Avouons-le, voir son chat ou son chien manger des crottes – les siennes ou celles des autres – a quelque chose de repoussant. Difficile de ne pas s’identifier à son animal de compagnie préféré. Pourtant, dans le monde naturel, la coprophagie est un comportement des plus banals. Pensons insectes, mouches, cafards et évidemment bousiers. Ou encore lombrics. Plus près de nous, de nombreux vertébrés ne dédaignent pas de déguster des excréments. Lapins, marmottes, castors, chinchillas, koalas, musaraignes et bien d’autres s’y adonnent joyeusement.
Derniers admis dans ce club au menu un peu particulier, les oiseaux. Dans une étude publiée le 12 mars dans la revue Biological Reviews, une équipe australienne en dresse la liste et surtout détaille les bienfaits de cet usage. Prenons l’autruche, par exemple, coprophage avérée. Des chercheurs de l’université de Lund (Suède) ont suivi deux groupes d’oisillons, les uns profitant d’un apport de matière fécale d’autruches adultes, les autres non. Le résultat, publié en août 2023 dans Evolution Letters, est sans appel : une meilleure croissance, une moindre présence de pathogènes intestinaux et une mortalité plus faible dans le premier groupe. L’explication, selon les chercheurs, tiendrait essentiellement au microbiote. Dopé par les bactéries issues des intestins des aînés, il serait à la fois plus riche et son développement plus rapide.
La grande sprinteuse est loin d’être la seule dans son genre. Canards, pétrels, lagopèdes, poules d’eau, foulques, bécasses, vautours et plusieurs espèces de passereaux, comme les pies, les becs-croisés et les tohis, consomment des fèces. Certaines espèces ne touchent qu’aux excréments de leurs congénères. Moins difficile, la foulque macroule, l’été austral venu, savoure les déjections d’oies et de mouettes, note Barbara Drigo, de l’université d’Australie du Sud, à Adelaïde.
Une forme d’automédication
L’article de Biological Reviews qu’elle cosigne met en avant trois bienfaits de ce comportement. D’abord, comme chez les mammifères, il fournit aux oiseaux un nécessaire surcroît d’énergie et de nutriments. C’est le cas pour la foulque justement, mais aussi pour le bec-croisé d’Hispaniola, en Haïti, qui trouve son complément de calcium dans les crottes de loutre.
Ensuite, la coprophagie permet aux poussins de construire leur microbiote intestinal. Les autruches en témoignent : sans ces bactéries, difficile, voire impossible, de digérer les aliments nécessaires à leur bon développement et de lutter contre certains pathogènes. Or, ils en sont largement dépourvus à la naissance. Les oisillons ne sont toutefois pas les seuls à en profiter, et c’est là le troisième bienfait. Pour les adultes, ces déjections permettent de s’adapter aux modifications de l’environnement. « C’est particulièrement précieux pour faire face à un changement de régime alimentaire, qu’il soit dû à une migration, à un changement de saison ou aux variations du climat », insiste Barbara Drigo.
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