Fortnite, le jeu vidéo phénomène

Fortnite fait aujourd'hui office de locomotive pour le métavers. La plateforme vient de signer un accord majeur avec Disney.

SDP

Quelques centaines d’utilisateurs chaque jour, tout au plus. Horizon Worlds de Meta est pour l’heure un échec, malgré les milliards de dollars investis par le géant américain dans ce métavers. L’attention s’est déplacée vers l’intelligence artificielle générative, une innovation jugée plus tangible. Plus essentielle à la bonne marche du monde, aussi.

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Mais le métavers n’est pas mort pour autant. S’il a abandonné la création de son propre univers virtuel l’an passé, Disney a annoncé en début d’année investir 1,5 milliard de dollars dans le propriétaire de Fortnite, Epic Games. Un contrat majeur permettant au père de Mickey de proposer dans le jeu des personnages et des décors de films et de séries : ceux de Star Wars, Marvel, Pixar dont le géant du divertissement possède les droits.

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Fortnite est plus que jamais la locomotive du "métavers", dont il assume pleinement la filiation. Le jeu répond en effet à la définition communément admise : celle d’un monde doté de nombreuses expériences ludiques avec de la possession d’objets, d’habits, d’avatars ou bien de terrains. Outre l’accord avec Disney, Fortnite a par exemple fait de la place à l’univers de construction Lego, à des scènes de concert avec une Lady Gaga virtuelle… Soit à des dizaines d’autres espaces différents du jeu de tir "Battle royale", son succès d’origine.

La recette fonctionne. La plateforme dispose de 90 millions d’utilisateurs mensuels, en progression régulière. Dans le genre, elle n’est pas la seule à avoir du succès. Minecraft - 165 millions d’utilisateurs - est devenu fin 2023 le jeu le plus vendu au monde avec 300 millions d’exemplaires écoulés. Roblox, enfin, revendique 250 millions d’adeptes tous les mois. Ce dernier a d’ailleurs enregistré de nouveaux résultats records, en 2023. Quelque 2,8 milliards de dollars de chiffres d’affaires, en hausse de 26 %. Le "Metaversed consulted", une agence spécialisée sur le sujet, estime à 600 millions le nombre d’utilisateurs mensuels des métavers. Neuf fois la population de la France. Pas négligeable.

Ces "métavers" qui n’en sont pas

Derrière les trois jeux susnommés, véritables moteurs du secteur, d’autres métavers plus modestes perdurent à l’image de The Sandbox. La plateforme lancée par un français, Sébastien Borget, mise également sur la dimension ludique, mais axée sur la monétisation. Elle a annoncé la création par ses propres utilisateurs de sa millième "expérience" - le plus souvent des jeux. Sa "carte" grouille par ailleurs de marques et d’annonceurs ayant mis la main sur des "terrains virtuels", parfois pour plusieurs milliers d’euros, où ils multiplient les évènements et les animations. Ce modèle progresse, lui aussi. The Sandbox détient désormais 5,7 millions de comptes et reçoit entre 50 000 et 100 000 connexions mensuelles. "La qualité du contenu s’améliore, les expériences sont plus fluides, plus sociales, plus immersives. Les usages vont s’ancrer", juge optimiste Sébastien Borget, qui pense toutefois que le concept de métavers n’arrivera à maturité que d’ici "cinq à dix ans".

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Car il reste quelques points de blocages. Des abus "marketing" d’une part. "Des plateformes dites métavers sont certes immersives, en 3D, mais elles ne permettent pas la rencontre, ni la discussion. Tant qu’il n’y a pas d’interactivité en temps réel avec des gens, ce n’est pas un métavers", déplore Nathalie Badreau, consultante et auteure d’une newsletter dédiée au métavers. Son association avec l’industrie des cryptomonnaies et des NFT, ces jetons de collection stockés sur la blockchain, réunis sous la définition de "Web3", est également considérée par certains comme un frein. "Ils n’ajoutent finalement que de la friction, de la complexité à l’expérience", juge Morgane Soulier, co-auteure de Métavers, comprendre le monde qui vient (Grasset, 2024). Puis, les métavers se voient toujours reprocher leur manque d’interopérabilité. Le fait de ne pas pouvoir jongler entre chaque plateforme, de ne pas conserver son avatar partout comme dans le film Ready Player One. "J’ai moi-même 23 avatars différents, déplore Nathalie Badreau. Les jeunes utilisateurs s’en soucient, car ils achètent de vraies marques pour s’habiller, mettent des robes pour aller dans le DJ set de Paris Hilton dans Roblox."

Dernier point noir, l’immersivité est encore loin d’être idéale, derrière un smartphone ou un ordinateur. C’est ce qui explique pourquoi le jeu vidéo, mature pour ce type d’appareils, prédomine toujours. Or, "les métavers deviennent de véritables lieux sociaux, des mondes parallèles qui grouillent. Selon les endroits, on peut désormais y faire son sport à plusieurs, s’inscrire à un cours d’œnologie, se rendre dans un Comedy club", poursuit Nathalie Badreau. Pour l’instant dans l’anonymat. Le marché des casques de réalité virtuelle ou augmentée (AR/VR), continue d’accueillir de nouveaux acteurs. L’arrivée d’Apple avec son Vision Pro est un jalon marquant. Et la division Reality Labs de Meta a empoché en début d’année son premier milliard de chiffre d’affaires grâce aux bons résultats du Meta Quest 3. Un signe que ses lourds investissements, et son changement de nom, pourraient à terme porter leurs fruits.

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