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La vérité sort-elle de la bouche des enfants ?

La vérité sort-elle de la bouche des enfants ?

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Par RTBF La Première

Alors que le magazine Time a fait de Greta Thumberg sa personnalité de l’année, le philosophe Matthieu Peltier répond à la question suivante : la vérité sort-elle de la bouche des enfants ?

C’est une question plus difficile qu’on ne pourrait le croire, car il y a toute une tradition qui glorifie la sagesse des enfants, leur innocence, leur pureté. "Le royaume des cieux appartient à ceux qui le ressentent", disent les Évangiles.

Mais il y a aussi tout un courant plus dénigrant envers l’enfance. Descartes par exemple voyait l’enfance comme une période dont il fallait presque se purger pour devenir adulte. L’enfant étant pour lui incapable de raisonner, il se construit des représentations qui vont polluer ses capacités de réflexion.


Les enfants sont-ils innocents ?

Un enfant qui dessine sur une porte, est-il coupable ou innocent ?

  • Si on est dans une morale de l’intention, comme celle de Kant, l’enfant est assurément innocent, puisque s’il y a mal, ce mal n’est pas voulu, il est le résultat d’une ignorance.
    Le problème, c’est que si la morale se joue uniquement sur l’intention, on risque de devoir excuser toute une série d’actes abominables commis par des adultes persuadés de faire le bien en faisant beaucoup de tort.
     
  • Si on se situe par contre dans une morale conséquentialiste, plus basée sur les faits, le dessin est problématique puisqu’il ne respecte pas les règles élémentaires du respect de la porte.

Une solution consiste à considérer l’enfant comme un être en devenir, c’est-à-dire non abouti, ce qui permet d’augmenter la tolérance au regard de celle qu’on accorderait à un adulte.


La vérité sort-elle de la bouche des enfants ?

Il faut distinguer la vérité-connaissance et la vérité-sincérité, dit Matthieu Peltier.

Un enfant est assurément moins calculateur, il a moins de filtres dans sa manière de parler. Mais il est évident que sa connaissance du réel est moins complète et éprouvée que celle d’un adulte.

La sincérité d’un enfant est parfois l’expression d’une vérité incontestable mais non nommable par les adultes. L’ignorance des codes et des règles de la bienséance d’un enfant lui permettent de révéler ce qui est probablement une vérité, peut-être pas très importante, mais que personne d’autre n’aurait dit.

On peut faire référence à la notion de paradigme, ce système de représentation partagé et dominant. Il y a dans notre paradigme certaines règles, une certaine normalité partagée, ce qui est sérieux et ce qui ne l’est pas. Ce paradigme tient jusqu’à ce qu’il soit remis en question.

Les enfants ne sont pas dans le même paradigme que celui des adultes.


Le paradigme de Greta Thunberg

La parole de Greta Thunberg est dérangeante parce qu’elle questionne, avec les jeunes militants du climat, un certain rapport à la normalité. Notre niveau de vie est-il normal ? Notre liberté consiste-t-elle à pouvoir prendre l’avion pour pas cher quand bon nous semble ? Pouvons-nous continuer comme cela pendant longtemps ?

Il y a dans ces questions quelque chose qui vient titiller des tabous du monde des adultes. Cela vient questionner des évidences que des gens très savants ne remettent plus en question depuis très longtemps.

En ce sens, son âge constitue un atout car l’endroit depuis lequel Greta Thunberg nous interroge se situe assurément en dehors de notre paradigme. Et rien que pour cela, son travail est immense.

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