les défis" comme l’affirme son slogan de campagne. Il se pose en garant de la stabilité et vante les réussites de ses deux mandats : relance de l’économie depuis la pandémie de Covid-19 et surtout entrée de la Croatie dans l’espace Schengen et la zone euro au 1er janvier 2023.

Vers une coalition inédite ?

D’après les derniers sondages, il a repris l’ascendant dans son duel avec le président Milanović. Le parti conservateur est donné en tête avec 60 mandats de députés tandis que les sociaux-démocrates n’en auraient que 44. Si l’issue de ces élections paraît incertaine, vu la volatilité de l’électorat, aucun des deux grands partis qui se partagent le pouvoir depuis l’indépendance, en 1991, ne devrait pouvoir faire l’économie d’une coalition pour former le prochain gouvernement : la majorité requiert au moins 76 sièges au Sabor, le Parlement national.

Toutes les combinaisons et tous les marchandages semblent possibles alors que la scène politique apparaît plus éclatée que jamais. La possibilité d’une Croatie sans majorité et donc ingouvernable n’est pas à exclure. Beaucoup se demandent si, pour son "gouvernement de salut national", Zoran Milanović ira jusqu’à s’allier avec les deux formations d’extrême-droite, Most et le Mouvement patriotique, qui devraient faire une très forte percée.

Cela constituerait une rupture inédite avec l’héritage antifasciste du SDP, héritier de la Ligue des communistes yougoslaves. Mais ce ne serait pas forcément étonnant tant le président a dragué la frange la plus à droite de l’électorat ces dernières années.

Élections législatives en Croatie (La Première 17/04/2024)

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