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Telegram, la cybermenace que les autorités suisses négligent

Telegram est-elle une plus grande menace que TikTok?
Telegram est souvent au centre de crimes. L'application russe est désormais considérée comme un Dark Web à l'accès facilité.Image: watson

Telegram, la cybermenace que les autorités suisses négligent

Alors que TikTok ne cesse d'être sous le feu des critiques, Telegram semble épargné. Pourtant, l'application russe est dangereuse et offre un accès facilité au darknet.
14.04.2024, 15:56
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Pour les Etats-Unis et l'UE, TikTok est la menace principale, le grand méchant loup chinois qui vient dérégler la sécurité nationale. Récemment, l'eurodéputé Raphaël Glucksman en a remis une couche et a réclamé une commission d'enquête sur TikTok au Parlement européen.

Les grandes nations ont peur de voir des données tomber entre les mains du parti communiste chinois. La popularité auprès de la jeunesse de l'application phare de Bytedance effraie et s'est presque muée en une obsession pour l'Occident.

Sauf qu'à force de concentrer ses forces sur une seule menace, d'autres fauteurs de trouble risquent de passer entre les mailles du filet. Des dangers moins visibles, mais qui peuvent tout autant troubler la fameuse sécurité nationale. Parmi eux, il y a Telegram et ses 800 millions d'abonnés dans le monde - 940 000 en Suisse, selon les chiffres de 2021- qui grandit.

Comme le soulignait un rapport de Guardio, l'application russe est devenue ces derniers temps une plateforme digne d'un eldorado pour les escrocs.

Le rapport évoque même «un accès facilité au Dark web» qui, grâce à Telegram, est accessible via une simple recherche. Depuis que les autorités ont réussi à gommer leur retard sur les pratiques du Dark web, les criminels cherchent à utiliser d'autres plateformes pour mener leurs activités sans être dérangés par les gardiens de l'autorité.

La raison? L'application de messagerie est surtout populaire pour offrir aux utilisateurs des niveaux élevés de confidentialité et de sécurité. Enfin, sur le papier.

La Suisse n'a «pas analysé» Telegram

A notre demande, le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) nous confie ne «pas avoir analysé l’application Telegram lors d’un récent contrôle».

Le PFPDT rappelle:

«C'est aux utilisateurs et utilisatrices de prendre connaissance des termes d’utilisation et de la déclaration de protection des données avant de télécharger une application.»

Même son de cloche du côté de l'Office fédéral de la cybersécurité. L'organisme fédéral nous écrit qu'elle ne «donne pas de recommandation pour l'utilisation d'un produit».

S'il est demandé aux internautes helvétiques du bon sens et de la réflexion, Telegram, faut-il le rappeler, regorge d'organisations obscures, voire terroristes. Fondé il y a près de 10 ans par les frères Nikolaï et Pavel Durov, le réseau de messagerie s'est octroyé une place dans des réseaux troubles, nourrissant par ailleurs la foire à la désinformation.

Le Brésil, en 2022, avait bloqué et imposé un ultimatum au réseau pour se conformer à la loi. Le problème résidait dans cette absence de modération, où des groupes peuvent atteindre jusqu'à 200 000 membres. Une fausse information ou des théories conspirationnistes peuvent rapidement devenir virales sans aucun contrôle.

En France, en 2023, après la mort de Nahel, la messagerie instantanée était privilégiée par les émeutiers pour échafauder leurs attaques. Le Hamas s'est aussi emparé de Telegram, après les massacres du 7 octobre, pour en faire leur canal fétiche. Au point que, fin 2022, l'ex-députée française Laëtitia Avia et l'avocate Rachel-Flore Pardo appelaient publiquement à «mettre fin à l'impunité de Telegram».

Mais pas seulement. Dernièrement, un reportage de Cash investigation sur France 2 convoquait les pratiques commerciales trompeuses sur des groupes Telegram de nombreux influenceurs. L'émission prenait en exemple Laurent Billionaire, un influenceur aux millions d'abonnés, qui inscrivait un lien dans ses stories Instagram pour renvoyer ses abonnés sur une page Telegram.

Une zone sécurisée détournée

A l'origine, la messagerie de Pavel Durov devait offrir une zone sécurisée pour ceux qui vivent dans des régimes oppressifs et des dictatures. Le boss, exilé à Dubaï, où est installé le siège de l'application, a assuré qu'il protégerait «les données des utilisateurs à tout prix».

Mais il ne s'agit peut-être que d'un gros mensonge. Comme le souligne cet article d'une experte en sécurité chez Kaspersky, l'absence de cryptage fait défaut. La sécurité des conversations est basée sur une politique et non sur une technologie solide.

Jeff Allen, co-fondateur et directeur de recherche de l'Integrity Institute, dans le Financial Times, mettait en garde les utilisateurs contre les milieux criminels qui fleurissent et agissent sur l'application de messagerie.

Les inquiétudes sont devenues un poil plus persistantes lorsque Pavel Durov a accordé lui aussi un entretien au Financial Times, estimant qu'une introduction en Bourse pourrait être une solution viable pour son entreprise. Une idée qui rappelle la récente cotation du réseau Reddit, un réseau avec lui aussi une face très sombre et une modération quasi invisible.

Alors, Telegram est-il plus dangereux que TikTok? La Suisse ne semble pas s'en soucier. L'Institut national de tests de cybersécurité (NTC) nous confie, par courriel:

«Une analyse technique de la sécurité de TikTok a été menée, mais Telegram n'a jamais fait l'objet d'une analyse approfondie»
L'Institut national de tests de cycbersécurité (NTC)

Les autorités suisses devraient pourtant garder le réseau de Pavel Durov à l'œil. De nombreux rapports et critiques, le présentent comme une bombe à retardement et un bel outil de propagande.

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